homélie de l’Épiphanie 2011

{joomplu:95}Quelle ingéniosité dans les fêtes de Noël et de Nouvel An pour apporter de la lumière quand le jour baisse ! Maintenant les lumières sont éteintes, mais nous avons tant besoin de lumière. Ce n’est pas pour rien que Dieu se présente comme lumière qui vient sur le monde. Il correspond à un besoin réel de l’homme.

Au point que des philosophes ont pu croire que Dieu était une projection de nos besoins. C’est une hypothèse que l’on ne pourra jamais écarter définitivement. Mais qui s’explique aussi si l’homme a un réel besoin du Dieu vrai et vivant, du Dieu qui est lumière. Dans le récit des mages, nous rencontrons tout homme qui cherche la lumière, qui la désire tellement qu’il est prêt à se confier à une étoile...

Aujourd’hui il y a de fausses étoiles partout, qui mènent à des bergeries de mort, à la drogue, à la pornographie, au suicide des jeunes, à la violence de l’argent ou du fondamentalisme et, plus subtilement, aux ténèbres de l’égoïsme banal de nos sociétés comblées.

Nous avons la grande mission de montrer l’étoile qui conduit au Christ ; et finalement de l’être nous-mêmes. Cette étoile elle se trouve dans la foi de l’Église, malgré ses péchés, dans les merveilles que la foi fait dans le cœur de ceux qui s’y livrent vraiment (quoi que c’est parfois difficile à voir, vu notre sale caractère, etc. Rappelez-vous l’histoire de la vieille religieuse acariâtre qui disait : vous imaginez ce que ce serait si je ne connaissais pas le Christ ?!!)

La sensibilité à l’étoile, à la lumière, à Dieu qui est lumière, elle se trouve chez chacun, bien que souvent éteinte par un raisonnement faux selon lequel ce n’est pas important de se positionner en matière de foi car il y aurait une voie moyenne entre foi et non-foi, une voie neutre et on peut vivre en la suivant, en mettant entre parenthèse la question de Dieu, en vivant comme si Dieu n’existait pas.

Il n’y a pas dans mon cœur une attente spéciale des ovnis ou du monstre du Loch Ness. Je peux vivre en me disant qu’il n’est pas important de tirer au clair le fait qu’ils existent ou n’existent pas. Mais il y a une attente spéciale de Dieu. Est-ce vrai ? Il suffit de regarder l’état de mon cœur lorsqu’il sombre dans l’insatisfaction, une vague colère, une vague rancune, tous signes qu’il est en panne de lumière divine. Il y a une attente spéciale de Dieu qui est lumière et je ne peux pas être neutre vis-à-vis de lui. Dès que je vis comme s’il n’existait pas, je me positionne. S’imaginer qu’il y a une voie neutre entre croire et ne pas croire, c’est s’imaginer qu’il y a une voie neutre entre voir et ne pas voir1.

Au contraire la science nous fait nous poser la question en des termes abrupts, car elle montre un univers ordonné, organisé, où les lois de la nature sont compréhensibles et simples. Einstein était stupéfait de constater que la force de gravitation est fonction du carré de la distance (pas la distance exposant 2,0000004 ou quelque chose du genre, non ! 2, tout simplement). L’univers est mathématisable. Ce n’est pas banal ; il y a fort peu de chance qu’il l’ait été. Alors nous devons nous positionner sur son origine : est-ce possible que le hasard chaotique ait créé un univers compréhensible, ou devons-nous penser qu’une intelligence créatrice en est l’auteur ? Une intelligence créatrice avec laquelle notre propre intelligence a une parenté...

« Nous, chrétiens, disons : “Je crois en Dieu le Père, Créateur du ciel et de la terre” — Je crois dans l’Esprit Créateur. Nous croyons qu’à l’origine, il y a le Verbe éternel, la Raison et non l’Irrationalité. Avec cette foi, nous n’avons pas besoin de nous cacher, nous ne devons pas avoir peur de nous trouver avec elle dans une impasse. Nous sommes heureux de pouvoir connaître Dieu ! Et nous nous efforçons de rendre accessible également aux autres la raison de la foi. »2

C’est ce genre de recherche un peu intellectuelle qui amène les mages à la crèche de Bethléem. Avant cela ils sont passés par Jérusalem, par l’ouverture de la Bible, l’intérêt pour l’héritage de la foi d’Israël. Ils ont fait de la catéchèse ! Et ils peuvent arriver à Marie et Joseph, découvrir Dieu dans un petit enfant, et s’agenouiller devant lui. Ce n’est pas la suite logique ; cela demande d’avoir un cœur qui n’a pas les genoux trop raides, un cœur qui peut renoncer à l’orgueil de la raison et de l’auto-justification pour adorer, pour s’émerveiller de Dieu comme un enfant. Le Verbe par qui tout a été fait, venons l’adorer en descendant dans notre cœur, en retrouvant un regard émerveillé, en lui faisant l’offrande de nous-mêmes !


1cf. Robert Spaemann, Réflexions sur la leçon de Ratisbonne du pape Benoît XVI, in Dieu sauve la raison, DDB 2008, p.131

2Benoît XVI, Homélie à Ratisbonne, sur l’Islinger Feld, 12 septembre 2006