Qui me donnera ma place ?
— homélie de la messe des étudiants du 30 mai 2007 —
Qu’est-ce qui a pris les apôtres pour réagir ainsi ? Elle paraît tellement incroyable, la distance entre les propos de Jésus et ceux des apôtres. Mais aussi compréhensible, comme s’ils se disaient : si tu pars, quelle place aurons-nous ? Ce n’est pas n’importe quels apôtres qui demandent ça, mais Jacques le premier apôtre martyr, décapité en 44 par Hérode, et Jean le disciple proche du cœur de Jésus...
Quelle place aurons-nous ? De tous temps et partout les hommes ont cherché à avoir une place dans le monde. Certains accumulent des terres, d’autres des fortunes, d’autres gravissent avec énergie les échelons du pouvoir... D’autres cherchent à acquérir à tout prix une place dans le cœur des personnes. Tous nous avons besoin d’une place dans le monde. Jacques et Jean ne demandent pas d’être empereurs ni millionnaires, ils demandent de siéger tout proche de Jésus qui vient d’annoncer sa passion : ils veulent être ses adjoints directs, et sont prêts à en payer le prix, à boire la coupe que Jésus boira.
Les dix autres s’indignent contre Jacques et Jean mais j’ai tendance à croire que ce n’est pas une indignation de bon aloi : ils s’indignent peut-être contre l’audace de la demande, de ce que d’autres cherchent à s’emparer d’une place qu’ils espèrent leur revenir aussi.
Tant Jacques et Jean que les autres apôtres risquent de chercher la première place. Dans le monde, cette recherche conduit à toutes sortes de dominations et d’injustices. Jésus voudrait montrer un autre chemin, un chemin plus audacieux : le plus grand sera celui qui sert.
C’est le seul chemin qui pourra faire vivre en paix tous les hommes, sans que les uns convoitent la place des autres. C’est le seul chemin qui permet d’appliquer le commandement de l’amour. Si tu veux une place dans le monde, mets-toi au service des autres, et ta place sera celle du Fils de l’homme lui-même. Mais qui me permettra d’oser prendre ce chemin ? Car j’ai besoin d’une place, c’est un besoin vital ! C’est ici que la foi change tout, qu’elle me permet de prendre un risque qu’humainement je refuserais. Mon besoin d’avoir une place, je compte que c’est le Père qui me l’assure. Je ne cherche pas à conquérir une place au détriment des autres, en les mettant à mon service... je ne cherche même plus à prendre en otage le cœur de ceux que je sers, ce qui est une autre façon de mal chercher la première place... non : ma place en ce vaste monde est celle que Dieu mon Père me donne. Son amour est le cadre dans lequel je peux vivre en ayant ce dont j’ai besoin. Alors, ma place sera grande comme Dieu ; j’aurai trouvé une belle place !
Seigneur, donne-moi de penser à utiliser la place que tu me fais en toi, pour que je puisse me poster dans l’existence comme celui qui sert.