homélie de mariage, mars 2014

{joomplu:175} Chacun de nous est habité par la question : est-ce que je compte pour quelqu’un? Cette brebis égarée ne devait pas imaginer à quel point elle comptait pour son berger. Elle a dû faire une fameuse découverte en se rendant compte de l’amour du berger pour elle. Quand nous nous découvrons aimés par quelqu’un au point qu’il veut nous épouser, c’est une fameuse bonne nouvelle aussi. Quelqu’un nous choisit, quelqu’un court pour nous. Cette nouvelle de l’amour humain a besoin d’un prolongement, où l’on découvre que l’on compte aussi pour quelqu’un d’autre que notre conjoint : nous comptons pour Dieu, et lorsque cette assurance grandit par la foi nous devenons capable d’aimer aussi celui qui nous a blessé ou dont l’amour n’est pas satisfaisant. Compter pour Dieu et en faire grand cas permet d’entrer dans le genre d’amour que saint Paul décrivait dans sa lettre : revêtir son cœur de tendresse et de bonté, d’humilité, de douceur et de patience; et pardonner sans chipoter.

Le pardon est essentiel dans le mariage. L’amour du couple est un amour à pardon. Demander pardon, donner généreusement le pardon, cela dilate le cœur et ravive l’amour en faisant fondre un peu l’iceberg de notre orgueil. Bien sûr on pourrait se donner des pardons sous conditions, s’inventer à l’avance toute sorte d’excuses, et autres façons de transformer le mariage en marchandage. Mais le pardon généreux, tout en invitant à la reconnaissance de la faute, refuse les calculs et les conditions, afin de libérer vraiment l’amour.

L’amour, il faut que j’en dise un mot, dans cet univers culturel où on pense que l’amour dure tant que dure le sentiment. Si l’amour se confond avec le sentiment amoureux alors vous êtes vraiment fous de vous marier car le sentiment fluctue et même, il paraît qu’il dépend des hormones et diminue naturellement. Si l’amour est juste un sentiment, alors il vaut mieux ne pas se marier. Mais non, l’amour est aussi un choix, une décision. Le sentiment peut me faire sortir de moi vers l’autre, mais il peut aussi me faire capturer l’autre pour moi. Dans la décision d’aimer, je suis plus capable de faire de mon amour une sortie de moi, un don de ma personne. Aimer c’est se décider soi-même pour quelqu’un, s’attacher librement à quelqu’un, pour lui faire du bien par le don de notre personne — et en retour en recevoir un grand bien, mais dans l’amour véritable ce bienfait pour soi n’est qu’un effet, non le but.

Au départ on tombe amoureux, et c’est une formidable énergie qui nous fait sortir de nous-mêmes à la rencontre d’un autre, ce qu’on remarque par la capacité naturelle que l’on a à modifier ses habitudes, son emploi du temps, ses sujets de préoccupation, qui sont soudain focalisés sur une autre personne. Ce sentiment amoureux nous apprend comment aimer en se donnant soi-même. Mais après, pour l’entretenir, la fantaisie, la coquetterie, les bons moments passés ensemble ne suffisent pas même s’ils aident. Il faut le secours de la volonté, de la décision d’aimer que je vous invite à prendre chaque soir, chaque matin. Cette décision passe par des attitudes intérieures à cultiver, notamment l’émerveillement. Choisir de s’émerveiller de l’autre, même lorsque le temps passe et qu’on s’y est habitué et qu’on a eu l’occasion de voir et de subir toutes les limites de l’autre. Pouvoir se dire en soi-même, et aussi l’un à l’autre : je suis content que tu sois ma femme, que tu sois mon mari! Et non pas simplement parce que ça nous vient spontanément, mais parce qu’on veut cultiver ce sentiment. C’est d’autant plus important qu’un jour vous risquez de tomber amoureux de quelqu’un d’autre. Il faudra alors compter sur cette habitude d’attachement, cette vertu de fidélité, pour pouvoir surmonter la surpression des hormones et sauver votre mariage et votre famille. Ce moment où on refuse d’être le jouet de ses sentiments pour prendre appui au plus intime de soi et décider de s’attacher encore à l’autre est de la plus haute importance. Et en retour il fera grandir un sentiment plus profond envers l’autre, ce sentiment que l’on voit parfois chez les vieux couples où chacun s’est imprégné de l’autre par une complicité toujours croissante.

Le texte du livre de Tobie montrait que la prière est quelque chose d’important pour un couple. Par la prière que vous pourrez avoir ensemble, vous allez enraciner votre amour. Car prier ce n’est pas seulement demander ensemble des choses à Dieu, mais laisser notre jardin secret être fécondé par la pluie de l’Esprit Saint. Par le fait de nous arrêter pour Dieu, de diriger notre pensée vers lui, d’essayer de comprendre sa Parole et de brancher notre cœur sur lui, nous sommes transformés vers le meilleur de nous-mêmes.