homélie du 7e dimanche C, 20 février 2022

{joomplu:22} “Les chrétiens ne sont pas meilleurs que les autres”. On l’entend souvent dire, et c’est sans doute vrai (quoique cela reste quand-même à voir...) Mais en tous cas les chrétiens sont invités à un agir vraiment différent, un comportement qui dénote, qui interpelle les autres et nous-mêmes d’abord. Jésus nous invite ni plus ni moins qu’à aimer nos ennemis et à faire du bien à ceux qui nous haïssent, à ne pas réclamer à celui qui nous vole, à prêter sans espérer qu’on nous rende, à faire pour les autres ce que nous voudrions qu’ils fassent pour nous. Voilà ce qu’il nous demande. Jésus nous le dit, il faut le faire. Pourquoi nous demande-t-il cela ? Et avec quelle force pourrons-nous le faire ?

La raison de ce comportement est que nous voulons faire comme Dieu notre Père, nous voulons « être les fils du Dieu très-haut » (v.35), les dignes fils de notre Père qui nous a tout donné. Il nous fait déjà habiter son Royaume. Et en quoi consiste ce Royaume de Dieu ? Que tous les hommes soient ses fils, ses filles, que tous les hommes soient des frères et des sœurs pleinement réconciliés. Pour cela, Jésus nous invite à commencer dès maintenant les relations du Royaume.

Pour préparer les Journées Mondiales de la Jeunesse à Paris en 1997, une grande campagne d’affichage avait fait placarder sur d’immenses affiches quelques phrases de l’évangile, en grosses lettres, dont celle-ci : « Aimez vos ennemis, faites du bien à ceux qui vous haïssent. » Lors d’un journal télévisé, on interviewait un passant, qui eut cette réflexion extraordinaire : “si tout le monde faisait ainsi, il n’y aurait plus d’ennemi.”

Eh bien voilà, c’est bien de cela qu’il s’agit : dans le Royaume de Dieu, il n’y a plus d’ennemis, dans la vie du ciel il n’y a plus d’ennemis, et c’est pourquoi dès maintenant nous devons souhaiter du bien à nos ennemis. Cela tranche fort avec la mentalité actuelle, qui cherche des coupables pour tout, contre lesquels on pourra se retourner, qu’il faudra faire payer. Mais vous le savez bien, la paix ne vient pas de ce qu’on voit accablé celui qui nous a fait du mal ; nous ne trouvons pas la paix non plus quand nous cherchons à récupérer notre bien à tout prix. La paix ne vient que lorsque nous entrons dans les relations pour lesquelles nous sommes faits : celles du Royaume de Dieu. Ces relations sont marquées par la miséricorde, et par la gratuité (donner sans espérer en retour, faire pour les autres ce que nous voudrions qu’ils nous fassent, avant même qu’ils fassent ainsi). Et lorsque nous entrons dans ces relations, nous sommes comblés de joie, car Dieu n’est pas chiche, et la mesure que l’on utilise dans le Royaume est « une mesure bien pleine, tassée, secouée, débordante » (v.38).

Parfois nous n’entrons qu’en espérance dans ces relations, car notre ennemi reste trop menaçant, ou que les blessures qu’il nous a fait endurer saignent encore. Mais vivons cela dans l’espérance, confiant que Dieu pourra donner une paix que nous souhaitons mais qui est hors de portée.

Avec quelle force pouvons-nous agir ainsi ? Autant le dire tout de suite : cette force n’est pas en nous. C’est Jésus qui permet cela. C’est le juste qui accepte d’être injustement condamné et mis à mort qui stoppe l’enchaînement des représailles. C’est Jésus acceptant sa mort par amour qui désamorce le processus incessant d’hostilité envers le coupable. Et c’est celui qui s’est donné tout entier qui nous permet de dépasser le calcul, la dureté du cœur et l’avarice. Comme dit la lettre aux Éphésiens : « en sa personne, il a tué la haine. » (Ep.2,16)

C’est Jésus qui aujourd’hui donnera la force d’introduire ceux qui nous ont fait du mal dans les relations du Royaume. C’est lui-même qui donnera la richesse intérieure pour donner sans attendre en retour, pour faire aux autres ce que nous voudrions qu’ils fassent pour nous. Tout cela nous sera donné parce que nous Le côtoyons. Jésus ne nous abandonne pas en nous laissant sur les bras un commandement impossible. Quand il nous appelle à vivre ainsi, il vient aussi tout près de nous.

Il vient dans chaque eucharistie nous donner sa force et sa paix. Vous n’êtes pas venus à la messe seulement pour entendre un commentaire plus ou moins intéressant sur les lectures, vous n’êtes pas venu apprendre des choses sur Jésus ; vous êtes venu apprendre des choses de lui, par la rencontre que vous vivez avec lui, par ce fait qu’il se donne à vous et que vous l’accueillez, et que vous vous donnez à lui en retour.

C’est par cette rencontre de Jésus que nous aurons la force d’introduire tous les hommes que nous croisons dans des relations valables pour le Royaume.