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l’évangile, ça “déchire” !

homélie du 19 août

Ce récit de l’évangile suit directement le passage sur « là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur. » Cette fois il n’est plus question de cœur mais peut-être n’en sommes-nous pas loin avec ce feu que Jésus vient allumer sur la terre. Dans la Bible comme dans notre imaginaire le feu représente à la fois ce qui purifie et la puissance de l’amour. Il y a l’image du feu du Jugement dernier, et celle de la Pentecôte, de l’Esprit d’amour répandu sur tous. Et finalement ces deux images se rejoignent pour Jésus : il y a deux mois, chez Simon le pharisien, Jésus disait à la femme pécheresse que ses péchés sont pardonnés parce qu’elle a montré beaucoup d’amour. Aimer de tout notre cœur purifie. C’est notre façon de participer au feu que Jésus est venu allumer sur la terre.

Pour une fois nous avons ici accès aux émotions de Jésus. Jésus est impatient que ce feu soit allumé. Pour tous ceux qui souffrent sur la terre, faisons nôtre cette impatience ! Nous pouvons nous demander : comment puis-je promouvoir maintenant la cause de la paix et de la justice autour de moi ?

A l’impatience de Jésus semble se mêler l’angoisse : « Je dois recevoir un baptême — nous dit-il — et comme il m’en coûte d’attendre qu’il soit accompli ! » Ce baptême, lié au feu qu’il vient allumer, c’est certainement sa passion, la façon dont il ancrera dans le cœur de l’homme l’Esprit si souvent repoussé. Quand nous savons que nous devons passer par une épreuve très difficile, cela nous coûte de devoir attendre et de voir cette épreuve inévitable à l’horizon. Jésus, longtemps avant d’être crucifié, a craint ce moment et a connu l’angoisse de le voir venir de loin. Puissions-nous nous rappeler ce passage quand nous envisagerons une rencontre difficile ou un mauvais quart d’heure ! Il nous est utile de nous rappeler que le Seigneur a vécu nos sentiments et vient encore à nos côtés dans la détresse.

La suite de l’évangile nous déroute car nous pensons tous que le message de l’évangile est un message d’amour, et donc sûrement de bonne entente. Or voilà Jésus qui déclare apporter la division et la lutte des hommes les uns contre les autres à cause de lui. Et ceux qui se dresseront les uns contre les autres ne sont pas seulement des hommes qui n’avaient de prime abord rien pour être unis. Ce sont aussi les membres d’une même famille. Certains vivent cette expérience aujourd’hui, elle a été courante chez les premiers chrétiens et elle le redevient au fur et à mesure que l’esprit du monde s’éloigne de l’évangile.

Jésus nous avertit qu’adhérer vraiment à ce qu’il propose ne laissera pas notre entourage indifférent. Les gens se demanderont pourquoi nous faisons tels choix dictés par l’évangile. Jésus ne propose pas un verni de religion, il propose un changement de tout l’être, un engagement de toute la personne, une révolution de la vie et des valeurs communes. De sorte que si nous n’avons pas l’impression de dénoter par rapport à notre entourage, c’est peut-être que nous avons encore du chemin pour vivre profondément l’évangile...

Quelle est la division que Jésus apporte par sa nouveauté ? Il ne s’agit pas d’être divisés parce que nous aurions accablé nos proches de remontrances ou de jugements. Je le dis car c’est une tentation pour des chrétiens. Si par Jésus nous amenons une division, j’aimerais que ce soit à cause d’une façon de vivre qui avertit les autres qu’il existe des « réalités d’en-haut », pour lesquelles il vaut la peine de lutter, de se débarrasser de tout ce qui nous alourdit. Ne craignons pas une façon de vivre qui vient poser des questions très très près du cœur de l’autre : que fais-tu de Dieu ? Est-ce que tu vas te décider à te poser la question ? As-tu raison de le rejeter ? Est-ce que ce sont des preuves de son inexistence qui te poussent à ne pas le reconnaître ou plutôt un entêtement sans preuve, par pur orgueil ? Bien sûr si nous posions la question avec ces mots, nous serions envoyés sur les roses, mais même sans mots notre attachement à Dieu peut poser ces questions à nos proches et amener la division.

Il nous reste un défi : accepter ces tensions sans agressivité ni révolte ni gémissements... Le chemin sera celui que propose la lettre aux Hébreux : unir la souffrance que cette division produit en nous à la croix du Christ, au baptême dont il a été baptisé, à l’extension du feu qu’il est venu apporter sur la terre. Vivons « les yeux fixés sur Jésus », et acceptons de ne pas toujours être compris dans nos choix de vie. Que Dieu nous donne la grâce de persévérer jusqu’au bout en aimant ceux qui peuvent, parfois en bonne conscience, nous persécuter ! Et comme d’habitude, avançons joyeusement, sans trop nous prendre au sérieux.