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Le pain de vie

Homélie du 17° dimanche B, 26 juillet 2009

Saint Jean ne raconte pas la dernière Cène, mais il donne à la multiplication des pains une allure bien différente des autres évangélistes, qui en fait une sorte d’anticipation du dernier repas où Jésus se donne lui-même. D’ailleurs, les dimanches qui viennent, nous entendrons le discours de Jésus qui fait suite à cette multiplication des pains, et vous découvrirai le sens que lui-même y donne.

Un jour donc, peu avant la Pâque, Jésus se retire sur la montagne avec ses disciples et rien ne laisse présager le miracle qu’il va accomplir, sauf la mention « C’était un peu avant la Pâque, qui est la grande fête des Juifs. » (Jn 6,4) Un peu avant la Pâque, comme la dernière Cène.

Que cette multiplication des pains est bien plus qu’une multiplication des pains, nous le devinons aussi dans le fait que Jésus n’enseigne pas la foule qui vient à lui comme il le fait d’habitude. Au contraire, il pose directement la question : où se procurer le pain qui les nourrira ? Ce dont il veut les nourrir semble pouvoir remplacer un enseignement de sa Parole ; c’est bien plus que du pain, c’est un pain bien plus consistant que le pain qu’on achète chez les boulangers, bien qu’il soit porté par l’apparence du pain. Nous découvrons de loin le pain de l’eucharistie, qui nourrit le cœur de celui qui l’accueille réellement.

Encore un indice de combien grand est ce pain : à l’inverse des autres évangélistes, Saint Jean ne précise pas que Jésus donne les pains aux disciples pour que ceux-ci les distribuent à la foule. Jésus est l’auteur de tout ce qui se passe ici. A partir de l’offrande du jeune garçon, les cinq pains d’orge et les deux poissons, Jésus fait tout, il procure une nourriture qui fait s’exclamer les gens : « c’est vraiment lui le grand prophète, celui qui vient dans le monde ! » (Jn 6,14)

Jetons quand-même un coup d’œil aux disciples. Ils sont mis dans la position d’enseignés plutôt que d’assistants. C’est pour la foule mais aussi pour eux que Jésus multiplie les pains après leur avoir demandé ce qu’il pourrait faire pour nourrir tous ces gens. En demandant à Philippe « où pourrions-nous acheter du pain », Jésus met celui-ci « à l’épreuve ».

Pourquoi Jésus met-il Philippe à l’épreuve ? Quel est le sens de cette démarche d’habitude réservée pharisiens ou même à Satan ? Philippe devient disciple quand Jésus le rencontre et lui dit : suis-moi. Il parle de Jésus à Nathanaël et amène celui-ci à Jésus. Peu avant la dernière Pâque de Jésus, à Jérusalem cette fois, les grecs s’adressent à Philippe car ils veulent voir Jésus. Avec André il va trouver Jésus et Jésus annonce que c’est alors l’heure pour lui d’être glorifié, de vivre sa passion et sa résurrection. Avant la passion Philippe dit à Jésus : « montre-nous le Père, cela nous suffit », et Jésus répond : « il y a si longtemps que je suis avec vous et tu ne me connais pas ? Comment peux-tu dire : montre-nous le Père ? Tu ne crois donc pas que je suis dans le Père et que le Père est en moi ! Les paroles que je vous dis, je ne les dis pas de moi-même ; mais c’est le Père qui demeure en moi, et qui accomplit ses propres œuvres. » (Jn 14,10)

Philippe est un gars entreprenant, il va jusqu’à recruter des disciples pour Jésus. Mais il doit se laisser spécialement enseigner, découvrir qui est Jésus et le pouvoir de Jésus dans la vie de celui qui croit. Est-ce pour cela que Jésus le met à l’épreuve, comme un appel à se laisser façonner davantage ? Quand Jésus met à l’épreuve, ce n’est pas comme quand les pharisiens, les sadducéens ou le diable mettent à l’épreuve ; ils mettent à l’épreuve pour détruire ; Jésus met à l’épreuve pour faire grandir. Puissions-nous nous en rappeler lorsque nous nous sentons mis à l’épreuve nous aussi.

Enfin, je voudrais faire un lien avec ce que nous avons vécu à Riobamba. Ce que vivent les communautés indigènes me donne une idée supplémentaire de la façon dont Jésus donne le pain qui nourrit la foule. Les difficultés que les villageois doivent surmonter sont innombrables, mais leur foi nourrie dans le partage de la Parole de Dieu et la célébration leur donne la force de lutter contre l’injustice au dehors et contre l’égoïsme en eux. Jésus leur donne un pain qui change leur vie et les fait vivre.

peirazo : Mt 4,1 : être tenté par le diable ; // Mc 1,13 // Lc 4,2. Mt 16,1 : les pharisiens demandent un signe du ciel pour le mettre à l’épreuve. // Mt 19,3 et 22,35 // Mc 8,11 // Lc 11,16. Mt 22,18 : Mais Jésus, connaissant leur perversité, riposta : « Hypocrites ! pourquoi me tendez-vous un piège ? » Jn 8,6 : Ils disaient cela pour le mettre à l’épreuve, afin d’avoir matière à l’accuser.