homélie du 14e dimanche C, 7 juillet 2019

{joomplu:5}Comment le Royaume de Dieu peut-il progresser dans un monde miné par le mal ? C’est bien la volonté de Dieu de faire triompher son Royaume dans ce contexte hostile. Alors le Fils de Dieu vient. Il affronte le mal sous toutes ses formes :
— il réconcilie les pécheurs avec le Père
— il guérit les malades
– il chasse la peur du cœur de l’homme (voir par exemple l’épisode de la tempête apaisée, ou celui de la marche sur les eaux)
– il demande d’aimer et de pardonner.

Son affrontement avec le mal sera de plus en plus dur. Au point qu’il se donne un visage déterminé, résolu, pour monter à Jérusalem où l’attend la passion et la croix, comme nous l’avons entendu dimanche passé.

Et sur le chemin de Jérusalem il envoie des messagers préparer le terrain de là où il veut aller, avec la mission de guérir les malades et de dire : « le règne de Dieu s’est approché de vous » (Lc 10,9).

aujourd’hui encore c’est cela qui se passe. Jésus envoie son Église, il envoie chaque baptisé, chaque confirmé depuis qu’il a reçu la marque du saint-chrême et qu’il est configuré au Christ roi, prêtre et prophète. Jésus envoie ainsi des messagers devant lui, pour réconcilier les hommes avec son Père (cette réconciliation culmine avec le sacrement de réconciliation, où le pardon est entendu et accompli). Il les envoie pour guérir les malades, comme on le vit dans le sacrement de l’onction des malades, et dans toutes les actions de soin que l’Église a déployée depuis 2000 ans à travers toutes les congrégations hospitalières et l’engagement des laïcs. L’Église reçoit aussi la mission de chasser la peur, et c’est ce qui motive sa parole publique sur bien des sujets sociaux ou de bioéthique. Et puis, elle continue d’enseigner l’amour et le pardon.

Tout se tient dans ce combat contre le mal : réconciliation avec Dieu, guérison, combat contre la peur, exhortation à l’amour et au pardon. On peut le voir dans l’épisode du refus (Lc 10,10). Refuser d’accueillir les envoyés du Christ et tout ce qu’il apporte, c’est se couper de la source de la vie.

Donc, on ne peut pas venir à Dieu demander une guérison tout en refusant que son Règne arrive dans notre vie et change nos façons de penser et d’agir. Dieu ne vient pas pour nous satisfaire directement, mais il veut mettre en nous sa propre joie. C’est toute la différence entre la prière païenne et la prière chrétienne. Dans la première, on veut mettre la divinité à son service, obtenir d’elle ce que l’on veut. Dans la seconde, on veut se mettre au service de Dieu, et ce que l’on demande n’est pas pour nous satisfaire directement, mais pour nous rendre capables de mieux le servir, d’être plus proche de lui, de mieux savourer la vie qu’il donne, d’être un acteur plus rayonnant du Royaume de Dieu.

Ce samedi nous vivons l’onction des malades. Elle est un sacrement de guérison. Lorsque la maladie nous menace ou qu’elle alourdit considérablement l’accomplissement de notre vocation, on peut ainsi demander la force de Dieu dans la maladie. On demande d’être « sauvé » et « relevé », comme le disent les paroles du sacrement. Parfois cela se traduit par une guérison physique. Toujours il y a l’effet de cette visite de Dieu au cœur de la maladie. « Désormais, la force de Dieu agit dans votre faiblesse ».

Enfin, je voudrais dire un mot sur le fait que Jésus annonce que les ouvriers sont trop peu nombreux pour la moisson du Père (Lc 10,2). C’est structurel, parce qu’on n’est jamais assez pour lutter contre le mal au nom de Dieu. Alors je voudrais encourager les ouvriers de la moisson, de tous ordres : les parents, les grands-parents, les enseignants, les soignants, tous ceux qui écoutent leurs frères. Et bien sûr je pense aussi aux prêtres, car ils ont tout donné pour la moisson, car leur vie n’a de sens qu’à cause de la moisson — c’est ce que leur offre leur célibat. Il faut les encourager non pas dans leurs travers mais à descendre dans les profondeurs de leur cœur pour nous en nourrir. Ils sont si peu nombreux. Leur tâche est à la fois dure et si nécessaire. Ce sera toujours ainsi. Il ne faut pas souhaiter que l’Église allège la tâche des ouvriers de la moisson, en assouplissant par exemple la règle du célibat. On ne l’a jamais fait jusqu’à maintenant. Et ça n’arrivera jamais que la mission des ouvriers de la moisson sera une mission tranquille, facile à réaliser. L’Église a besoin de jeunes qui aiment affronter les difficultés avec amour et détermination. Et il nous faut être solidaires, nous manifester les uns aux autres de l’encouragement et de la tendresse.

Quant aux prêtres, ils doivent parler du « règne de Dieu qui s’est ap­proché », et il faut le leur demander. Ce n’est pas un règne humain, que nous construisons de nos propres forces, ce n’est pas un aména­gement de la société en fonction de nos peurs de la souffrance, de la solitude, de la précarité… mais c’est le règne de Dieu, qui n’est envi­sageable que par la foi car ses possibilités sont tellement plus vastes et il ne repose pas seulement sur ce qui est humainement possible : il repose sur l’espérance que Dieu donne.