homélie du 1er dimanche de l’Avent, 27 novembre 2016

Après les deux guerres mondiales{joomplu:92} on s’est mis sérieusement en quête du monde que Dieu annonce dans le livre d’Isaïe : « Jamais nation contre nation ne lèvera l’épée ; ils n’apprendront plus la guerre » (Is 2,4). On a créé la Société des Nations, puis l’ONU, qui ont été chargées de conduire au règlement des conflits. En réalité, cela fait depuis bien plus longtemps encore que des hommes de bonne volonté luttent pour la paix entre les peuples. Malgré tous les efforts, il semble que la solution nous échappe toujours et que l’histoire des guerres est un éternel recommencement. Le pouvoir de l’argent, de l’orgueil, du mensonge semble sans cesse reprendre le dessus après une accalmie. Parfois en se déguisant sous des motifs religieux, parfois sans masque, mais toujours si puissant.

Pour construire le monde nouveau, chacun doit apporter sa pierre, et la promesse de Dieu nous assure que ce n’est pas en vain. Si nous nous demandons : à quoi bon lutter pour plus de justice, d’accueil, de partage ? Nous savons que nos efforts qui paraissent une goutte d’eau dans l’océan seront amplifié par Dieu lui-même jusqu’à sa victoire finale : son Royaume vient et dans ce Royaume la guerre aura disparu, l’indifférence sera morte, il n’y aura plus de place pour l’égoïsme.

Dans l’évangile, nous apprenons que ce Royaume n’est pas optionnel. Les hommes de ce temps ont pris l’habitude de choisir s’ils serviraient Dieu ou pas. La devise de beaucoup semble être : « Dieu ne compte pas, même s’il existait »1. Pourtant certains, même sans Dieu, posent dans ce monde des choix qui sont ceux du Royaume de Dieu. Ils ouvrent leurs yeux sur la vie de leurs frères. Avant de prendre leur voiture inconsidérément, ils réfléchissent à la souffrance des peuples asservis par l’exploitation du pétrole. Avant de changer de smartphone ils se demandent si cela est raisonnable étant donné le coût humain et environnemental que cela représente (je pense aux conflits interminables dans les zones d’extraction de métaux précieux). Avant d’accroître le luxe de leur maison ils se demandent si cet argent ne serait pas mieux investi dans l’économie sociale. Sur le plan des relations, ils préfèrent chercher des solutions aux conflits, perdre du temps avec quelqu’un qui attend leur visite, renoncer à leur satisfaction pour se donner vraiment eux-mêmes. Et ainsi de suite. Pour ces gens, qu’ils se posent ou non la question de Dieu, il y a comme un Dieu qui compte et cela change quelque chose. Leur cœur veille. Pendant ce temps, beaucoup, même parmi ceux qui se disent croyants, s’enferme dans leur tour d’ivoire, sans réfléchir aux impacts planétaires de leur comportement, sans chercher à rendre les autres heureux. Ils consomment la terre en une demi-année et même leur conjoint leur sert d’outil de satisfaction. Pour eux, Dieu sert de décor. Leur cœur s’est endormi depuis longtemps sur l’oreiller de la société des loisirs et de la consommation.

Chacun vit donc comme il veut et ne se doute de rien, mais cela n’empêche pas Dieu d’avoir ses objectifs et de nous les faire connaître. Depuis Caïn et Abel il a confié les hommes les uns aux autres. Son Règne arrive et ce n’est pas le règne du « chacun fait c’qui lui plaît ». Jésus nous avertit : tenez-vous prêts ! Deux hommes seront au champ, l’un sera pris, l’autre laissé (Mt 24,40). Deux femmes seront chez Delhaize. L’une sera prise, l’autre laissée. Dieu voudrait bien prendre les deux, mais notre liberté est un pouvoir immense qui nous permet de nous centrer sur nous-mêmes au point d’être inaccessibles à Dieu et à son amour. Que cet Avent nous rappelle cette chose fondamentale : ma liberté existe pour aimer, pour me porter de moi-même à la rencontre de l’autre, et cela a un impact sur tous mes choix. Ce changement de perspective n’est pas pour demain, c’est pour maintenant, car « c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra » (v.44).


1J. Ratzinger, le Sel de la terre, p.207.