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Fête du Corps et du Sang du Christ

Une vie donnée

Ex 24, 3-8 ; He 9, 11-15 ; Mc 14, 12-16.22-26

Je voudrais plonger avec vous dans la première lecture, qui nous permettra de comprendre cette expression de Jésus à propos de la coupe : ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’alliance... nouvelle et éternelle.

Vous avez entendu la démarche de Moïse avec le sang. Cela nous paraît plus sanguinaire que saint. Nous sommes dans une culture si différente de la culture hébraïque. Pour un juif, le sang c’est le mystère de la vie, c’est, comme dit Dieu à Noé, l’âme de la chair (Gn 9,4). Il n’est pas permis de manger le sang, car ce serait s’approprier la vie qui n’appartient qu’à Dieu. Mais dans le rite de l’alliance, ce sang peut servir à indiquer une communion. On met la moitié du sang sur l’autel, on lit l’alliance et on répand l’autre moitié du sang sur le peuple. La même vie est associée à l’autel et au peuple, c’est un échange de vie, un partage de la même vie entre Dieu et les hommes qui acceptent l’alliance.

Voilà le sang de l’alliance. Dans la nouvelle alliance, le sang est celui du Christ lui-même, dont il dit qu’il est le sang de l’alliance nouvelle et éternelle : une alliance établie pour toujours, quels que soient les écarts de ceux envers qui elle est conclue. Ce sang ne doit plus être répandu sur l’autel pour manifester la communion avec Dieu, il est celui du Fils de Dieu. Non pas sang d’une vie perdue, mais sang d’une vie donnée et reçue : le sang de l’alliance nouvelle et éternelle est le sang d’une vie partagée. Et ce sang n’est pas répandu sur nous, mais offert à être bu. Par ce geste la communion de vie avec le Christ se fait encore plus intime : c’est sa vie qui coule dans mes veines, pratiquement au sens propre du terme.

Le sacrement de l’alliance est un sacrement qui se mange, qui s’assimile. Et bien sûr, qui ne s’assimile pas seulement avec le corps, avec l’estomac, mais aussi avec l’intelligence et plus encore avec le cœur. C’est en réveillant mon esprit et par la mobilisation de mon cœur que je pourrai vraiment me mettre à goûter la vie du Christ en moi. Et c’est sûrement pour favoriser cette assimilation que la fête du Corps et du sang du Christ a été instituée.

Quand sainte Julienne a poussé pour qu’on célèbre cette fête, beaucoup lui ont rétorqué que ce n’était vraiment pas nécessaire, qu’on avait déjà le dimanche pour faire mémoire de l’eucharistie. Mais Julienne a tenu bon, il fallait cette fête, dans le contexte où la foi en la présence du Christ dans le sacrement était parfois réduite à un symbole et bien souvent négligée. Au même moment en Europe naissaient d’autres pratiques qui allaient dans le sens de ce réveil : à Paris et ailleurs on commence à montrer l’hostie au moment de la consécration. En Italie, saint François d’Assise (1182-1226) passait des nuits entières devant le tabernacle en prière. La nuit il priait, le jour il reconstruisait ces chapelles en l’honneur du divin hôte. Contemplant la grandeur de cet amour caché dans l’Eucharistie, il disait : « L’amour n’est pas aimé... » Dans l’ordre des clarisses, l’adoration tient une grande place parmi les formes de prière.

Nous aussi, prenons conscience de ce qui nous est donné comme cadeau inouï depuis que Jésus a dit à propos de ce pain et de ce vin qu’il prenait jadis et qu’il prend encore au milieu de nous : ceci est mon corps livré pour vous, ceci est mon sang versé pour vous. C’est encore plus réel si chacun accepte de laisser retentir cette parole dans son cœur pour lui-même : ton corps livré pour moi, ton sang versé pour moi.