homélie du 10e dimanche ordinaire, 11 juin 2018

Nous voilà mis{joomplu:12} par la première lecture devant l’homme qui se cache de Dieu, qui a peur de lui, et qui explique sa peur en disant « c’est parce que je suis nu ». Sa réponse dévoile la plus grande blessure du cœur de l’être humain : je ne goûte plus la joie d’exister, le bonheur d’être ce que je suis ; ça me fait peur d’être la créature de Dieu, de devoir dépendre de lui, je ne veux pas vivre comme son enfant, je le veux le plus loin possible de moi. C’est la situation tragique de l’homme sans Dieu, ou de l’homme qui peine sous une image déformée de Dieu : un dieu qui épie, un dieu dont il faut se cacher.

Pour comprendre ce que nous sommes, il est bon de s’arrêter un peu sur le bonheur d’exister comme créature de Dieu, que nous décrit le chapitre précédent de la Genèse. L’homme comme Dieu l’a fait reçoit le monde avec reconnaissance, découvrant que l’univers entier est disposé pour lui, comme un jardin qu’il pourra cultiver et où il se cultivera. Dieu place l’homme et la femme dans ce monde comme des êtres voulus par lui, aimés de lui, en relation avec lui. La Bible dit que l’homme et la femme peuvent être l’un devant l’autre nus et sans honte, ce qui veut dire qu’ils s’aiment et se respectent. Tout cela, c’est ce que nous sommes. Vivons-le ! Avez-vous déjà rendu grâce à Dieu parce que vous existez, parce que vous vivez, parce que vous êtes vous ? On le fait beaucoup trop peu, et pourtant c’est le premier pas de la sainteté. Dieu nous a faits avec joie et fierté. Nous devons nous en revêtir.

Après, il y a eu la désobéissance, et elle gouverne toute l’ambiance dans laquelle nous avons appris à vivre. Désormais la vie est une lutte, pour ne pas tomber dans le vide ou l’accusation mutuelle (vous avez entendu comment l’homme accuse sa femme). Il faut lutter contre tous les raisonnements qui nous poussent à croire que nous ne sommes pas voulus, que nous ne sommes pas aimés, que Dieu n’est pas un Père, ou un bien piètre père, ou que nous sommes là par hasard, ou que l’essentiel c’est de tirer son épingle du jeu et gagner sa parcelle de bonheur sans interroger le Père sur la façon d’y arriver.

Il nous faut lutter, mais notre lutte serait vaine si le Christ Jésus n’était pas venu nous sauver, nous faire retrouver le chemin du cœur du Père. C’est cela le salut, être libéré de ses péchés : pour pouvoir goûter à nouveau la joie de vivre sous le regard de Dieu, redevenir ses enfants alors que nous avions voulu n’en faire qu’à notre tête.

L’évangile nous fait sentir la lutte que Jésus lui-même doit mener pour frayer un chemin à l’Évangile. Le cœur malade de l’homme l’accuse d’avoir un démon. Ce cœur qui le rejette va jusqu’à désamorcer toute espérance en prétendant que l’Esprit qui agit en Jésus n’est pas l’Esprit Saint mais un esprit mauvais. Aujourd’hui encore nous pouvons fuir Jésus ou dire que nous n’avons pas besoin de lui, ou seulement un peu et seulement pour ce que nous sommes prêts à accepter. Ce faisant, nous lui occasionnons une peine immense et nous nous privons de la lumière, de la joie profonde, du bonheur inouï de vivre en ami de Dieu.

Mais celui qui accepte tout du Christ, qui prend au sérieux tout ce qu’il comprend de l’Évangile, celui-là devient pour le Fils de Dieu un frère, une sœur, une mère (Mc 3,35). Et pour lui, la promesse dont parle saint Paul est un bel avenir : le Père nous ressuscitera avec Jésus et nous placera ensemble près de lui (2 Co 4,14). C’est la promesse de l’intimité définitivement retrouvée, de l’amour vraiment échangé, de la joie d’aimer, la joie de se donner et d’accueillir l’autre comme don. La joie d’exister à plein !

Oh Christ, donne-nous de prendre ta main pour que tu nous conduise dans ce retour au Père, que tu recrées en nous cette confiance qui nous donne la joie et la lumière ! Nous sommes enfants de Dieu et nous voulons en vivre, nous voulons le goûter et en exulter.