homélie du 24e dimanche A, 13 septembre 2020

{joomplu:83} Dimanche passé Jésus nous indiquait comment aborder la question du mal commis dans l’Église, le mal qui vient miner le témoignage que les chrétiens rendent à l’Évangile. Aujourd’hui il nous parle du mal qui nous atteint personnellement. C’est saint Pierre qui pose la question : « Seigneur, lorsque mon frère commettra des fautes contre moi, combien de fois dois-je lui pardonner ? Jusqu’à sept fois ? » Jésus lui répond : « Je ne te dis pas jusqu’à sept fois, mais jusqu’à 70 fois sept fois. » Autrement dit : tu ne mettras pas de limite à ton pouvoir de pardonner, tu ne diras jamais : « c’est bon pour une fois ».

Jésus ne nous donne pas le choix de pardonner ou pas. C’est le seul moyen de rester collaborateur de Dieu qui affronte le cœur humain rongé par le mal avec les seules armes capables de le guérir : la persuasion de l’amour. Nous devons pardonner pour que Dieu nous pardonne. Nous devons pardonner comme nous sommes pardonnés. Nous devons pardonner à cause de la vie éternelle où nous sommes appelés.

Pardonner à son frère tant de fois, n’est-ce pas mettre la justice en danger ? C’est un peu facile pour l’offenseur, non ? Si l’autre sait que mon amour lui est acquis, que va-t-il se passer ? Est-ce qu’il ne va pas en profiter ? Le risque existe, mais en même temps, se savoir aimé d’un amour inconditionnel va provoquer une révolution en lui. Il ne pourra pas ignorer toujours cet amour, qui sera comme un feu devant son âme. Nous voyons des gens répondre avec dureté au pardon qu’on leur donne. C’est bien le signe que ce pardon les secoue, les force à sortir de leur résignation au mal, réveille leur conscience qu’ils avaient eu tant de mal à endormir.

En réalité, le pardon ne dispense pas de la conversion. Il est au contraire un des outils les plus efficaces pour pousser l’autre à la conversion. Dans la lettre aux Romains, reprenant le livre des Proverbes, saint Paul écrit : « si ton ennemi a faim, donne-lui à manger ; s’il a soif, donne-lui à boire : en agissant ainsi, tu entasseras sur sa tête des charbons ardents. Ne te laisse pas vaincre par le mal, mais sois vainqueur du mal par le bien. » (Rm 12,20-21, reprenant Pr 25,21-22)

Cette victoire se réalise parce que le pardon crée les conditions de possibilité d’une vie nouvelle. Quand nous reconnaissons le mal que nous avons commis et que grâce au pardon nous cessons d’être enfermé dans notre faute et dans le regard accusateur, ce n’est pas pour retourner à notre boue. Car il nous faudra en sortir tôt ou tard. On n’entre pas dans la vie éternelle le cœur cramponné à son péché. Tôt au tard, et il vaut mieux tôt que tard, notre volonté devra choisir la lumière, quel que soit le poids des mauvaises habitudes, des relâchements, des atermoiements. La conscience du pardon reçu mobilise nos forces, nous rend plus déterminés à combattre, puisque nous sommes aimés. Un grand apôtre de la miséricorde comme le fut saint Paul dira en même temps : « je traite durement mon corps, j’en fais mon esclave, pour éviter qu’après avoir proclamé l’Évangile à d’autres, je sois moi-même disqualifié. » (1 Co 9,27)

Le frère qui nous pardonne nous convoque à changer de vie. Il nous fait une transfusion d’amour. À nous de ne pas la gaspiller. La miséricorde de Dieu nous ouvre un nouvel avenir, qui ne pourra pas être fait des mêmes choses que par le passé. Faisons en sorte que le pardon pave le chemin de la sainteté, pas celui de la médiocrité.