homélie du jour de Pâques

{joomplu:93}En écoutant ces lectures je suis surpris par cette affirmation de saint Pierre : « Dieu a donné à Jésus de se montrer, non pas à tout le peuple, mais seulement aux témoins qu’il avait choisis d’avance, à nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection d’entre les morts. » (Ac 10,41) Pourquoi ne pas se montrer à tout le peuple ? Cela nous ferait tellement de bien, une manifestation publique de Dieu en notre faveur : une preuve de la résurrection du Christ, de la véracité de Dieu sur tous les médias... Ça nous changerait de ce que nous vivons maintenant ! Mais non, l’info croustillante ou écrasante dans les médias ce n’est pas la manière de Dieu. Il préfère les méthodes discrètes... Il y a alors des catholiques qui ne supportent pas ces méthodes discrètes de Dieu et qui cèdent à la tentation de manifestations violentes ; c’est désastreux de s’engager dans cette voie.

Quand j’ai lu qu’en Belgique 143 adultes ont été baptisés en cette nuit pascale, je me suis dit : comment ont-ils pu choisir l’Église catholique, après tout ce qu’on dit de nous ! Leur présence est pour moi une démonstration des méthodes de Dieu : il ne se fait pas connaître ou rejeter par les médias aux heures de grande audience, il chemine vers les cœurs tout autrement. Les méthodes du Dieu d’amour sont des méthodes de relations personnelles.

C’est ainsi que ces gens qui sont baptisés en ces jours ont été touchés personnellement par le Seigneur et ont dès lors eu envie de rejoindre le peuple qu’il rassemble par son Fils. Ils ont été touchés par l’intermédiaire d’autres chrétiens qui peuvent dire comme saint Pierre : « nous qui avons mangé et bu avec lui après sa résurrection ». Manger et boire avec le Christ, c’est vivre une intimité avec lui, être convive avec lui. Et comment ne pas penser à l’eucharistie comme lieu privilégié de cette rencontre et de cette intimité.

Dans l’évangile c’est le « disciple que Jésus aimait » qui voit et qui croit, avant même les apparitions de Jésus ressuscité. Cette mention du « disciple que Jésus aimait » au sujet de Jean n’évoque pas un favoritisme de la part de Jésus, mais le rappel de la vraie relation avec le Christ, du niveau adéquat auquel se vit notre lien avec lui. C’est dans l’amour, dans l’amitié avec Jésus que la foi de Jean naît et s’épanouit.

Et c’est à partir de choses pareilles que le christianisme s’est répandu dans le monde entier, à travers beaucoup de disciples qui ont accueilli l’amour de Dieu sur eux et qui ont souvent mangé et bu en sa présence. La transmission de la foi est comme le témoignage d’une intimité. Et c’est pourquoi, au-delà de la peur des persécutions, nous avons du mal de parler de notre foi dans le monde : c’est difficile de dévoiler une intimité ! Il faut rester pudique, mais pourtant, pour une part nous ne pouvons pas faire l’économie de montrer notre amour pour le Christ. Jadis la foi se transmettait comme un ordre établi, comme un ordre social. Même s’il y avait des conflits, les chrétiens tenaient une place dans la société et se la transmettaient. Ce n’est pas une bonne façon, même si cette vision se retrouve encore dans l’idée qu’en inculquant des valeurs chrétiennes on transmet la foi. La foi redevient alors quelque chose de lié à un ordre social. Le fait que l’Église n’a plus pignon sur rue nous guérit de revenir à ces méthodes. Nous ne sommes pas les témoins d’un ordre catholique, d’un régime de chrétienté, aussi allégé de dogmes et de morale dérangeante qu’il soit... Nous sommes témoins du Christ notre bien-aimé.

Nous avons vécu les jours saints en compagnie du Christ, nous nous sommes imprégnés généreusement de ce qu’il a vécu en sa dernière semaine. Je nous invite à continuer, à chercher à comprendre et à ressentir la vie du Christ dans tout ce qu’il a vécu, à travers une méditation régulière des évangiles. Lisons et méditons l’évangile, pour y trouver le Christ, comprendre ses réactions, ses émotions, son but et toute sa personne, comme nous pourrions nous passionner pour un ami exceptionnel.

Alors nous serons encore plus heureux d’être chrétiens, et nous en attirerons d’autres à notre genre de vie si original aujourd’hui et même contestataire : le genre de vie de ceux qui vivent de foi, qui s’appuient sur un Dieu qu’on ne voit pas mais qui nous aime tant et nous appelle à l’audace de l’amour et de la vie.