homélie du 4e dimanche de l’Avent C, 23 décembre 2018

Peut-on connaître{joomplu:529} la joie dans une situation difficile ? Aujourd’hui l’Écriture nous dit que oui. Elle nous montre la joie que procure la visite de Dieu, et que nous accueillons en nous élançant à la rencontre de notre prochain comme Marie va auprès d’Élisabeth. Tout cela au cœur de la situation de détresse sociale dans laquelle vient le Messie. Il ne faut pas attendre pour aimer.

À la naissance du Christ, la Palestine est occupée. Les Romains font sentir leur pouvoir, et ce qu’il reste de justice est rapidement détourné par les potentats locaux, spécialement Hérode et ceux qui comme lui sont passés maîtres dans l’art de la corruption. Cette situation rejoint ce que Michée avait annoncé dans son oracle : « Dieu livrera son peuple jusqu’au jour où enfantera celle qui doit enfanter » (Mi 5,2), sous-entendu : livrera à ses ennemis qui veulent le dominer, l’opprimer.

C’est le mystère de la situation des croyants dans le monde, du peuple juif puis de l’Église : vivre cette situation d’apparent abandon. « Mystère » non parce que c’est étrange mais parce qu’il y a là quelque chose à creuser pour comprendre et habiter la situation. De quoi s’agit-il ? Lorsque nous refusons la seigneurie de Dieu, de le reconnaître comme maître de nos vies, comme la référence de nos choix, comme notre guide et celui à qui nous appartenons dans l’amour, alors nous tombons inévitablement sous d’autres dominations, bien plus terribles au final. Voulant échapper à la main de Dieu, refusant de craindre le Seigneur, nous voilà « livrés » à nos ennemis, c’est-à-dire à l’ennemi de la nature humaine et ses subordonnés, tous ceux qui se nourrissent d’orgueil et de convoitise.

Nous vivons dans un état collectif de refus des conseils de Dieu, dans lequel toute la société souffre. Au milieu de cette société, le croyant d’une part bénéficie de la présence de Dieu et de sa consolation, et d’autre part souffre davantage encore car son attitude de foi est critiquée et il se sent isolé. Si souvent nous sommes caricaturés à cause de notre foi : comme si nous étions des témoins d’un passé révolu, des attardés dans l’histoire. Comme si, parce que nous n’acceptons pas tout ce qui se fait et se prône aujourd’hui, nous étions des monstres d’intolérance et finalement des dangers pour la société. Heureux le chrétien qui, mis sous pression, résiste à la tentation de se fondre dans la masse, tout autant qu’il résiste à la tentation de l’isolement superbe, celle de se croire au-dessus d’un ramassis de dégénérés. Oh, comme il faut être fort, Seigneur, pour garder le cap de la foi aujourd’hui !

Alors comment tiendrons-nous ? En nous faisant humbles comme Marie. Celui qui est humble peut se tenir sans amertume au milieu de l’incompréhension. Il continue son témoignage de façon efficace car par lui la question de Dieu continue d’être posée à tout homme : acceptes-tu de m’aimer et de te mettre à mon école ?

Il reste une question importante : comment savoir si nous sommes dans l’humilité ou si nous devons progresser car nous sommes encore inconsciemment occupés à nous servir nous-mêmes et notre belle image ? En effet, il existe plein de chrétiens geignards qui se croient fidèles au Seigneur mais en définitive ne prennent qu’eux-mêmes comme référence. Nous saurons que nous sommes dans l’humilité ou non à ce qu’il reste d’amour propre en nous. Si les injustices à notre égard nous prennent la tête, il est grand temps de demander au Seigneur le don de l’humilité. Si ce que nous appelons notre foi nous conduit à rejeter les autres, à nous croire supérieurs et pas seulement bénis, il est urgent de demander au Seigneur le don de l’humilité.

Par quel chemin demander cette humilité ? Aujourd’hui nous sommes invités à reprendre la salutation d’Élisabeth à Marie : « tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » Vous avez reconnu une partie du « Je vous salue Marie ». La simple prière du chapelet peut nous conduire à l’humilité bienheureuse et efficace. Une prière que nous ferons en nous habillant de cette conviction : la mère de notre Seigneur vient à nous pour nous conduire à son Fils.