homélie du 32e dimanche A, 12 novembre 2017

Quelles rosses{joomplu:149}, ces vierges prévoyantes ! N’ont-elles pas un comportement scandaleux en refusant de partager leur huile avec les vierges insouciantes ? Nous sommes déjà prêts à les regarder de haut lorsque nous entendons leur réponse : « Jamais cela ne suffira pour nous et pour vous, allez plutôt chez les marchands vous en acheter. » (Mt 25,9) Quand notre réprobation diminue, notre curiosité augmente : quelles sont ces lampes qui permettent d’aller à la rencontre de l’Époux, quelle est cette huile qui doit les alimenter et qu’il est impossible de partager ?

Ces derniers jours, en parlant avec un ami prêtre, nous nous disions que nous les chrétiens qui voulons annoncer l’Évangile, nous nous trouvons dans une situation où nous devons transmettre ce que nous ne pouvons pas donner. En effet, annoncer l’Évangile, ce n’est pas d’abord délivrer des informations, un enseignement, une vision du monde. On ne commence pas non plus par inculquer une pratique, des attitudes, des valeurs. Tout cela est utile mais ce n’est pas le cœur de la foi. Ce que nous voudrions donner concerne le cœur profond, et en même temps le sens de l’Univers entier : c’est la connaissance intime de l’amour de Dieu. Que la personne à qui nous parlons découvre que « le Royaume de Dieu s’est approché » parce qu’elle fait l’objet d’un amour personnel de la part de Dieu qui a franchi tous les obstacles pour la rejoindre. « Tu es tant aimé, tant aimée de Dieu ! Le ressens-tu ? T’en rends-tu compte au plus profond de toi ? » C’est cela que nous voudrions donner, mais il nous est impossible de le transmettre. Nous pouvons être très bon pour les autres, et même décrocher la Lune pour eux en leur disant que Dieu les aime encore plus que nous… Ils seraient touchés, ils en recevraient une part d’espérance, mais pas encore ce contact personnel avec l’Époux qui est le cœur de la vie chrétienne.

L’expérimentation de l’amour de Dieu pour nous, qui est cette huile qui brûle déjà dans la lampe de notre cœur, nous ne pouvons pas par nous-mêmes la verser dans le cœur des autres. La seule chose que nous pouvons faire, c’est leur faire désirer connaître cet amour, les conduire à se dire : « ils ont de la chance, ceux qui croient ». Oui, vivons à fond de cet amour qui nous a un jour caressé ! Ne le délaissons pas, ne laissons pas tous les attraits de la vie recouvrir la soif profonde qui est en nous d’être uni par le cœur au Dieu de l’Univers, notre Créateur. Nous sommes faits pour chanter au fond de nous l’amour de Dieu qui nous atteint par le Christ, lui qui a tout fait pour nous. Si nous sommes des hommes et des femmes qui chantent au fond d’eux-mêmes l’amour de Dieu pour eux, cela se verra dans nos gestes et sur notre visage ; cela nous donnera de tenir droit en toute circonstance et de nous relever vaillamment ; cela changera le monde autour de nous, et ceux qui nous côtoient pourront se dire en secret : ils ont de la chance, ceux qui croient (même si un certain dépit pourrait leur faire montrer le contraire et nous rejeter).

Pourtant, allons-nous nous satisfaire de faire languir les autres ? Serions-nous comme des vierges sages qui viendraient narguer celles qui n’ont pas d’huile ? Disons plutôt comme celles de l’Évangile : allez chez les marchands acheter de l’huile ! Le premier marchand qui peut nous procurer de connaître l’amour de Dieu personnellement, c’est l’Esprit Saint. Demander l’Esprit Saint pour expérimenter l’amour de Dieu, voilà une prière à conseiller autour de nous. L’Esprit Saint, c’est le grossiste de la grâce. Après, il y a les petits revendeurs. Ce sont les prêtres, qui donnent les sacrements. Par les sacrements, on peut disposer son cœur à se laisser toucher par l’amour de Dieu, lorsque c’est cela que l’on vient chercher, lorsqu’on désire la grâce. Venir à la messe en désirant rencontrer le Christ… Demander le baptême en souhaitant que son enfant fasse l’expérience de l’amour de Dieu… Aller se confesser en cherchant à plonger dans le cœur du Père… Cela dispose à recevoir la grâce qui agit dans le sacrement.

Que l’Esprit Saint nous donne de veiller dans l’amour, d’avoir un cœur qui ne dit jamais : ça suffit, c’est déjà bon comme ça ! Mais un cœur qui désire, qui veut toujours plus, qui cherche l’amour de l’Époux, le Christ qui illumine tout l’Univers.