homélie du 27e dimanche A, 8 octobre 2017

Aujourd’hui{joomplu:96} nous avons en quelque sorte accès au problème de Dieu confronté au mal, à l’injustice sous toutes ses formes. Plusieurs possibilités s’offrent à lui. La première, qui n’est pas envisagée ici, serait qu’il déclare : j’oublie tout le mal qui est fait, je passe l’éponge, et je vous demande de faire pareil. Cette façon de faire, qui déclare que le mal n’est finalement pas si grave, est un faux pardon, qui méprise celui qui a enduré l’injustice au plus profond de son être. Et même celui qui fait le mal n’est pas respecté par ce coup d’éponge céleste, car c’est comme si son agir avait peu de valeur et de poids.

Une autre solution s’offre à Dieu, que nous voyons esquissée dans l’avertissement du prophète Isaïe. Le prophète met dans les possibilités qui s’offrent à Dieu ce dessein : puisque vous commettez l’injustice je vais vous dévaster, vous mettre au pas en faisant retomber sur vous le mal que vous avez commis. Cette attitude, nous la voyons monter en nous aussi lorsque nous voudrions que le coupable paie jusqu’au bout le méfait commis. Nous le faisons payer en le mettant en prison, en l’ignorant dans notre famille, ou par d’autres représailles dont nous avons le secret.

La troisième solution est évoquée par Jésus dans la parabole des vignerons assassins. Il parle des prophètes que Dieu a envoyé à son peuple inlassablement pour le ramener sur le chemin de la vérité et de la justice. Tous ces prophètes ont été ignorés ou exclus d’une manière ou d’une autre. Jésus parle alors de ce projet fou de Dieu : je vais envoyer mon Fils, ils respecteront mon Fils ! Et il suggère à l’avance la manière dont il mourra, lui le Fils : mis à mort hors de Jérusalem avec préméditation.

La mise à mort de Jésus pourrait passer pour un échec de plus. Mais Jésus annonce ce qu’il fera par sa mort, en citant le psaume 117 : La pierre qu’ont rejetée les bâtisseurs est devenue la pierre d’angle : c’est là l’œuvre du Seigneur, la merveille devant nos yeux ! Lui, le Fils, l’innocent, il ne fait pas que mourir injustement, il prend sur lui le pouvoir du mal, il le noie dans son amour d’homme-Dieu. Ce que le mal abîme, ce que le mal détruit, il s’en charge en se laissant rejeter et clouer sur une croix, lui le Dieu d’Israël, lui par qui tout a été fait (Col 1,16 et le Credo).

On dit qu’il nous a « rachetés », et on parle de rédemption. J’aime beaucoup ces mots, à une époque ou se réveille le désir de faire payer le coupable. C’est lui, le Christ, qui a vraiment payé tout ce que le mal détruit, et quand nous contemplons la croix nous le comprenons de plus en plus. Un jour, Jésus a dit que nous devions pardonner comme lui, mais nous nous demandons : comment vais-je faire ? Comment en suis-je capable ? Maintenant nous voyons le chemin. Nous irons près du Christ en croix, nous lui dirons : tu nous as racheté, lui mon agresseur et moi qui suis aussi un pécheur, tu as tout payé pour nous. Donne-moi la force de pardonner ! Toi, la pierre rejetée qui est devenue la pierre angulaire, je viens poser ma vie près de la tienne pour construire ensemble l’Église et le monde.

Voici 20 ans que je suis prêtre, et je découvre de plus en plus combien le Christ est le chemin d’avenir de l’humanité. Les réponses qu’il apporte, par son enseignement et surtout par sa vie, par sa mort sur la croix et sa résurrection, ces réponses sont exactement ce dont nous avons besoin pour affronter le problème du mal et de la mort avec réalisme et espérance. Ce n’est pas que tout est facile à la suite du Christ, mais tout s’éclaire, chemin faisant. Et quand nous restons fidèles ou que nous le redevenons, notre vie devient belle et féconde.

Cela fait aussi 20 ans que je sers le Christ dans son Église. Et je remarque ceci : il y a beaucoup d’imperfection dans l’Église, beaucoup de choses qui ne vont pas comme nous trouvons qu’elles devraient aller, mais l’Église réussit sa mission avec l’aide de l’Esprit Saint. Sa mission, c’est de transmettre le Christ, c’est de faire que l’amour du Christ s’allume dans le cœur des gens d’aujourd’hui. Et l’Église réussit sa mission avec toutes les sortes de personnes que nous sommes, ensemble. Elle est un miracle de transmission, qui permet à chacun d’apporter sa pierre. Les saints, bien sûr, mais aussi les médiocres parviennent à porter un peu de fruit pour l’avenir, bien que ce soit au milieu des souffrances. C’est la grandeur de l’Église de réussir cette mission de transmission avec tous, sans être un club de personnes excellentes. Donc, si vous voulez me faire un beau cadeau d’anniversaire, soyez fidèles au Christ et soyez le dans son Église.