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Montrœul-au-bois, neuvaine 2009

mardi 2 juin, la Parole de Dieu et ma vie

1Jn 1,1-4 Lc 2,41-52

Dieu nous parle. Nous y sommes habitués, mais en réalité ce n’est pas banal. D’ailleurs, combien de personnes n’imaginent-elles pas un Dieu lointain, indifférent aux hommes.

Dieu parle. Et donc il prend le risque d’être mal compris, par tous ceux qui voudraient qu’il soit autrement, par tous ceux qui sont trop distraits ou accaparés par les soucis... Un jour il sera tellement mal compris que les hommes le cloueront sur une croix. Quel risque énorme de parler quand on est Dieu !

Comment Dieu s’y prend-il pour nous parler ? Sa parole est d’abord une histoire avec l’homme. Histoire de confiance ou de méfiance. D’amour ou de rejet de Dieu. Dans la Bible on découvre comment Dieu arrive petit à petit à faire comprendre qui il est, quelle est l’alliance dont il rêve avec l’homme. On découvre ce qui a été merveilleux dans cette alliance, et les occasions où ça a mal tourné. Tout cela est l’histoire sainte, l’histoire d’amour de Dieu avec l’homme.

Puis vient quelqu’un qui est vraiment la Parole, la meilleure expression de Dieu : il est Dieu lui-même qui vient au milieu des hommes, il est le Verbe ; c’est Jésus. A la messe nous disons d’ailleurs « acclamons la Parole de Dieu - louange à toi, Seigneur Jésus ».

La Parole de Dieu c’est d’abord une histoire, et c’est aussi le Christ. Ensuite, on dit de la Bible qu’elle est la parole de Dieu. La Bible c’est l’histoire sainte mise par écrit par ceux qui l’ont vécue. L’histoire de Dieu avec son peuple m’est racontée par ceux qui en ont fait une expérience spécialement forte. Notamment, mais pas seulement, les disciples de Jésus. Ils me témoignent de ce qu’ils ont vu, entendu, touché. Les évangiles, les Actes des apôtres nous sont parvenus comme cela aussi, par des hommes qui ont même risqué leur vie pour le Christ qu’ils annonçaient. Si tout cela n’est pas vrai, avec un tel sacrifice de soi-même, je ne comprends plus !

C’est une histoire qui parle à mon histoire. Une histoire sainte qui me rappelle que j’ai aussi une histoire sainte. Chacun de nous a une histoire, a vécu plus ou moins de choses heureuses ou malheureuses, a des espoirs qui ont été comblés ou qui ont été déçus ou attendent encore. Cette histoire de chacun, Dieu l’aime, il veut en faire l’histoire de lui avec nous, de nous avec lui.

Dans la Bible je trouve l’histoire de Dieu avec son peuple, qui me rappelle que moi aussi je peux vivre mon histoire avec Dieu, et que nous pouvons faire cela tous ensemble, nous le peuple de Dieu.

Ce n’est pas évident que Dieu est dans mon histoire, qu’il la vit avec moi. Il nous faut une ouverture spirituelle, comme on la découvre dans l’attitude de Marie. Après cette espèce de fugue de Jésus, Marie aurait pu se contenter de râler. Elle aurait pu se plaindre à ses voisines, être tellement centrée sur sa peine qu’elle n’aurait pas retenu ce que Jésus avait dit. Mais elle « gardait dans son cœur tous ces événements ». En elle-même elle laissait entrer tout ce qui vient de Dieu, et elle en faisait son trésor intérieur : elle le garde !

L’évangile dit ailleurs qu’elle le « médite », c’est-à-dire étymologiquement le « combine » (symballô). Méditer c’est combiner ! Combiner ce que nous vivons et la Parole de Dieu, voir comment ça va ensemble, se ressemble, comment Dieu est avec nous. Vous connaissez ces jeux d’enfants qui ont un bac muni de trous de formes différentes, cercle, carré, étoile, par lesquels il faut faire passer les bonnes pièces. Il faut bien combiner les pièces et les trous. C’est la même chose avec la Parole et notre vie. Et parfois nous découvrirons que ça ne passe pas, que la Parole vient contredire ce que nous vivons. C’est le moment de ne pas jetter la Parole, mais plutôt d’adapter notre vie.

Méditer c’est aussi combiner plusieurs passages de l’Écriture que nous connaissons, faire des parallèles, des comparaisons. Cela peut être bon d’apprendre par cœur un verset par jour. Petit à petit nous deviendrons capable de comprendre la Parole en mettant ensemble les pièces de notre vie et les phrases de la Bible, comme un bon ouvrier qui dispose de beaucoup d’outils adaptés. Voilà une belle méditation. Et si nous pouvons y réfléchir à plusieurs, c’est encore mieux.

Prions aussi pour que beaucoup connaissent cette ouverture spirituelle, aient leur cœur touché par Dieu qui est invisible mais dont on peut faire l’expérience quand on veut vivre son histoire avec lui.

mercredi 3 juin, Dieu veut que chacun ait la vie

Ezechiel 18,21-32 Matthieu 12,46-50

Nous vivons dans un monde où les hommes font le bien, et font aussi beaucoup de mal. Il y a le mal qui se fait en nous, et autour de nous ; l’actualité à la télévision ou l’actualité de nos familles a vite fait de nous en persuader.

Dieu prend à bras le corps ce problème du mal, mais d’une façon qui semble parfois étrange aux hommes. Depuis que nous sommes petits nous pensons que le mal doit être puni d’une façon proportionnelle. Et qu’au bout du compte il faut que chacun paie pour ses actes. La justice de Dieu devrait être comme une balance, où on pèserait ce que chacun a fait de bien et de mal. Au bout du compte on verrait bien de quel côté penche la balance...

Cette vision décourage celui qui s’est longtemps très peu soucié de chercher le bien et d’éviter le mal ; il estime qu’il ne sert même plus à rien de se convertir, qu’il n’y a plus moyen d’inverser la tendance.

Mais cette vision n’est pas celle de Dieu. Il y a une autre vision qui n’est pas celle de Dieu : la conception selon laquelle Dieu ferme les yeux sur les fautes de l’homme. Or partout la Bible dit que Dieu entend le cri des malheureux, des exploités, et qu’il leur fera justice.

Alors, comment Dieu fait-il justice ? Non pas en faisant payer, mais en donnant la vie. Quand nous nous demandons combien tel personne devra payer pour ses actes, ou combien nous-mêmes devront payer, disons-nous bien : rien du tout, il n’y a rien à payer, le Christ a tout payé pour nous. C’est bien le sens de ce mot extraordinaire : il nous a racheté. Souvent on demande : à qui ? Mais la réponse est plutôt : il nous a racheté contre cette tendance à penser qu’il faut payer pour ses actes.

Dieu condamne le mal, il se met en colère contre nos bêtises, mais ce n’est pas pour nous détruire : « Est-ce donc la mort du méchant que je désire, déclare le Seigneur, n’est-ce pas plutôt qu’il se détourne de sa conduite et qu’il vive ? » (Ez 18,23) Sans fermer les yeux sur nos fautes, Dieu attire inlassablement le pécheur à la vie. Sans cesse il nous dit : cesse de choisir la mort, choisit la vie !

La miséricorde de Dieu ne consiste pas pour lui à tout laisser passer, mais à ne jamais se résigner au mal, ni en nous ni chez les autres.

C’est ainsi qu’on en arrive à des situations extrême où un condamné à mort pour meurtre, après s’être converti en prison, meurt sous la guillotine en odeur de sainteté. Cela se passe dans les années '50, il s’appelle Jacques Fesch, il sera peut-être un jour béatifié. « Si le méchant se détourne de sa méchanceté pour pratiquer le droit et la justice, il sauvera sa vie. Parce qu’il a ouvert les yeux, parce qu’il s’est détourné de ses fautes, il ne mourra pas, il vivra. » (Ez 18,27-28)

Cette logique de Dieu n’est pas toujours facile à accepter, spécialement si nous avons souffert de la méchanceté de tel au tel. Que Dieu nous fasse un cœur grand comme le sien, qui appelle tous les hommes à sa vie !

Dans l’évangile nous découvrons que faire la volonté de Dieu nous permet de devenir très proche du Seigneur : être pour lui un frère, une sœur, une mère. Marie a été mère de Jésus à double titre : mère biologique et mère par sa proximité de cœur avec le Seigneur. Nous recevons tous cette proposition incroyable du Seigneur : être ses intimes, de sa famille très proche.

Parfois nous imaginons que faire la volonté de Dieu c’est observer des règles. Mais Dieu n’attend pas que nous cherchions à être en règle avec lui, il souhaite plutôt que nous cherchions à être proche de lui, à développer une connivence avec lui. Je repense à cette phrase que nous avons entendue pendant le temps pascal : « Celui qui a reçu mes commandements et y reste fidèle, c’est celui-là qui m’aime ; et celui qui m’aime sera aimé de mon Père ; moi aussi je l’aimerai, et je me manifesterai à lui. » (Jn 14,21) Parfois nous imaginons que Dieu donne des récompense : c’est bien, tu as bien fait ce que je te demandais, tu pourras être proche de moi ! Mais ce n’est pas cela du tout. Quand vous aimez quelqu’un, vous vous mettez à aimer ce qu’il aime, et ce qui lui fait horreur, vous le rejetez aussi. Et peu à peu vous devenez encore plus proches. C’est ainsi avec le Christ. Plus je l’aime, plus j’aime ce qu’il aime, et plus je prends mes distances avec ce qu’il n’aime pas.

jeudi 4 juin, la tendresse du ciel et de la terre

Ephésiens 4,29-32 Jean 2

Souvent nous venons ici pour prier pour des gens dans la détresse ou malade. En quelque sorte ils sont comme les mariés de Cana : ils n’ont plus de vin, ils sont en panne, et même, ce n’est pas seulement l’agrément de la vie mais leur vie elle-même qui est menacée.

Si nous y regardons bien, la santé est un miracle permanent, un prodige de la nature et de l’inventivité de Dieu. Les processus qui nous maintiennent en vie sont si complexes qu’on peut vraiment se demander pourquoi on ne tombe pas malade plus souvent. Personne ne mérite la santé ; personne ne mérite non plus la maladie. Les dérèglements de la santé semblent être dû au hasard, et on dirait que Dieu ne vient pas mettre sa main chaque fois que les choses risquent de ne pas tourner rond.

D’où notre détresse, et le sentiment parfois que Dieu nous abandonne. Il y a une question qui vient toujours au cœur de l’homme et qui ne trouve jamais de réponse : pourquoi ? Bien sûr la science peut nous expliquer pourquoi telle cellule se met à se reproduire de façon désordonnée. Mais ce n’est pas cela qui nous intéresse ; nous demandons : pourquoi moi, pourquoi elle ?

En suivant cette question, nous cœur s’engouffre dans l’impasse, plonge dans un abîme. Il n’y a pas de réponse, et tout ce que nous pourrions trouver en suivant cette voie c’est l’amertume, le repli sur nous-mêmes, une immense colère contre tous et contre la vie. Même Jésus n’est pas venu expliquer la souffrance. Mais il est venu répondre à une autre question : « comment ? » Comment vivre maintenant, comment réagir, comment continuer ?

Et nous entendons saint Paul nous dire : « Soyez entre vous pleins de générosité et de tendresse. Pardonnez-vous les uns aux autres,

comme Dieu vous a pardonné dans le Christ. » La générosité, la tendresse, le pardon sont le premier remède à tout le mal qui frappe l’homme. En ouvrant entre nous les canaux de l’amour nous soulageons l’âme et le corps.

Cette générosité, cette tendresse, elles sont à vivre entre habitants de la terre, et elles se vivent aussi avec ceux du Ciel. C’est pourquoi nous sommes venus demander l’intercession de la Vierge Marie. C’est parce qu’elle est pour nous « pleine de générosité et de tendresse ». Regardons cet évangile des noces de Cana : Marie se soucie de ce que vivent ces gens, elle voit leur détresse, ce dont ils manquent. Elle prend cette situation dans son cœur, cherchant une solution. La solution, c’est son fils. Elle demande à Jésus : agis pour eux !

Jésus fait remarquer que réaliser un miracle, pour lui, ce n’est pas remédier à un problème, c’est beaucoup plus profond, c’est poser un signe qui fait venir « son heure ». Quand nous demandons un miracle au Christ, par l’intercession de Marie, nous demandons à Dieu que son heure arrive pour nous. C’est beau de dire à Dieu : je te laisse nos vies, c’est ton heure ! Nos vies t’appartiennent. Dans notre détresse nous nous rappelons de cela. Nous ne pouvons pas demander que tout redevienne comme avant, ce n’est plus possible ; mais nous pouvons demander de voir la présence de Dieu dans nos vies.

La Vierge Marie et tous les saints que nous prions sont nos amis. C’est pour cela qu’ils intercèdent pour nous. C’est par amitié pour nous qu’ils veulent nous secourir en nous aidant dans notre fidélité à Dieu. La générosité et la tendresse que Dieu veut voir entre tous ses enfants existe aussi entre l’Église du ciel et celle de la terre. Elle inclut même tous les défunts dont nous ne pouvons pas encore dire qu’ils ont achevé la purification de leur cœur. Nous prions pour eux mais eux aussi agissent et prient pour nous, et nous pouvons le leur demander. Tous, au ciel comme sur terre, s’appliquent à vivre le grand commandement : aime Dieu de tout ton cœur et ton prochain comme toi-même. Nous sommes les prochains de Marie, des saints, et de tous les défunts.

Je voudrais conclure en soulignant la force de persuasion de Marie : elle dit aux serviteurs « faites tout ce qu’il vous dira », et même si c’est remplir 600 litres d’eau en la puisant je ne sais où, ils le font, parce que Jésus le demande et que Marie les a préparés. Marie nous prépare à faire ce que Jésus nous demande ! Ce sera notre plus grand bonheur : pouvoir faire ce que Jésus nous demande, toucher des doigts et du cœur son action dans le monde et dans notre vie. Qu’il vous garde tout unis à lui !

vendredi 5 juin, toujours plus loin dans l’amour

Hébreux 1,1-3 Matthieu 19,1-12

Qui d’entre nous se sent à l’aise quand il lit l’Ancien Testament ? Il y a de si beaux textes dans l’Ancien Testament, mais tôt ou tard on tombe sur une formule qui nous fait froid dans le dos ou qui nous choque : comment peut-on dire ces choses de Dieu ?

Il y a deux choses à se rappeler à propos de cette Parole de Dieu contenue dans l’Ancien Testament : nous ignorons pour la plupart l’univers juif qui permettrait de mieux comprendre ce qui nous dérange à première vue. Quand on lit avec quelqu’un qui connaît la façon juive de penser et d’aimer, ça change tout ! D’autre part, l’Ancien Testament n’est pas le dernier mot. J’aime énormément ce début de la lettre aux hébreux : par les prophètes, Dieu a parlé de façon fragmentaire et variée, mais dans les jours où nous sommes il nous a parlé par son Fils qui exprime parfaitement ce qu’il est.

Jésus achève la révélation que Dieu fait de lui-même, il nous fait connaître le cœur de Dieu d’une façon incomparable. Et il y a un message qui ressort sans arrêt de cette révélation, qu’on pourrait résumer ainsi : « toujours plus loin dans l’amour ».

Pour l’illustrer j’ai choisi cet évangile sur le mariage et le célibat.

L’Ancien Testament, la loi de Moïse, prévoyait des cas où l’on pouvait renvoyer sa femme et en épouser une autre. Jésus, poussant plus loin la révélation du cœur de Dieu, nous apprend qu’il s’agit là d’une adaptation, pour tenir compte de la dureté de cœur des hommes, de leur incapacité à aimer.

Moïse a adapté la loi, tandis que Jésus ne cherche pas à s’adapter, il veut retourner au plan de Dieu sur l’homme : au commencement, quand Dieu crée l’homme et la femme, il les fait pour s’attacher l’un à l’autre définitivement. Au commencement aussi, l’homme et la femme sont nus sans se faire mutuellement honte : ils peuvent être l’un devant l’autre tel qu’ils sont, sans déguisement, sans faire semblant : aucun des deux ne cherche à profiter des faiblesses de l’autre.

Entre la situation que Dieu rêvait et celle que vit Jésus il y a eu l’apparition du péché, c’est-à-dire de la méfiance originelle, qui est venu blesser l’amour. Du coup, c’est un énorme défi que Jésus propose à l’homme et la femme : aller tellement loin dans l’amour, dans le don de soi, que l’on peut dépasser les blessures de l’amour, tout ce qui nous ferait baisser les bras. Il y a même certaines personnes qui accueillent cette invitation du Christ au point de chercher à rester fidèle à leur conjoint même après une séparation. Et Dieu peut les soutenir dans cette voie.

Jésus propose un énorme défi, mais sans dureté : il accueille aussi la femme adultère, et la samaritaine qui a eu cinq mari et vit avec un sixième homme. Il les accueille, sans adapter pour autant le mariage à leur vie.

Nous avons tous à apprendre de Jésus, nous qui sommes toujours tentés par la dureté (la loi c’est la loi !) ou par le laxisme (il faut adapter la loi aux possibilités des gens...) Nous avons tous à apprendre pour accueillir les autres comme Jésus les a accueillis, et apprendre aussi à nous laisser accueillir par Jésus en vérité avec nos histoires.

Dans la ligne de cet appel de Jésus à aller toujours plus loin dans l’amour, je voudrais dire un mot du célibat pour le Royaume de Dieu, car c’est une proposition nouvelle du Christ pour témoigner de l’amour. Ce n’est pas une invention du moyen-âge, vous le lisez déjà dans l’évangile. Choisir le célibat, c’est imiter la vie du Christ, non pas parce que le mariage ne nous dit rien, mais parce que Dieu existe et qu’on peut chercher avec lui une relation au niveau du cœur, de l’amour. Le célibat des prêtres, par exemple, est une preuve importante de Dieu, de son existence, de sa consistance. A l’heure où beaucoup le regrettent, à l’heure où il est rendu plus difficile, il est plus que jamais nécessaire. Et faites-moi un plaisir, ne dites plus jamais à un prêtre : c’est dommage que vous ne pouvez pas vous marier ! C’est comme si vous disiez à un mari : regarde comme elle est laide, ta femme !

Enfin je voudrais parler de ceux qui ne se marient ni ne s’engagent dans le célibat. Pour eux aussi, il s’agit de trouver les chemins pour aller toujours plus loin dans l’amour, dans le don de soi. Chaque personne, pour être heureuse, doit se sentir donnée à d’autres et à Dieu. Pour tous, la question de la vie devient : comment puis-je être donné ?

samedi 7 juin, pressentir ce que Dieu fait

Apocalypse 21,1-7 Luc 1,41-56

Parfois nous nous demandons : où va le monde ? Quand on voit tout ce qui se passe... A quoi pouvons-nous nous attendre ? Cette question, les premiers chrétiens se la posaient aussi, dans la situation de persécution très pénible où ils se trouvaient. C’est parce qu’ils se demandaient où ils allaient que saint Jean écrit pour eux l’Apocalypse.

« Apocalypse », cela sonne pour nous comme un synonyme de catastrophe phénoménale. Et pourtant, malgré les images terribles des visions racontées dans le livre, l’Apocalypse est un récit d’encouragement, visant à faire comprendre ce qui se passe vraiment dans les événements du monde. Tout ce qui paraît stable et puissant dans le monde est décrit par l’Apocalypse comme chancelant et éphémère. Saint Jean invite ainsi les chrétiens à un autre regard sur le monde, pour ne pas tenir compte de ce qui a du succès mais de ce qui est vrai. C’est tellement d’actualité pour nous, en cette période de crise où des puissances se sont écroulées, et en cette veille d’élection. D’autres fausses puissances sont encore adulées dans notre monde ; n’attendons pas qu’elles s’écroulent pour nous en détacher.

Le livre de l’Apocalypse se termine par l’évocation de la terre nouvelle et des cieux nouveaux, le pays où on habitera avec Dieu de façon visible, sans l’écran de la foi, et où il essuiera toutes les larmes de nos yeux. Ça fait un peu témoins de Jéhovah, mais ce n’est pas parce que les témoins se sont emparés de ces belles images que nous devons les bouder !

Quand nous nous demandons où va le monde, nous savons maintenant la réponse : il va vers le Royaume de Dieu qui sera connu de tous, plus seulement de quelques uns comme nous qui essayons de l’entrevoir. Voilà notre espérance : la joie de Dieu pour tous et pour nous encore plus clairement qu’aujourd’hui. Et pour entrevoir dès maintenant ce Royaume, nous avons les encouragements de Marie.

Marie vit dans une époque difficile, à Nazareth dans des territoires occupés. L’armée romaine est bien présente, et veille à ce que tous soient soumis. Il se commet beaucoup d’injustices et de magouilles, de la part des publicains mais aussi de bien d’autres. Il y aurait bien de quoi être révolté ou découragé. Certains participent à des mouvements terroristes, en espérant dégoûter l’occupant ; on ne les appelle pas encore “hamas” mais “zélotes”. Marie vit dans ce monde difficile mais ce que Dieu fait ne lui échappe pas, même lorsque c’est à peine visible.

Élisabeth salue Marie comme la mère de son Seigneur, mais ce Seigneur est encore un petit fœtus en elle. Marie a un sens spécial, le sens de la foi, et déjà elle perçoit que Dieu est en train de libérer les opprimés, les humbles, les affamés, de la main de tous ceux qui les ignorent ou les mettent à genoux. Alors elle laisse éclater une louange au Seigneur, en constatant tout ce que Dieu fait : « Déployant la force de son bras, il disperse les superbes. Il renverse les puissants de leurs trônes, il élève les humbles. Il comble de bien les affamés, renvoie les riches les mains vides. Il relève Israël son serviteur, il se souvient de son amour ». (Lc 1,51-54)

Marie nous invite à voir avec elle, en dessous des événements de la vie des hommes où c’est plus souvent le puissant qui triomphe et le rassasié qui a le dernier mot, l’action de Dieu dont le projet est de délivrer les humbles, de mettre à l’aise ceux qui plient sous le poids des autres.

Avec la même espérance que celle de Marie nous pouvons enfanter à notre tour le Sauveur, et le porter au monde qui en a tant besoin. Une façon de le faire sera de nous attacher à la louange. Louer Dieu, c’est être reconnaissant envers lui, et avoir pour lui admiration et émerveillement. Parfois cela nous vient spontanément, quand une occasion de se réjouir se présente à notre cœur ; mais aux moments difficiles nous sommes appelés à cultiver volontairement cette attitude d’admiration, confiant que derrière les misères du monde le bon projet de Dieu se poursuit et sera vainqueur. S’émerveiller de Dieu sans cesse, c’est le moyen de vivre dans son amour.

À nous comme à Marie il est dit : « Heureuse celle qui a cru à l’accomplissement des paroles qui lui furent dites de la part du Seigneur ! » (Lc 1,45) Oui nous en sommes heureux, cela nous donne une force nouvelle, une force qui nous permettra de relever des défis qui nous font peur et où beaucoup nous disent, par exemple : ce n’est pas possible d’accueillir un enfant dans ces conditions, ce n’est pas possible de chercher un travail plus juste, etc. Le chrétien peut se dire : si, c’est possible, car rien n’est impossible à Dieu.

dimanche 7 juin, la Sainte Trinité

Dt 4,32-34.39-40 Rm 8,14-17 Mt 28,16-20

C’est un fait bien connu parmi les chrétiens, le mystère de la sainte Trinité est difficile à comprendre. Ceux qui regardent notre foi de l’extérieur, par exemple les musulmans, ont tendance à penser que nous avons trois dieux que nous nommons Père, Fils et Saint-Esprit. Or nous n’avons qu’un seul Dieu, le Dieu unique, et pourtant nous identifions trois personnes en Dieu : Père, Fils et Esprit. Comment cela peut-il se faire ?

Le plus simple serait peut-être de regarder comment tout cela est apparu au fil du temps. Tout au long de son histoire, le peuple hébreu a dû lutter pour ne pas se laisser contaminer par la pensée des peuples voisins, Assyriens, Babyloniens, Phéniciens, Égyptiens, Édomites, et j’en passe, qui comme la plupart des peuples de la terre croyaient en plusieurs dieux, jouant même des uns contre les autres pour mieux obtenir ce qu’ils désiraient. Croire en un seul Dieu, cela a été le défi permanent des juifs au milieu des autres peuples, le centre de leur foi, la raison de beaucoup de leurs malheurs.

Jésus, les apôtres héritent de cette conquête extraordinaire : il y a un seul Dieu, et s’il ne me plaît pas je ne peux pas aller chercher chez un autre, je ne peux que mieux l’écouter. Ce Dieu unique, Jésus en parle comme de son Père, et bientôt il nous apprend à dire “notre Père”. Voilà le point de départ de notre foi.

Ensuite, Jésus fait comprendre à ses disciples le lien particulier qui l’unit au Père : il est son fils, non pas parce qu’il est né de Marie, ce n’est pas comme une filiation humaine, mais parce qu’il n’est rien sans le Père : il accepte de venir du Père, de ne pas être son propre auteur, de tout recevoir du Père, de ne vouloir rien faire sans lui. En dépendant complétement du Père, Jésus est le Fils, et le Père l’aime tant qu’il lui donne tout ce qu’il est. Ainsi Jésus est Dieu au même titre que le Père, parce que le Père lui donne tout, y compris d’être Dieu comme lui.

Vous voyez que pour notre compréhension les choses se compliquent : il y a un seul Dieu mais le Fils est Dieu comme le Père. L’unité qui fait qu’ils sont un seul Dieu est une unité réalisée par l’amour. Entre les humains, l’amour est souvent occasionnel : je t’aime et cela m’unit à toi, mais cela pourrait être autrement. Entre le Père et le Fils, l’amour n’est pas occasionnel, il est essentiel, il fait partie de leur être : sans amour, pas de Père, pas de Fils. C’est ainsi qu’on peut dire : Dieu est amour, et pas seulement qu’il aime.

Dieu est amour, et l’amour qui unit le Père et le Fils, c’est justement le Saint-Esprit, cet Esprit que Jésus dit qu’il nous enverra (Jn 15,26) ou que le Père enverra en son nom (Jn 14,26).

La fête de la sainte Trinité, c’est donc la fête de l’amour qui est en Dieu. Quand on demande aux savants d’où vient le monde, ils disent qu’ils ne savent pas et beaucoup, dépassant les possibilités de leur science, prétendent même que c’est par hasard. Nous, dans la foi, nous pouvons dire : c’est l’amour qui a voulu cela, c’est l’amour qui préside à l’origine de toutes choses.

Que c’est l’amour qui préside à l’origine de tout, nous le voyons bien dans notre origine à nous ; normalement, c’est par amour que l’on est conçu par un père, une mère, même s’il y a des exceptions — c’est sans doute une raison pour laquelle l’Église insiste pour que tout bébé naisse d’un acte d’amour. Dans la mesure de nos possibilités, veillons à ce que ce soit par amour que tout existe, puisque l’amour est le sens du monde.

Parfois nous sommes portés à croire que c’est l’argent qui domine le monde. Mais bien que l’argent permette beaucoup de chose et fasse tant de dégâts, il n’est pas à l’origine du monde ni des choses. Lorsque nous regardons le monde et notre vie, nous pouvons nous rappeler : son origine, c’est l’amour ! Son sens c’est l’amour ! L’état vers lequel ils vont, c’est l’amour ! C’est bien pourquoi Jésus nous a enseigné à aimer Dieu de tout notre être et notre prochain, et nous-mêmes.

Alors allons, nous aussi, comme les disciples, en gardant ce que Jésus nous a demandé et en apprenant aux autres à faire de même !

lundi 8 juin, être choisi

Deutéronome 7,6-11 Jean 15,16-27

On dit souvent que Dieu nous aime. Et pourtant il s’agit d’une des réalités dont nous avons le plus de mal à nous rendre compte. Comment mieux vivre cette bonne nouvelle de l’amour de Dieu ?

Je voudrais ce soir m’arrêter à une dimension à acquérir : le fait d’être choisi. Être aimé de Dieu, c’est être son choisi. La première lecture nous l’indique bien quand Dieu rappelle à son peuple : je t’ai choisi pour être mon peuple particulier.

Nous avons spontanément des réticences à cette idée que Dieu choisirait. Quand nous entendons l’expression « le disciple que Jésus aimait », nous avons les cheveux qui se dressent sur la tête. Car aussitôt l’idée suivante nous vient : s’il y a un choisi, il y a un exclu ; s’il y a un disciple que Jésus aimait, c’est qu’il n’aimait pas les autres ; s’il y a un peuple élu, c’est que les autres sont rejetés. C’était comme ça quand nous étions petit dans la cour de l’école : s’il fallait un compagnon pour compléter une équipe, ceux qui n’étaient pas le choisi restaient sur le carreau et n’avaient qu’à aller chercher d’autres occupations. A l’issue de ces élections ceux qui ne seront pas choisis par les vainqueurs n’auront qu’à faire meilleure figure possible dans l’opposition. Dans ces conditions, peut-on raisonnablement dire que Dieu choisit ?

Pour mieux comprendre, demandons-nous : pourquoi Dieu choisit-il ? La lecture nous informe : Si le Seigneur s’est attaché à vous, s’il vous a choisis, ce n’est pas que vous soyez le plus nombreux de tous les peuples, car vous êtes le plus petit de tous. C’est par amour pour vous, et par fidélité au serment fait à vos pères que le Seigneur vous a libérés. (Dt 7,7-8) Si Dieu choisit, ce n’est pas le meilleur qu’il choisit mais celui qu’il veut aimer, et spécialement celui qui ne peut pas se vanter de quelque chose, d’être le plus grand, le plus avancé dans la religion, etc.

C’est une démarche propre à l’amour que de choisir. Ne dit-on pas d’ailleurs de la fiancée de quelqu’un qu’elle est l’élue de son cœur ? Personne à ce moment ne pense à s’indigner pour toutes celles qui ne sont pas élues. Et pourtant elles seront nombreuses à ne pas vivre la même chose.

Avec Dieu, tous ne vivent pas la même relation, mais contrairement à la situation du fiancé, cela ne dépend pas des limites de Dieu, mais uniquement de notre attitude. La question est pour chacun : vais-je accepter d’être choisi par Dieu, vais-je laisser retentir dans mon cœur cette parole pour moi personnellement : c’est moi qui t’ai choisi, pour que tu portes du fruit (Jn 15,16).

A chacun, chacune il nous est proposé une relation privilégiée avec Dieu. Il voudrait que je sois son choisi. Et c’est pour montrer ce chemin d’élection pour tous qu’il commence avec certains un chemin particulier. Il choisit un peuple pour que tous les peuples acceptent d’entrer dans ce type de relation et de devenir ses peuples. Il choisit Jean pour être le disciple bien-aimé, afin que les autres disciples sachent quelle relation donne accès à son cœur si riche. Nous-mêmes aussi il nous a choisis au milieu de nos familles pour entretenir un lien avec nous qui pourra y entraîner d’autres quand ce sera leur heure.

Pour être choisi de Dieu, balayons aussi notre fausse modestie, qui nous ferait nous exclamer : non, non, je ne suis pas choisi, car je ne veux pas me considérer comme meilleur ! Or, ce n’est pas pour nos qualités que Dieu nous choisit, mais pour vivre un lien intense avec lui, un lien personnel où je sais que je compte pour Dieu autant qu’il compte pour moi. Si nous pouvions nous dire : je compte pour Dieu, et quelle que soit ma vie, je suis son choisi.

Nulle part nous ne sommes seul, car nous sommes choisis de Dieu et il nous veut. Partout, en toute circonstance, l’attention de son cœur est posée sur nous. Si nous voulons expérimenter cette réalité, prenons un peu de temps pour nous rappeler une expérience heureuse de notre vie où nous avons senti que quelqu’un nous choisissait. Ou si nous n’avons pas de telle expérience, pour imaginer ce qu’elle serait, ce que nous ressentirons. Pendant quelques minutes goûtons ce que cela nous fait, et puis appliquons cela à notre relation avec Dieu, puisque nous sommes ses choisis. Utilisons notre imagination, dont souvent nous nous plaignons qu’elle nous distrait dans la prière, à nous représenter une belle réalité de la foi : nous sommes personnellement choisis de Dieu.

mardi 9 juin, les entrailles de Dieu

Romains 5,1-8 Lc 10,17-22

L’amour que l’on porte à quelqu’un, comment le faire connaître ? Il n’est pas possible de dire « regarde mon amour » comme on dirait « regarde ma nouvelle voiture ». L’amour se montre seulement par des preuves d’amour. On voit les manifestations de l’amour, mais l’amour lui-même ne se montre pas, on ne le voit pas. En réalité, l’amour c’est comme Dieu : il faut y croire, on ne le connaît que par des signes, des indices, que l’on accepte ou non.

Dieu aussi nous fait des signes d’amour. Un de ses preuves d’amour que nous accueillons parfois difficilement est celle que saint Paul nous présente aujourd’hui : « Alors que nous n’étions encore capables de rien, le Christ, au temps fixé par Dieu, est mort pour les coupables que nous étions. — Accepter de mourir pour un homme juste, c’est déjà difficile ; peut-être donnerait-on sa vie pour un homme de bien. Or, la preuve que Dieu nous aime, c’est que le Christ est mort pour nous alors que nous étions encore pécheurs. » (Rm 5, 6-8)

Quand je regarde le Christ en croix, je suis invité à voir dans cette épreuve qu’il accepte une preuve d’amour pour moi. Spontanément nous dirions bien au Seigneur : mais il ne fallait pas faire tout ça pour moi ! Et puisque, pour la plupart d’entre nous, nous n’avons pas tué ni mis nos parents sur la paille, nous pensons que le Christ est peut-être mort pour les grands pécheurs mais quand-même pas pour nous qui sont des pécheurs ordinaires. Ou alors nous tombons dans l’extrême inverse, et nous nous culpabilisons sans cesse des plus petits manquements, en gardant toujours bien les yeux fixés sur nous et nos erreurs.

Acceptons plutôt bien simplement ce don, ce cadeau du Christ, de nous réconcilier tous par sa croix, avec le Père, entre nous, avec nous-mêmes aussi. Accueillons cette grande œuvre de paix et de réconciliation profonde du Christ. Un terme qui exprime bien cet amour du Christ qui réconcilie, c’est l’expression si souvent utilisée dans la messe : Seigneur, prends pitié ! Pourtant, au départ, ce mot ne paraît pas vraiment génial. « Pitié », cela évoque souvent la condescendance, un amour pas très sympathique, si tant est qu’on puisse parler d’amour. On croirait que cela veut dire : fais grâce ! Or ce mot, à l’origine, voulait dire bien plus. « Prends pitié », ou le mot miséricorde, viennent de l’hébreu qui veut dire les entrailles, le sein maternel, le siège de l’émotion la plus profonde. Quand je dis « Seigneur, prends pitié », je dis en fait : Seigneur, tu te laisses prendre aux entrailles par moi, par ma situation, par ma difficulté, par ceci ou cela. La preuve, c’est que le Christ a accepté de mourir sur la croix pour moi ; tout ce que je suis, avec le mal qui me touche ou me bouleverse, il l’a accueilli au plus profond de lui pour me sauver, au plus intime de sa vie, jusqu’à mourir du mal dont je souffre. Et il est vainqueur, sa résurrection est déjà ma résurrection, sa lumière brille dans mon cœur.

Alors, quand je vois du mal se faire autour de moi, que je puisse crier : Seigneur, prends pitié, prends ces personnes dans tes entrailles, au plus profond de ton cœur ! Quand je me surprends à avoir mal agi, que je puisse crier : Seigneur, prends pitié ! Quand je souffre, que je puisse crier : Seigneur, prends pitié !

Nous savoir tant aimés de Dieu nous donne beaucoup d’espérance et d’abord de persévérance pour grandir dans l’espérance. Par la persévérance, la joie de l’Esprit Saint peut de plus en plus habiter notre cœur. Et nous serons capable de tressaillir de joie comme Jésus qui s’exclame : « Père, Seigneur du ciel et de la terre, je proclame ta louange : ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits ! » (Lc 10,21) Tout au long de ces jours, nous sommes venus, tout-petits, auprès de Marie, notre mère. Nous avons appris à goûter la paix de l’Esprit Saint. Et nous demandons encore une fois que cette paix et cette vie habitent dans le cœur et le corps de tous ceux que nous portons dans la prière.