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trouver de quoi vivre heureux – et y conduire les autres

Homélie du 4° dimanche de Pâques

Aujourd’hui, ce que le Christ nous apporte est résumé dans cette fonction : être pour les brebis la porte de la bergerie. C’est un peu étonnant de penser à Jésus comme porte. On appelle souvent ce dimanche, dimanche du bon Pasteur, et on prie pour les vocations de berger. Mais aujourd’hui Jésus nous dit plutôt qu’il est la porte des brebis. La vie chrétienne nous est présentée comme la liberté de circuler. Par Jésus nous pouvons aller et venir et trouver un pâturage, c’est-à-dire de quoi vivre et être heureux. Non pas simplement survivre, mais avoir la vie en abondance.

Il y a des situations de notre vie où nous nous sentons comme prisonnier. Prisonnier de nous-mêmes, de nos faiblesses, prisonnier des autres, prisonnier de la vie, de ses obligations, de son poids. Nous avons l’impression que nous sommes enfermés dans la vie comme la brebis enfermée dans la bergerie. Personne pour nous faire sortir et nous guider, mais tout juste la menace du voleur qui escalade le mur, la menace de tout ce qui tendrait à profiter de notre faiblesse.

Nous aurions envie de nous évader, coûte que coûte, et le monde d’aujourd’hui nous propose toutes sortes d’évasions. Mais nous nous rendons bien compte que nous nous évadons vers le désert, que nous ne sommes pas rassasiés au plus profond de nous-mêmes : il reste une insatisfaction profonde.

Alors nous comprenons que Jésus se présente comme la porte : il est la porte qui nous permet de sortir vers les pâturages verdoyants, vers une vie de plénitude. Et comment passe-t-on par cette porte ? Il me semble qu’il faut conjuger deux choses :
– on passe par Jésus en faisant ce qu’il nous demande, en aimant comme lui, en nous donnant nous-mêmes généreusement
– on passe par Jésus en s’attachant à sa personne, en consacrant du temps à penser à lui, à chercher dans la relation avec lui une stabilité, une consolation qu’on ne peut vraiment trouver que là.

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Dans la suite de l’évangile, Jésus cessera de se comparer à la porte et il se présentera comme le berger. Déjà on entrevoyait cette image dans la phrase « Le portier ouvre au berger des brebis, et les brebis écoutent sa voix. Ses brebis à lui, il les appelle chacune par son nom, et il les fait sortir. Quand il a conduit dehors toutes ses brebis, il marche à leur tête, et elles le suivent, car elles connaissent sa voix. » (Jn 10,3-4)

Oui, nous avons un berger, nous ne sommes pas des gens errant qui n’ont pas de repères, qui sont perdus dans la vie, perdus dans leurs choix. Nous avons un berger sur lequel nous pouvons nous appuyer, et grâce à qui nous devenons berger à notre tour. Beaucoup d’analystes constatent que notre monde a cruellement besoin de repères. Or beaucoup d’entre nous sont dans la situation de ceux qui doivent guider les autres : les parents, les chefs au patro, chez les scouts et les guides, les conseillers politiques, les enseignants, les cadres d’entreprise, les prêtres... Nous sommes appelés à être bergers, à conduire ceux que le Seigneur nous confie. Nous les conduisons dans des circonstances difficiles, et je crois qu’on ne peut pas nous juger sur nos résultats, mais plutôt sur l’audace avec laquelle nous aurons poussé les autres à relever le défi de leur existence et de leurs responsabilités.

Nous, les disciples du Christ, nous pouvons être des bergers qui osent montrer aux autres qu’on ne doit pas avoir peur de la souffrance comme du plus grand des malheurs. Nous, les disciples du Christ, nous pouvons être des bergers qui osent montrer aux autres que c’est en se donnant qu’on se reçoit. Nous pouvons être des bergers qui osent montrer aux autres que cela a du sens de renoncer à ce qui nous plaît pour nous consacrer à quelque chose qui a plus de valeur. Nous pouvons être des bergers qui osent montrer aux autres qu’il y a toujours une espérance et qu’on ne doit jamais désespérer de quelqu’un ou d’une situation et faire des choix de mort plutôt que de vie et d’amour.

Ainsi nous serons vraiment des bergers à contre-courant. Mais comme disait le cher évêque qui m’a ordonné : il n’y a que les poissons morts qui suivent le courant.