homélie du 15e dimanche A, 16 juillet 2017

En méditant{joomplu:177} sur les textes du jour, j’ai été frappé par le grand décor que saint Paul donne à notre vie, avec d’une part, « l’esclavage de la dégradation », d’autre part « la liberté de la gloire des enfants de Dieu » (Rm 8,21). Dimanche passé il avait déjà évoqué deux grandes façons de vivre : pour mourir ou pour vivre. Et en confrontant cela avec l’évangile du semeur et des terrains, je me dis que nos choix déposent toujours en nous une part de vie ou de mort. C’est la grandeur de notre liberté, cette liberté que Dieu nous a donnée pour aimer, mais que nous pouvons aussi utiliser pour nous égarer et blesser les autres.

Le poids de vie ou de mort de nos choix, Jésus en est bien conscient. Aujourd’hui il taquine la curiosité des foules avec la parabole du Semeur. La parabole montre les dommages de « l’esclavage de la dégradation » qui mine notre liberté et l’empêche de porter du fruit. Jésus parle en paraboles, de sorte que celui qui ne veut pas entendre ne comprendra pas ; cela restera caché pour lui, tandis que celui qui s’humilie et ouvre son cœur à la Parole de Dieu pourra être interpellé. Cette Parole est en danger par l’œuvre du diable, qui essaie de l’intercepter avant qu’elle n’arrive aux oreilles des hommes. Ainsi, beaucoup n’ont même pas envie de se mettre à écouter, ils sont blasés d’avance. Mais si cette Parole arrive en nous, beaucoup de choses peuvent encore arriver. La Parole peut rapidement être réduite à rien par notre superficialité. Nos choix passés ont fait de nous des êtres superficiels, pour qui ne compte que ce qui se voit, se pèse, se ressent, se vend et s’achète. Nous sommes vite prêts à douter des choses plus profondes. Il faudra un tremblement de terre intérieur pour que quelque chose change. Parfois aussi la Parole s’étouffe, car nous sommes trop occupés à autre chose. Nous ne faisions pas spécialement le mal, mais nos choix remplissent notre vie de vide, ou plutôt d’un plein mort. Nous n’avons plus le temps pour les choses de Dieu. Enfin, la Parole peut porter du fruit dans un cœur disponible, purifié, et nous goûtons la joie d’être fécond pour Dieu, d’aimer et de changer le monde, même si c’est seulement à notre échelle.

Il ne faudrait pas en rester à cette vision statique, cette description des deux pôles, des chemins. Dieu ne va pas se contenter de compter les grains, de peser ce que nous avons fait de bien pour voir si cela suffit. Dans l’ancienne Égypte, le dieu Anubis pesait l’âme des défunts pour vérifier qu’elles ne s’étaient pas trop chargées de péchés. Le thème de la pesée des âmes est aussi présent dans l’islam. Et sur les tympans du jugement dernier de nos cathédrales, il y a souvent une balance, tenue par saint Michel. Mais la balance est truquée, ou l’ange lui-même agit sur le fléau pour assurer une issue positive. C’est que le Christ n’est pas simplement venu nous enseigner, nous donner des exemples, pour repartir ensuite et regarder comment nous nous débrouillons. Au contraire, il a donné sa vie pour que nous soyons sauvés. Il ne nous a pas préparé un examen, mais il veut nous emmener avec lui. Le prophète Isaïe (Is 55,10-11) avait déjà suggéré que la Parole de Dieu était puissante, qu’elle accomplissait son œuvre quoi qu’il arrive. Malgré les difficulté, Dieu fait porter du fruit de bonté, de justice à notre humanité. Et l’histoire a un sens, elle est comme un enfantement, elle va vers un accomplissement : « nous avons commencé à recevoir l’Esprit Saint, mais nous attendons notre adoption et la rédemption de notre corps » (Rm 8,23) tandis que la Création elle-même attend cette révélation de « la liberté de la gloire des enfants de Dieu ».

Ainsi donc, Dieu ne va pas se contenter de compter les grains, il veut conduire chaque homme à en produire enfin, et à en produire davantage. S’il avertit, ce n’est pas pour enfermer, mais pour que nous prenions au sérieux notre liberté et entrions dans le vrai combat.

C’est pourquoi saint Paul parlait des souffrances du temps présent. Quelles sont-elles ? Bien sûr, les événements fâcheux qui surviennent dans notre vie et même la mort. Toutes aussi lourdes sont les souffrances intérieures, dues à notre psychisme, et enfin il y a les souffrances du combat contre la tentation, du combat pour tenir dans la foi, dans la fidélité au milieu des vagues de notre monde. Aux souffrances de la vie de tout homme s’ajoutent celles du chrétien qui doit combattre pour rester disciple. Mais si nous devons lutter, nous savons que nous ne frappons pas dans le vide. Nos coups contre le mal peuvent être des coups qui portent, avec l’efficacité de Dieu qui achemine toute la Création vers la gloire.