homélie du 1er dimanche de carême, 18 février 2018

L’être humain{joomplu:9} butte sur le mal dans le monde. Et c’est pourquoi il y a le carême. C’est le moment d’aborder le problème du mal de façon responsable, en cessant de penser que c’est surtout de la faute des autres, en acceptant de confronter sérieusement notre vie à l’appel de Dieu, en réalisant que ce n’est pas demain qu’il sera temps de nous convertir mais aujourd’hui.

Dieu a donné un grand espace à la liberté de l’homme. Il a décidé qu’il n’y aurait jamais plus de déluge, mais au contraire notre vie se passera désormais dans le cadre de son alliance. Cela ne veut pas dire que Dieu est devenu indifférent au problème du mal. Il décide de ne couper ni les bras ni la langue du méchant, mais il ne cesse de l’appeler, de le pousser à se ressaisir. Tout au long de l’Ancien Testament Dieu avertit son peuple lorsqu’il s’égare ou se replie sur lui-même, et lui dit : cesse de faire le mal et reviens ! Je t’attends ! Tu goûteras ma bonté ! Fais le bien !

C’est cela aussi que Jésus annonce au début de son ministère public : « Les temps sont accomplis : le règne de Dieu est tout proche. Convertissez-vous et croyez à l’Évangile. » (Mc 1,15) Aujourd’hui nous voulons prendre cet appel au sérieux. Nous voulons regarder en face cette liberté que nous nous donnons de nous mettre en colère si facilement ; cette complicité avec nos désirs sensuels ; ce refus de demander pardon ; cette façon de penser d’abord à la satisfaction de nos besoins ; cette surdité aux difficultés d’autrui ; tout ce temps passé à des choses futiles sur nos smartphones ; cet endurcissement devant le malheur de nos frères qui sont loin ou se réfugient chez nous ; et tant d’autre choses. Nous voulons regarder tout cela qui grouille en nous et nous disons : assez ! Je ne veux pas nourrir ce péché de la même façon jusqu’à ma mort. Je ne veux pas arriver devant le Christ en ayant si peu lutté. « Si tu ne cherches pas à devenir meilleur, tu cesses déjà d’être bon » disait saint Bernard.

Certains péchés se résolvent d’un coup, par un geste qui leur est contraire. Par exemple verser une grosse somme d’argent à une association d’entraide plutôt que de le dépenser selon nos envies. Ou demander ce pardon si longtemps différé. Ou sourire à nouveau à cette personne qui m’a blessé. Mais pour des péchés récurrents, ou ces péchés ponctuels dont je viens de parler quand ils touchent un sujet difficile, il faut passer par un autre chemin : celui de la pénitence.

C’est ce que nous apprend Jésus lorsqu’à peine baptisé il est poussé par l’Esprit au désert. Il ne va pas faire un road trip au désert, il y va pour connaître le manque et surmonter ses pulsions. Lui le Fils de Dieu, il doit apprivoiser sa faiblesse en se laissant titiller par satan. La pénitence qu’il vit, c’est aussi celle que nous pouvons vivre. C’est s’infliger un manque, un désagrément, et apprendre à le surmonter sans se satisfaire soi-même, afin que lorsque surviennent les inévitables désagréments de la vie, les combats qu’il faut mener, on ne se dérobe pas mais qu’on soit entraîné à lutter et à avancer dans le bien au milieu de tout ce qui aboie en nous.

Jésus va quarante jours au désert pour devenir capable d’affronter tous ses contradicteurs avec force et douceur, avec persévérance et compréhension. Il va connaître cette épreuve choisie afin que lorsque survient l’épreuve non choisie, elle ne le trouve pas faible et prêt à se dérober. Les quarante jours au désert, et tous les autres temps de jeûne et de pénitence qu’il vivra, cela lui permet d’être celui qui ne se dérobe pas devant la croix, celui qui persévère devant tout ce que le diable agite devant lui pour le faire renoncer.

Jésus va quarante jours au désert pour nous aussi. Pour nous donner un exemple, cet exemple que nous voulons suivre. À chacun de choisir le manque qu’il infligera à son désir d’être satisfait. Pour l’un ce sera alimentaire, pour un autre au niveau des distractions, pour un troisième autre chose encore. Ou tout ensemble… Et que tout cela soit en faveur de la charité, pour un amour qui se donne, car c’est lui qui fortifie vraiment notre cœur. Et que nous décidions de le vivre dans la joie. Un renoncement joyeux, quelle puissance contre tout mal !