homélie de la fête du Saint-Sacrement

En multipliant les pains, Jésus nourrit toute une foule, il répond au besoin de tous ces gens. Assez vite par la suite il va essayer de leur faire comprendre que la nourriture c’est lui-même ; on le voit clairement dans l’évangile selon saint Jean, où Jésus dira : « je suis le pain de la vie » (Jn 6,35). Oui, ce qui répond à notre besoin profond, c’est que Jésus lui-même se donne à manger.

Jésus se donne à manger, mais plus encore il se donne à aimer. C’est bien de le manger avec la bouche, mais il faut surtout le manger avec le cœur. Car l’eucharistie, c’est le mémorial de la passion, et à nouveau aujourd’hui Jésus s’offre au Père par amour et se donne à nous par amour.

Imaginez que nous soyons kidnappés par de dangereux terroristes, et que quelqu’un viendrait et dirait : je vais donner ma vie pour toi, pour que tu sois libéré. D’un côté nous serions sûrement très touchés, mais nous risquons aussi d’être très gênés, surtout si nous découvrons que c’est quelqu’un de très important, bien plus encore que Barak Obama. Nous aurons sans doute envie de refuser, de dire : « il ne faut pas faire tout ça pour moi... » Et comment pourrait-il nous convaincre, celui qui veut nous sauver en donnant sa vie pour nous ? Peut-être en nous disant : « c’est parce que je t’aime que je veux faire cela ; laisse-moi faire cela pour toi, car je t’aime tant... Laisse-moi t’aimer à ce point ! » Alors nous nous laisserons peut-être faire, et il prendra notre place, et nous repartirons libre, mais le cœur tout serré car nous ne reverrons plus ce sauveteur qui nous aimait tant.

Avec Jésus c’est un peu comme cela, car il a voulu donner sa vie pour nous qui étions prisonniers du mal, et il l’a fait parce qu’il nous aimait. Mais c’est aussi différent de la petite histoire que je vous ai racontée : nous ne devons pas penser à Jésus le cœur serré parce que nous ne le reverrons plus ; il est vivant, et vient à nous souvent. Dans la messe, il nous rappelle ce qu’il a fait ce jour-là en mourant sur la croix par la main des soldats et de la foule, mais il ne fait pas que le rappeler : il nous visite encore, et il nous redit son amour en étant présent à nouveau.

Nous pourrions lui répondre avec dédain : il ne fallait pas faire tout ça pour moi... Mais vous comprenez à quel point ce serait déplacé. La meilleure réponse serait de répondre en lui rendant amour pour amour. Lui dire quelque chose comme : « je suis désarmé par ton amour pour moi ; je ne sais pas que répondre ; mais je veux t’aimer à mon tour, te donner une place digne dans mon cœur, dans mes pensées, dans mes centres d’intérêt. » C’est ainsi que Jésus se donne à manger, mais plus encore il se donne à aimer.

Pour nous rendre compte de tout cela, je vous propose un moment de silence pour nous rappeler un événement de notre vie où nous nous sommes senti aimé sans que nous le méritions. C’est une expérience bouleversante de se sentir aimé alors qu’on estimait ne pas mériter cet amour. Peut-être même avons-nous toujours refusé cela, ne voulant croire qu’à l’amour mérité ; alors c’est le moment d’accueillir cet amour que nous n’avons jamais osé accueillir... (silence) C’est ainsi que le Christ nous aime.

Un mot dit bien cela, c’est celui de communion. Nous communions à l’eucharistie parce que nous voulons nourrir le lien d’amour entre nous et le Christ. Si ce lien est abîmé, nous savons qu’il y a le sacrement du pardon pour cela ; mais pour entretenir le lien, c’est la communion, réelle ou de désir, qui le réalise.

Cette communion, ce n’est pas seulement entre Jésus et moi qu’elle s’établit. L’eucharistie se vit avec tout le peuple de Dieu, elle n’est pas une affaire privée (d’ailleurs, même un prêtre ne peut pas seul célébrer l’eucharistie, et ça n’aurait pas de sens que j’aie dans ma table de nuit ou ma chapelle privée la présence eucharistique pour pouvoir l’adorer à moi tout seul). Jésus l’Époux se donne à son Épouse Église, et c’est dans ce lien qui me dépasse que je le reçois. Alors je dis aussi merci à l’Église de me donner le Christ, et au cœur de l’Église je fais le vœu d’aimer le Christ de tout mon cœur et de le laisser transformer ma vie.