homélie du 23e dimanche B, 5 septembre 2021

{joomplu:152} Les lectures d’aujourd’hui nous donnent l’occasion de réfléchir un peu sur la façon dont Dieu combat le mal. Isaïe parle d’une revanche de Dieu contre le mal, et sa revanche est notre revanche. D’abord, cette intervention de Dieu se situe dans un contexte où les gens s’affolent et pensent que Dieu les a abandonnés. Alors Dieu dit par son prophète : « Soyez forts, ne craignez pas. Voici votre Dieu… » C’est une réaction spontanée et fréquente chez l’être humain confronté au mal : il pense qu’il est seul, que Dieu l’a oublié, ou même qu’il n’y a pas de Dieu. Alors il a peur et il prend des décisions motivées par la peur. Dans la famille, cela crée des divisions et du ressentiment. En politique, cela donne le pouvoir à des têtes brûlées. Pour chacun, cela renferme sur soi et empêche de communiquer et d’aimer.

Dieu vient à la rencontre de l’homme, il vient le sauver. Isaïe l’annonçait vers les années 700 avant Jésus (Is 35,4-7). Il l’annonce dans un contexte où on espère la fin de l’oppression par les ennemis, mais ce qu’il annonce dépasse de loin la tranquillité retrouvée : l’aveugle verra, le sourd entendra, le boiteux bondira comme un cerf, le muet criera de joie. Quand donc ? C’est là qu’intervient l’espérance, car visiblement ce n’est pas pour tout de suite. L’espérance est une dimension essentielle de la vie du croyant. Elle permet à Dieu de travailler les cœurs qui s’abandonnent à lui. L’espérance nous guérit de l’esclavage de l’efficacité, de la tentation de demander à quoi cela sert-il d’être croyant. L’espérance dilate le cœur.

Mais quand même, il faut des signes, sinon le cœur s’épuise. Alors vient Jésus, qui guérit les malades, qui fait entendre les sourds et parler les muets. Ça y est, quand Jésus agit ainsi on sait qu’on a eu raison d’espérer. Dieu n’a pas abandonné son peuple. Pourtant, pour le Seigneur, ce n’est qu’un premier combat contre le mal. C’est le combat le plus facile, contre le mal qui est extérieur à l’homme. Au même moment, et de plus en plus, Jésus s’affrontera au mal qui ronge le cœur de l’homme, ce mal qui tire sa source de l’orgueil et de l’égoïsme, ce mal qui fait rejeter le Fils de Dieu, ce mal qui finit par fomenter sa perte.

Ce mal-là ne se guérit pas aussi facilement que l’autre. Mais c’est pour montrer qu’il est venu guérir le cœur de l’homme que Jésus guérit son corps. Quant à la guérison du cœur, elle aura lieu dans la passion du Seigneur, lorsqu’il se laissera écraser par le déchaînement du mal, ce déchaînement qui croira avoir le dernier mot jusqu’à ce qu’il se trouve vaincu dans la fidélité du Christ et le triomphe de sa résurrection.

Alors, quant à nous, vivons comme des gens qui ont déjà vu la revanche de Dieu, et même sa « vengeance », comme dit Isaïe. Dieu veut nous venger. Dieu nous a déjà vengés du mal. Laissons de côté pour aujourd’hui le mal que nous faisons et la nécessité de la conversion, pour considérer le mal qui nous assaille. Nous ne savons pas comment en définitive Dieu nous vengera de l’adversaire, le satan, celui qui nous aura accusé jour et nuit devant Lui (Ap 12,10). En tout cas il nous vengera en nous faisant échapper pour toujours à son emprise, ça c’est sûr. Dans la résurrection de la chair, Dieu nous vengera de toute maladie, physique ou psychique. Enfin, comment nous vengera-t-il de nos ennemis ? Sûrement pas d’une manière humaine, comme lorsqu’on souhaite écraser ses ennemis. Sinon, le Christ ne nous aurait pas dit de les aimer et de prier pour eux. C’est par notre pardon et par son jugement qu’il fera d’eux et de nous des êtres qui pourront coexister dans son Royaume. Notre pardon est indispensable, comme Jésus l’a souvent répété. Tout autant que son jugement qui dit au mal : halte, on ne passe pas ! Dieu triomphe du mal et tout pécheur devra accepter ce triomphe en lui par le jugement divin qui s’impose à lui. Un jugement qui ne vise pas à condamner, mais qui peut opérer la libération ultime de celui qui l’accueille humblement. Un jugement qui nous coûtera sûrement, c’est pourquoi nous prions pour les morts au purgatoire, afin qu’ils se laissent enfin rapidement purifier par l’amour brûlant de Dieu.