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le mariage chrétien

homélie de la messe des étudiants, 14 nov. 2007

Il y a deux ans, à la fête de Saint-François, j’avais prêché sur le célibat consacré et je m’étais dit : il faudrait compléter par une homélie sur le mariage, ça devrait intéresser les étudiants. Ce sera bientôt chose faite.

Quand on lui pose la question du divorce, Jésus répond qu’il s’agit d’un aménagement à cause d’une triste réalité : la dureté de cœur des hommes. Mais pour ses disciples, il ne doit pas en être ainsi, ils peuvent se référer à ce que le Père a disposé au commencement, en créant l’homme et la femme, et pour eux le remariage qui fait suite à un divorce équivaut à un adultère.

C’est un enseignement qui fait dire aux apôtres que vraiment le mariage devient dangereux si telle est la situation de l’homme envers sa femme. (v.10) Jésus en profite pour parler de ceux qui choisissent le célibat, ceux qui ont choisi de ne pas se marier à cause du Royaume des cieux. Mais surtout, comme le soulignait quelqu’un lors de la préparation, si Jésus propose ce programme pour le mariage, c’est qu’il en ouvre la possibilité.

Avec Jésus, le beau projet de Dieu d’unir l’homme et la femme pour la vie est retrouvé. C’est par fidélité à cette espérance que l’Église encore aujourd’hui ne trouve pas de possibilité à un remariage, tout au plus comprend-elle que des conjoints se séparent si l’un d’eux devient un danger pour l’autre ou pour les enfants ou s’il rend la vie commune trop dure.

Mais après tous ces préambules, il est temps de regarder ce que Jésus propose à l’homme et la femme qui désirent se marier. Il relève d’abord une disposition toute naturelle : l’engagement total de l’homme et de la femme vient de la création, et il ne faut pas être chrétien pour trouver qu’amour rime avec toujours. Dire à quelqu’un « je t’aime pour un moment, tant que ça me plaît », cela reste odieux, qu’on soit chrétien ou pas. Il ne faut jamais s’y habituer.

Puis, à travers la petite phrase « que l’homme ne sépare pas ce que Dieu a uni », Jésus suggère que lorsqu’un homme et une femme s’aiment et choisissent de s’unir c’est en fait Dieu qui les unit. Dans leur union, qui est motivée par un attrait humain, c’est en fait quelque chose de divin qui se joue, quelque chose qui met en jeu Dieu qui est amour. L’homme et la femme ont ce pouvoir de produire quelque chose d’ordre divin, au point qu’on peut dire que c’est Dieu qui les unit. J’y reviendrai.

Dans le monde animal il y a aussi un attrait plus ou moins durable du mâle et de la femelle. Mais pour l’être qui est créé à l’image de Dieu, cet attrait peut devenir choix et donc amour. Je voudrais m’apesantir un peu sur cette dimension de l’amour comme choix. L’amour ne repose pas seulement sur le sentiment mais aussi sur la volonté. Nous nous attendons à trouver l’amour dans de grandes extases et de grands sentiments. Et cela arrive, en effet. Mais l’amour se réalise aussi très souvent dans le secret de notre cœur, dans les moments où nous choisissons tout simplement l’autre tel qu’il est. On ne le sait plus dans notre monde, on croit que l’amour dure tant que dure le sentiment. Mais non, l’amour est aussi choix, décision. Dans un couple il arrive des moments où le sentiment n’est plus au rendez-vous. Mais lorsqu’on s’est engagé l’un envers l’autre, on peut encore choisir d’ouvrir son cœur à l’autre, de le prendre dans son cœur, de vouloir lui être uni, de vouloir faire pour lui des actes d’amour. Non par nécessité, non par peur d’être seul, non par soumission, mais par choix. Lorsqu’on fait cela, un sentiment nouveau commence à naître, plus profond, un attachement qui donne davantage la vie. C’est de nouveau comme un sentiment amoureux, mais plus profond, qui naît après avoir traversé un passage à vide grâce au choix d’aimer. L’homme a ceci de grand qu’il peut construire sa vie sur des fondations plus solides que le simple attrait, que le sentiment dont on n’est pas maître. C’est ainsi que Jésus peut dire un jour : mon commandement, le voici : aimez-vous les uns les autres comme je vous ai aimés.

Il y a une autre dimension du mariage qui vient de la façon dont Dieu se présente par rapport à son peuple. Pour parler de son amour, Dieu se désigne souvent comme l’époux qui s’adresse à son peuple, son épouse. Jésus lui-même prendra ce titre d’« époux ». L’amour des gens mariés devient une image de l’amour de Dieu pour les hommes. Et nous savons bien depuis que Jésus a donné sa vie pour nous que l’amour de Dieu est un amour qui ne se reprend pas. Cette comparaison, même si elle est lourde à porter, est si nourrissante pour la foi : quand je vois la tendresse d’un mari pour sa femme — encore faut-il qu’il ait appris la tendresse — je me dis : c’est d’un tel amour que Dieu m’aime. Et il arrive qu’un des conjoint donne, seul, le témoignage de la fidélité de l’amour de Dieu plus forte que nos égarements. Ce sont des témoignages si nécessaires au monde d’aujourd’hui en quête d’espérance.

Ce chemin du mariage n’est possible qu’en vivant par ailleurs tout l’Évangile, et d’abord sur le chapitre du pardon mutuel et de la pauvreté de cœur. Comme j’aime à le dire dans les homélies de mariage : l’amour que l’on s’échange sur terre est un amour à pardon, comme il y a les moteurs à essence. Mais pardonner c’est remporter une victoire ; c’est dire : même si tu m’as fait très mal, je veux t’aimer par-delà ce que tu m’as fait, je ne veux pas que ta mauvaise action limite mon amour.

A cause de tout cela, on voit bien que le mariage est réellement pour les disciples de Jésus une vocation, qui les appelle à la sainteté, à réaliser des prouesses d’amour, comme l’est toute vocation véritable. Ceux d’entre vous qui ont l’intention de se marier, qu’ils accueillent vraiment cet appel du Seigneur, et ils seront comblés.