homélie du 5e dimanche C, 6 février 2022

{joomplu:142} S’il y a un Dieu qui vient dans le monde, a-t-il besoin de nous ? Il va gérer, il est fort ; son royaume sera visible, parce qu’il n’y aura plus de mal, plus de haine, plus de maladies… C’est ainsi que nous raisonnons. Et voilà qu’ici dans cette église nous annonçons tout autre chose : les évangélistes, les apôtres disent que Dieu est venu dans le monde, mais son royaume n’est pas directement visible par tous, au point que beaucoup de gens disent : où est Dieu ? Je ne crois pas qu’il existe puisque je ne le vois pas… Prenons un peu de temps pour découvrir la tactique de Dieu, afin de comprendre pourquoi Dieu est venu dans le monde bien que beaucoup peuvent penser que ce n’est pas arrivé.

Aujourd’hui nous découvrons un élément important de cette tactique de Dieu : Dieu compte sur nous, il fait passer son action par notre cœur et par nos mains ! Dans le récit de l’évangile selon saint Luc (Lc 5,1-11), nous voyons les foules venir en nombre à Jésus. Il les attire, elles sentent qu’il y a chez lui ce qu’on ne trouve pas ailleurs, un amour, une sagesse, une force qui font du bien au cœur. Elles sont si nombreuses que Jésus utilise pour leur parler un stratagème d’ingénieur du son : il s’éloigne en barque du rivage et profite de la réverbération de la mer pour faire porter sa voix aux oreilles de tous.

Mais Jésus ne reste pas dans cette posture du maître solitaire qui enseigne, qui guérit, comme s’il serait là physiquement pour toujours. Il pense à l’avenir, à l’Évangile qui devra continuer après lui et également bien au-delà des frontières d’Israël. Alors il fait passer quelques hommes dans un statut tout nouveau : pêcheurs d’homme, qui le suivront de près pour pouvoir le donner à tous ceux qui le chercheront. Là, au bord du lac de Tibériade, en ce jour précis naît l’Église, et même l’institution Église. Je ne dis pas que Jésus rédige ce jour-là le document de fonctionnement de la curie romaine, mais il pose les bases de l’annonce de l’Évangile qui ne pourra se faire sans un minimum d’institution pour assurer la fidélité au message, et plus qu’au message, à sa personne elle-même. Ce jour-là, Jésus montre qu’il comptera sur les hommes pour assurer la continuité de son action. Aujourd’hui nous avons accès à Jésus, à sa parole, au rayonnement de son être à travers les sacrements, grâce à cette mission qu’il a donnée à ces pêcheurs de Galilée et que ceux-ci ont transmise à des successeurs jusqu’à ce jour.

Nous avons un échantillon de cette transmission dans la première lettre de saint Paul aux Corinthiens, que Paul écrit d’Éphèse à Pâques 55 ou 56. Il dit : « je vous ai transmis ceci, que j’ai moi-même reçu ». Paul enseigne de ville en ville depuis une dizaine d’années sûrement, peut-être davantage. Mais auparavant, il s’est laissé former par l’enseignement de quelques apôtres. Il s’est fait élève, il a vécu son catéchuménat, comme on dirait aujourd’hui. Ce qu’il enseigne aux Corinthiens, c’est ce qu’il a appris une vingtaine d’années auparavant. Il leur transmet ce qu’il a reçu. Voilà le fonctionnement de l’Église naissante et la raison d’être de l’Église : transmettre ce que l’on a reçu et qui est très précieux car cela concerne le Fils de Dieu venu dans le monde pour notre salut. Toute l’institution de l’Église doit toujours être mesurée et justifiée par cela : assurer la fidélité de la transmission — que l’on appelle « Tradition » —, et le moyen de corriger les défaillances de cette transmission. C’est pour cela qu’il y a des évêques, un pape, c’est pour cela qu’il y a des sanctions dans l’Église, c’est pour cela aussi qu’il y a des ajustements, comme nous en vivrons au début du carême avec la nouvelle traduction des prières de la messe. Prions pour l’Église, afin qu’elle continue fidèlement ce que Jésus a commencé le jour où il a appelé Pierre, André, Jacques et Jean à devenir pêcheurs d’hommes et qu’ils l’ont suivi. Car Dieu a voulu avoir besoin de nous, et sans notre engagement à chacun, par la prière, par la parole, par l’action, bref, par notre fidélité, l’Évangile est menacé.