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Les sentiments du Christ devant l’échec

homélie du 5°dimanche de carême

Jésus a été aimé et il a été détesté, au point que beaucoup ont voulu le condamner même injustement et lui ont fait toutes sortes de procès d’intention. Ses adversaires n’ont pas cherché à comprendre ce qu’il voulait dire, mais à le prendre au piège de ses propos pour trouver un prétexte à pouvoir l’accuser. Et aujourd’hui nous découvrons le trouble qui habitait son cœur devant toute cette hostilité : « Maintenant je suis bouleversé. Que puis-je dire ? Dirai-je : Père, délivre-moi de cette heure ? — Mais non ! C’est pour cela que je suis parvenu à cette heure-ci ! Père, glorifie ton nom ! » (Jn 12,27-28)

Jésus ne fait pas le fort, il ne roule pas des mécaniques, il n’a pour toute arme que la persuasion et l’amour. Cela peut paraître très peu face à toute les manigances du mal qui se trament en arrière fond des derniers mois de sa vie. Mais cela lui suffira. Non pas à épargner sa vie, mais à remporter la victoire : « Voici maintenant que ce monde est jugé ; voici maintenant que le prince de ce monde va être jeté dehors ; et moi, quand j’aurai été élevé de terre, j’attirerai à moi tous les hommes. » (Jn 12,31-32)

C’est un sujet d’étonnement constant pour tous les hommes : que celui qui est raillé, conspué, rejeté devient le vainqueur du mal. Dans un autre évangile, quand Jésus annonce sa passion, Pierre veut l’en dissuader. Bien sûr, à vue humaine ce n’est pas ainsi qu’on parvient à ses fins, qu’on réalise sa vocation. Mais Pierre se fait rudement rabrouer. Jésus veut accomplir sa mission en acceptant l’angoisse de l’échec.

Ce n’est pas automatique, ce n’est pas d’avoir été raillé, rejeté, mis en échec que Jésus est vainqueur, c’est par sa fidélité et son amour... C’est parce que Dieu est amour et que la vraie mesure de la réalité n’est pas la notoriété, la gloire qui vient des hommes, le nombre de voix, la richesse, la puissance, mais l’amour, le don authentique que l’on fait de soi-même. Et nous qui rêvons d’un monde où la vérité est toujours proclamée au lieu du mensonge ou de l’information tendancieuse, où la vérité est accueillie facilement dans tous les cœurs, nous pouvons nous confronter une nouvelle fois à cette réalité : dans un monde cassé, Jésus est vainqueur du mal bien qu’il soit bafoué.

Jésus dit aussi : « Si quelqu’un veut me servir, qu’il me suive ; et là où je suis, là aussi sera mon serviteur. » (Jn 12,26) Et nous découvrons que c’est bien vrai, que le serviteur du Christ se trouve un jour ou l’autre dans la situation qui était la sienne.

Cette situation n’est pas seulement négative, le Christ est à la fois persécuté et revêtu intérieurement de la gloire de Dieu. Du ciel une voix se fait entendre en sa faveur qui dit : « J’ai glorifié mon nom et je le glorifierai encore. » (v.28) Jésus n’est pas seul. Je souhaite que si nous nous trouvons persécutés pour notre foi, parce que nous osons dire notre attachement à l’évangile, à l’Église, nous puissions aussi nous sentir intérieurement habillés de la douceur et de la lumière de Dieu. Je ne dis pas : habillé du sentiment d’être le seul juste devant un troupeau d’idiots, mais de la paix qui vient de Dieu et qui est signée par cet indice qui ne trompe pas : de la compassion et de l’amour pour nos ennemis.