homélie de la Veillée pascale 2018

Quand Dieu se révèle{joomplu:187}, il n’envoie pas un livre du haut du ciel, comme si la Bible avait été dictée par un ange. Quand Dieu se révèle, il choisit un peuple pour vivre une histoire avec lui, une histoire d’amour. Et pour que cette histoire puisse englober par contagion tous les peuples de la terre, comme nous ce soir. C’est ce que vous venez d’entendre : le Dieu qui a inventé tout ce qui existe, celui qui a pensé au big-bang, aux galaxies immenses et aux trous noirs inouïs, il est Dieu qui parle avec Abraham et arrache ses descendants à l’esclavage en Égypte, pour en faire son peuple, sa bien-aimée, sa fiancée à qui il va parler cœur à cœur, à qui il va donner un cœur nouveau.

En parallèle de l’histoire de l’amour de Dieu, il y a celle de nos refus. Et les péripéties de l’aventure de Dieu avec son peuple nous montre qu’il ne suffira pas que nous recevions un enseignement sur ce qui est juste, des commandements qui nous serviraient de guide. Il faut encore que nous soyons sauvés du mal, de celui que nous subissons et de celui que nous commettons : le péché.

Cela ne se fait pas dans un décret, car le mal a à voir avec notre liberté. Il ne suffit pas que Dieu décide qu’il ne tiendra plus compte du mal — quelle injure ce serait pour celui qui est bafoué par les autres, exploité, méprisé. Dieu choisit d’aller persuader nos libertés par son amour. Quand nous regardons la croix, nous voyons deux choses. D’une part, le Christ nous a aimés jusque là : son amour n’a pas dit « maintenant c’est trop, maintenant je rejette Judas, je le vire du groupe des amis avant qu’il me trahisse, je m’enfuis de Jérusalem qui veut ma peau… ». Mais il dit : « jamais je ne vous rejetterai, aussi loin que vous puissiez aller dans le mal, je garde le chemin ouvert pour que vous reveniez, le chemin de ma croix ». Personne ne doit se croire trop loin de Dieu pour ne pas revenir à lui. Il faut le dire à ceux qui sont découragés.

La passion nous apprend autre chose : le Christ s’est laissé immerger dans l’horreur du mal afin de le faire exploser de l’intérieur, afin de détruire sa logique qui conduit à la mort. Le mal fait mal, le mal abîme, le mal blesse, il blesse à mort. Mais au matin de Pâques nous découvrons que le mal n’a pas eu le dernier mot. Désormais, les épreuves et les douleurs que nous vivons peuvent conduire à autre chose qu’à la destruction : nous pouvons en faire un chemin de complicité avec le Christ, qui nous mène vers la vie, vers la victoire de la lumière. À Pâques nous découvrons que la victoire du Christ peut aussi être la nôtre. Il n’y a pas de solution toute faite au mal qui nous arrive, mais si nous portons notre croix à la suite du Christ, nous savons qu’elle mène à la vie ; et déjà maintenant la douce et lumineuse vie de Dieu entre en nous.

Il y a un moment décisif où le chrétien meurt à tout style de vie contraire à l’évangile, pour accepter de vivre de la vie du Christ, de prendre les risques que le Christ a pris, d’aimer jusqu’au bout. Ce moment, c’est le baptême. Mourir avec le Christ pour ressusciter avec lui, c’est ce que nous osons désirer ce soir, et c’est pourquoi nous allons renouveler nos engagements du baptême et accueillir la grâce qui vient de Dieu. Nous sommes tant aimés. Laissons-nous saisir par le Père !