homélie du 25e dimanche A, 20 septembre 2015

Il y a deux{joomplu:100} parties dans la foi chrétienne, et elles sont indispensables toutes les deux. Dans la première partie, que j’appellerais l’évangile de la bonté, on voit Jésus venir à la rencontre de l’humanité souffrante en lui donnant un enseignement plein d’espérance, en lui montrant l’amour de Dieu qui guérit les malades, qui proclame la dignité humaine de la personne rejetée. Tout cela, les apôtres l’ont découvert avec émerveillement, et même si certaines choses les ont surpris, ils ont adhéré à cet évangile en quittant tout pour suivre Jésus. L’enseignement de Jésus et sa miséricorde pour les pauvres, les malades et les pécheurs nous rendent fiers nous aussi de nous réclamer de lui.

Il y a une deuxième partie à l’évangile, que Jésus commence maintenant à enseigner, et que j’appellerais « l’évangile de la souffrance »1. Cet évangile proclame les souffrances du Christ, son rejet de la part de tous, sa mort, et sa résurrection d’entre les morts (Mc 9,31). Sur cette partie, les apôtres bloquent, ils auraient préféré ne rien entendre, ils ne comprennent pas et ont peur de demander un éclaircissement. Sur cette partie, bien des chrétiens aujourd’hui bloquent aussi. Ils voudraient que Dieu soit une assurance contre la souffrance. Ou ils voudraient que l’Évangile ne les place pas dans une situation inconfortable, une situation de dissidence par rapport à la société qui les entoure. Ou ils voudraient d’un évangile de tolérance. Et voilà que Jésus leur annonce un évangile de conversion. Et leur fait comprendre qu’ils seront persécutés à cause de lui. Et que tout disciple doit le suivre en portant sa croix ! Et que lui le premier doit souffrir beaucoup.

Ces deux parties de l’évangile sont-elles disjointes ? Pourrait-on en choisir une et délaisser l’autre ? Dans le premier cas on aurait un christianisme de bonnes intentions, militant mais qui ne change pas le monde en profondeur. Dans le deuxième cas, ce serait un christianisme doloriste, qui perdrait son objectif. D’un côté, la route mais pas de moteur ; de l’autre, un moteur mais pas de perspective. Or l’évangile de la bonté et l’évangile de la souffrance ont un lien fort : le lien du pardon à sa source. Le pardon que le Christ donne dans l’évangile de la bonté se heurte à une question profonde des pharisiens : qui est-il donc, pour pardonner les péchés ? La réponse vient ensuite : il est celui qui donne sa vie pour le salut du monde, à cause des péchés (Mc 10,45). Il est le Fils de Dieu venu dans le monde, et dans un monde cassé, un monde fâché avec Dieu, qui le refusera. Et c’est en acceptant la croix sans se dérober, sans fuir, qu’il engloutira une fois pour toute le péché et la mort.

Comment avancer dans notre accueil des deux évangiles, de la bonté et de la souffrance ? Comment ne pas rester étrangers à ce que Jésus va vivre à la fin de sa vie terrestre ? Surtout il ne faut pas être des chrétiens qui restent dans leur fauteuil, mais des chrétiens qui ont de l’ambition : une saine ambition, en cherchant à être le plus grand de la bonne façon. C’est-à-dire non pas en utilisant des méthodes mondaines (chercher à s’enrichir, à augmenter indéfiniment son confort, à plaire au plus grand nombre, à avoir du succès et être reconnu) mais en utilisant les méthodes du Christ : choisir le service, le service de tous et le service de la vérité, même au risque d’être incompris ou rejeté (Mc 9,35). si on n’entre pas dans cette perspective, on est fondamentalement inefficace, même si on brasse beaucoup de pouvoir, d’argent, de notoriété… et de vent.

Seigneur, donne-nous l’ambition qui animait sainte Thérèse de Lisieux, elle qui voulait devenir une sainte, non pour ce qu’on en dirait mais pour être comme toi !


1Selon une expression de saint Jean-Paul II, lettre apostolique Salvifici doloris, 1984, No 25ss.