homélie du 5e dimanche de carême, 6 avril 2014

{joomplu:28}Parmi tout ce qui me frappe dans cet évangile, je voudrais relever ceci  : avant de partir pour Béthanie, tandis que Marthe et Marie s’af­fairent au chevet de leur frère mourant et puis n’ont plus que leurs yeux pour pleurer son décès, Jésus dit  : « Lazare est mort, et je me ré­jouis de n’avoir pas été là, à cause de vous, pour que vous croyiez. Mais allons auprès de lui ! » Puis lorsqu’il rencontre Marthe, puis Ma­rie et les juifs qui les accompagnent, lorsqu’il mesure leur peine, il est envahi de détresse, et il se met à pleurer. Et puis enfin le miracle peut se produire, et Lazare peut revenir à la vie — notez par ailleurs que Lazare n’est pas pour autant sorti de l’auberge, qu’il devra encore mourir, comme nous tous, mais pas cette fois-ci.

Au départ il y a la vérité toute nue  : Jésus peut sauver Lazare de la mort. Mais cette vérité n’a pas encore donné la vie, elle n’a pas en­core porté de fruit. Puis il y a la rencontre, et Jésus qui accueille en lui la tristesse de ses amies et de leurs proches. Jusqu’à en être boule­versé et pleurer à son tour. Enfin la vie peut vraiment être donnée et Lazare ressusciter. Cette vie qui ne jaillit pas seulement de l’amitié, elle vient de Dieu, c’est Dieu qui la donne, mais elle ne peut éclore que dans la rencontre, une rencontre qui ne fait pas l’impasse sur la souffrance. À notre tour, lorsque nous allons à la rencontre des gens en osant accueillir leur souffrance, sans faire de pirouettes pour élu­der les vraies peurs, les vraies détresses, nous permettons à Dieu d’agir et de donner la vie. Le contraire est vrai aussi, chaque fois que nous avons fui la personne qui souffre. Je repense à cette phrase de Benoît XVI  : « La mesure de l’humanité se détermine essentiellement dans son rapport à la souffrance et à celui qui souffre. […] Une société qui ne réussit pas à accepter les souffrants et qui n’est pas capable de contribuer, par la compassion, à faire en sorte que la souffrance soit partagée et portée aussi intérieurement est une société cruelle et inhu­maine. » (Benoît XVI, Spe salvi, № 38) La personne tentée par l’eutha­nasie parce qu’elle vit dans la solitude une existence de détresse ou qu’elle craint d’être un poids pour les autres a besoin que nous por­tions avec elle sa souffrance. La maman qui pense à avorter de son enfant parce qu’elle ne voit pas comment accueillir cette vie compliquée a besoin de notre proximité pour oser l’avenir. Bien sûr l’orgueil peut faire refuser l’aide, mais elle doit être offerte avec une qualité amicale. Pas avec condescendance, mais avec amitié.

Qui nous donnera la force et l’audace d’aller près de celui qui souffre ? Si nous ne savons pas comment être ni que dire, c’est le mieux, car ainsi nous irons pauvres et le Seigneur pourra agir. Demandons tout Jésus, car c’est lui qui porte le monde, c’est lui qui veut rejoindre chacun, c’est lui qui peut faire des miracles. C’est lui qui rendra fécondes nos rencontres, c’est lui qui donnera bien plus que ce que nous possédons. Il nous suffit d’être là, le cœur ouvert. « Seigneur, agrandis notre cœur, pour que ceux qui souffrent puissent t’y rencontrer et que tu les sauves ! »