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« efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ! »

homélie du 26 août 2007, 21°dimanche

« Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite, car, je vous le déclare, beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas. » (Lc 13,24) Cette phrase de Jésus est un choc pour nous, chrétiens du XXI°siècle, qui nous sommes plutôt habitués à une théologie à la Michel Polnareff : « On ira tous au paradis ». Il y a dans cet évangile un avertissement de Jésus, que je n’ai pas envie de vous édulcorer, mais je voudrais le faire résonner au milieu des autres phrases des lectures d’aujourd’hui, de cette prophétie d’Isaïe que reprend Jésus : « on viendra de l’Orient et de l’Occident, du Nord et du Midi, prendre place au festin dans le royaume de Dieu. »

En un mot nous pourrions dire : les places ne sont pas comptées dans le paradis, il y en a pour tout le monde, mais on n’y accède pas sans l’avoir cherché. Ici, Jésus s’adresse aux juifs de son temps, spécialement à ceux qui n’écoutent pas sa parole, comme pour leur dire qu’il ne suffit pas de l’avoir connu pour accéder au Royaume mais qu’il faut aussi l’avoir aimé. Cela s’applique sûrement à tous ceux qui habitent un pays où la foi chrétienne était répandue, où on pense connaître Jésus. Il pourrait bien nous répondre : « je ne sais d’où vous êtes »...

La question du salut, “serai-je sauvé ? Vais-je accéder au paradis à ma mort ?”, a occupé le champ de conscience des chrétiens pendant des siècles. Certains ont même pu écrire que le christianisme s’était bâti sur la peur de l’enfer, et ils ne doivent pas avoir tout à fait tort. Aujourd’hui la plupart des gens ne se demandent plus “serai-je sauvé ?” J’ai parfois l’impression qu’ils se disent plutôt : “s’il y a une vie après la mort, elle sera pour moi, je serai sauvé, il ne manquerait plus que ça !” Sur les questions de la destinée de l’homme après la mort, on se dit que les affirmations chrétiennes relèvent de la mythologie, de croyances anciennes et dépassées. Toutes ces histoires de purgatoire, d’enfer, c’est démodé... Souvent alors la foi chrétienne se trouve remplacée par des affirmations très nébuleuse sur une certaine réincarnation, quelque chose au goût moderne mais vraiment pas sûr et plutôt incohérent. Et pour finir on se dit : à quoi bon s’en préoccuper puisqu’on n’en sait rien !

Mais ce matin Jésus vient nous dire : combattez pour pénétrer par le passage difficile ! Au lieu d’un salut automatique, une sorte de loi obscure de la nature, la foi chrétienne nous présente un salut basé sur notre liberté. Notre destinée dépend de ce que nous faisons, de ce que nous choisissons, car Dieu ne nous a pas donné cette vie intelligente et bien plus qu’animale pour que nous nous laissions voguer au gré de notre instinct, pour que nous laissions entrer n’importe quoi dans notre cœur en suivant surtout notre bon plaisir. C’est vrai que nous sommes habiles, que nous savons nous débrouiller sur la terre, mais pour le salut, « beaucoup chercheront à entrer et ne le pourront pas ». Leur cœur ne sera pas assez musclé, il sera alourdi, une sorte de cœur gras comme on fait du foie gras, à force d’être centré sur soi-même.

Par ailleurs, beaucoup viendront de partout, de l’orient et de l’occident, j’ose dire aujourd’hui : de l’islam et de l’hindouisme, du judaïsme et du christianisme, et même des athées, parce qu’en écoutant la voix de leur conscience plutôt que de leurs aises, ils auront fait la volonté de Dieu plutôt que de se rassurer à bon compte en se disant : de toute façon Dieu est pour nous quoi que nous fassions.

Tout ce que je vous dit aujourd’hui vous fait peut-être froid dans le dos. Ce n’est pas le but... Quand Jésus nous parle ainsi, ce n’est pas pour décrire une situation mais pour libérer en nous les énergies d’un progrès. Jésus ne condamne pas, il exhorte. Rien n’est jamais fini pour Dieu mais ça commence maintenant.

Reste à ne pas se tromper de motivations. Il s’agit de laisser se libérer les bonnes énergies, celles de l’amour et non celles de la peur. Si nous cherchons à faire ce que le Christ nous demande dans l’évangile, si nous cherchons notre salut, que ce ne soit pas par peur de ne pas l’obtenir. Car c’est encore être fort centré sur moi-même que de m’intéresser à ce que Dieu demande surtout quand mon avenir est en jeu. Devant les avertissements de Jésus, laissons se libérer les énergies de l’amour : “oui je vais combattre pour passer par le chemin resserré, je vais renouveler les préoccupations de mon cœur pour en faire un cœur qui aime vraiment Dieu et tous ceux qui croisent mon chemin”. C’est ainsi, et purifiés enfin par le pardon de Dieu, que nous partagerons la vie éternelle avec ceux qui viendront de partout.