Homélie de l’Ascension, 9 mai 2013

Combien{joomplu:178} de fois aurais-je voulu que l’Ascension n’ait pas eu lieu, que je puisse aller me rendre compte par moi-même des marques des clous dans la chair toujours vivante du Christ ! Et lui demander conseil en passant, le voir me parler, l’entendre de mes oreilles… Mais non, il n’y a que la foi, toujours la foi !

Pourquoi faut-il croire pour connaître Dieu et entrer en relation avec lui ? À première vue, cette nécessité de croire affaiblit celui qui s’intéresse à Dieu, car elle l’expose au doute. Invoquer la foi, n’est-ce pas une manœuvre pour dissimuler le caractère hypothétique de Dieu et plus encore le caractère invérifiable de ce que l’on dit de lui ? Ce serait quand-même plus simple si nous pouvions l’observer comme on scrute un spécimen d’une nouvelle espèce, pour finalement l’exhiber sous les yeux de ceux qui nous regardent comme des gens crédules ou arriérés !

Mais nous devons cheminer dans la foi, parce que Dieu n’est pas un organisme quelconque mais un être vivant qui est l’amour en lui-même. Tout rapport avec Dieu doit être une démarche d’amour. La froide observation ne voit rien, elle est aveugle à la « matière » divine car Dieu est fait de ce qui ne se vérifie pas hors de l’amour. Cela rend impossible la démonstration de Dieu. D’ailleurs quand je regarde notre connaissance de l’Univers je constate que Dieu a tout fait pour ne jamais être démontré  : il s’est caché derrière un Big-bang, il a fait advenir les espèces vivantes par les étapes d’une évolution, de sorte que jamais un scientifique ne pourra dire  : ici nous devons bien admettre que cette observation ne s’explique pas sans l’« hypothèse Dieu ».

Hors de l’amour je ne peux montrer Dieu, ni aux autres ni à ma propre raison. Dieu ne veut pas s’imposer comme un fait, il ne veut pas être prouvé scientifiquement, il ne veut pas qu’on le voie à la télévision non plus... Il veut être rencontré, recherché par amour, par un cœur qui accepte d’être intéressé par lui. La foi commence par un certain désir de Dieu, par une conscience que Dieu me manque, que ce que je cherche à travers telle ou telle expérience de la vie qui ne me comble pas, c’est Dieu.

Nous lisons dans l’Épître aux Hébreux « la foi est une manière de posséder déjà ce que l’on espère, un moyen de connaître des réalités que l’on ne voit pas » (He 11,1). Ainsi, la foi n’est pas d’abord incertitude et obscurité mais le moyen de connaissance propre aux choses de l’amour, car l’amour n’est visible que par celui qui accepte d’entrer dans la relation et d’y croire. Tant d’histoires d’amour jamais abouties nous le montrent. Par moment la foi ressemble à un effort, parfois surhumain. À d’autres étapes elle apparaît clairement comme un don de Dieu, quelque chose qui vient du dehors de nous et nous illumine. Mais toujours, la foi est concentration de notre capacité de relation, afin de nous rapporter au Père, au Fils et à l’Esprit sur le mode de l’amour, de l’adhésion confiante du cœur. À cause de cela, le choix de prier renforce la foi bien plus souvent que la foi nous pousse à la prière. Et nos questions sur Dieu s’éclairent lorsque nous acceptons de nous attacher indéfectiblement à lui. Saint Augustin ne nous encourageait-il pas à « croire pour comprendre et comprendre pour croire » ?

Il reste un écueil sournois  : que je m’attache à moi-même en train de croire et d’aimer plutôt qu’à Celui en qui je dois croire et que je dois aimer. Sans doute notre réaction à ce petit mot « dois » nous éclairera-t-elle sur ce point… La foi est aussi un chemin de purification de nos attentes et de notre manière d’aimer. Dieu ne peut être recherché que par un cœur qui accepte d’être purifié dans cette recherche de lui. Si Dieu veut être recherché par amour, il veut aussi échapper à toutes nos tentatives de mettre la main sur lui ; voilà pourquoi nous vivons avec lui dans la foi.