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S’aimer les uns les autres, oui mais comment ?

— Professions de foi du 6 mai 2007 —

Nous sommes après Pâques, et pourtant l’évangile du jour nous ra­conte un événement qui se passe tout juste avant la Passion de Jé­sus. À première vue c’est étrange de lire cela maintenant, mais en fait, Jésus est là en train de préparer l’avenir : il veut donner à ses disciples des indications pour poursuivre son œuvre : comment vont-ils être ses amis dans la vie du monde ?

Que leur dit-il ? « Comme je vous ai aimés, vous aussi aimez-vous les uns les autres. Ce qui montrera à tous les hommes que vous êtes mes disciples, c’est l’amour que vous aurez les uns pour les autres. » Nous accueillons tous cette demande en nous disant : Seigneur, comment est-ce que je dois aimer ? Parfois nous pensons que aimer c’est être gentil. Vous avez pourtant déjà entendu que Jésus n’est pas toujours gentil avec les gens à qui il s’adresse : il les secoue, il les interpelle durement, il critique leur façon de penser.

Parfois, aimer c’est être gentil, mais parfois c’est ne pas faire plaisir, comme parfois quand vos parents vous refusent quelque chose. Ils ne le refusent pas toujours parce qu’ils sont égoïstes, mais parce qu’ils voient que votre bien n’est pas dans ce que vous demandez. Là, ils vous aiment mais vous ne les trouvez pas gentils. Parfois, vous les enfants vous vous trouvez aussi dans des situations semblables. Aimer un ami, c’est parfois s’opposer à lui, dire qu’on n’est pas d’ac­cord avec sa façon de faire.

Nous savons assez facilement ce que « être gentil » veut dire dans la vie courante. Mais comment est-ce que je saurai que j’aime si aimer ce n’est pas la même chose que être gentil.

Je pourrais vous dire qu’on aime lorsqu’on est libéré de toute pré­tention égoïste et de l’orgueil, mais ça serait vous mettre sur les épaules un fardeau impossible à porter, car au moment où nous nous disons : j’aime d’un amour parfaitement généreux, nous ne sa­vons pas si nous ne sommes pas en train de nous faires des illusions pieuses, si nous ne sommes pas la proie de notre orgueil, si nous ne sommes pas en train de caresser notre belle image idéale de nous-mêmes.

Une seule référence possible : aimer comme le Christ aimerait. Jésus nous a demandé, non pas d’une façon abstraite : « aimez-vous les uns les autres », mais d’une façon très concrète, en faisant référence à sa personne : « comme je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres ». Quand nous cherchons à aimer quelqu’un, notre frère, notre conjoint, notre collègue, nous ne pouvons dire qu’une chose vraiment intelligente : « je veux essayer de t’aimer maintenant comme Dieu t’aime ».

Voilà une des grandes raisons pour laquelle nous les chrétiens nous nous rassemblons si régulièrement à la messe : pour découvrir jour après jour comment Jésus aimait. Car on ne peut pas se faire une idée une fois pour toutes de comment Jésus aime. Il faut se le de­mander souvent, au fur et à mesure que la vie nous confronte à des défis nouveaux. Semaine après semaine, si notre cœur ne s’éteint pas, nous nous demandons : comment puis-je aimer telle personne de mon entourage aujourd’hui qu’elle s’est comportée comme cela avec moi ? Et semaine après semaine nous avons besoin de nous res­sourcer tout près du cœur de Jésus, dans cette eucharistie, pour re­découvrir que le Christ aimait comme ceci ou comme cela. C’est un très bon truc pour se disposer à lire l’évangile que de se dire : je vais découvrir comment Jésus aimait.

À travers tout cela vous voyez bien que la foi chrétienne, ce n’est pas une morale ni même des valeurs ; ce n’est pas un « tu dois faire cela, tu ne peux pas faire ceci ». La foi chrétienne, c’est la vie avec un ami qui nous invite à l’imiter, un ami étonnant, déroutant par­fois, mais dont le cœur est si riche. Que le Saint Esprit aujourd’hui nous rende curieux de connaître le cœur du Christ ! Nous ne serons pas réduit à le connaître de loin, car bientôt nous recevrons dans nos mains le corps du Christ et nous pourrons lui unir notre cœur. Puissions-nous dire intérieurement, quand nous recevrons la com­munion ou que nous la contemplerons : je veux t’aimer, toi qui m’apprends à aimer.