homélie du 2e dimanche de carême 2024

Si souvent, nous avons l’impression de marcher dans la nuit. Des choses arrivent dans notre vie que nous ne comprenons pas. Nous nous sentons abandonnés de tous, et même de Dieu en qui pourtant nous avons mis notre foi. Et lorsque nous prions, rien ne vient, nous avons l’impression de rester seul ; il n’y a ni paix ni consolation, ni encore moins une idée de comment sortir de ce marasme.

L’expérience d’Abraham, notre père dans la foi, cette expérience du sacrifice d’Isaac, peut nous guider (Gn 22). Que se passe-t-il ? Ce fils tant attendu, ce fils donné de Dieu, voilà que Dieu demande de le lui offrir en holocauste. Abraham aurait bien pu répondre : « Seigneur, c’est ici que nos chemins se séparent. Il est temps que je réalise mon bonheur par moi-même. Je vois bien que tu ne fais que rétrécir ma vie… » Au contraire, Abraham continue de marcher avec Dieu, même si cela doit être d’un pas si pesant. Il pouvait faire autrement. Mais il s’attache au Seigneur de tout son cœur. « Dieu saura bien trouver une solution » dira-t-il à son fils. C’est le fond de son cœur.

Ce chemin de foi, vous êtes beaucoup à l’avoir déjà parcouru. Je me dis que ce serait beau qu’on écrive un petit livre paroissial de témoignages, les trésors de fidélité des uns et des autres. Si quelqu’un se sent l’âme d’un rédacteur, voire d’un interviewer, qu’il me le dise. Ce serait instructif pour beaucoup et soutenant pour tous, de savoir comment nous avons traversé ces moments où on ne comprend plus rien, où la belle assurance du début a disparu, où on a été très tenté de tout laisser là… Mais nous avons continué à marcher, et nous sommes là, ou nous commençons à revenir !

Heureusement, dans notre vie, il y a aussi des épisodes où Dieu est clairement là, et nous ressentons son amour posé sur nous. Ce sont des moments de joie et de paix au-delà de nos réussites terrestres, des moments où les choses de Dieu ont plein de goût pour nous.

Jésus offre un tel moment à quelques-uns de ses apôtres (Mc 9), en prévision de la grande épreuve de sa passion et de sa mort sur la croix. Voilà, sur la montagne, un moment où tout est très clair : la gloire de Jésus, l’appui des deux grands piliers de la foi, Moïse et Élie, la voix dans la nuée — encore que c’est quand même une nuée !

Et puis on retourne dans la marche de la foi : les apôtres descendent de la montage « tout en se demandant ce que voulait dire “ressusciter d’entre les morts” ».

Alors, finalement, qu’est-ce que c’est, vivre de foi ? Vivre de foi c’est laisser des réalités qui nous dépassent gouverner notre vie. Car notre vie est faite pour plus que ce que nous pouvons expérimenter directement par le toucher, par le voir, par le sentir. Vivre de foi, ce n’est pas vivre dans l’irréel, c’est vivre dans le plus que réel, dans un réel plus vaste, qui peut agrandir notre vie, nous donner d’affronter sans peur nos limites.

Vivre de foi, c’est traduire en actes le fait que nous ne comptons pas que sur nous-mêmes. Nous savons que s’il n’y a que nos propres forces nous ne pouvons que rétrécir notre vie, nos espérances, ou bien nous durcir, nous affadir. Mais par la foi nous pouvons marcher dans une confiance inébranlable, parce que nous accueillons cette vérité : « Dieu est pour nous » (Rm 8,31).

Nous ne sommes pas perdus et seuls, mais nous sommes sauvés. La foi nous le dit, et chaque jour, par chaque acte de foi, ce salut s’actualise dans notre vie. Terminons cette petite méditation par l’acte de foi : « Mon Dieu, je crois fermement toutes les vérités que tu m’as révélées et que tu nous enseignes par ta sainte Église, parce que tu ne peux ni te tromper ni nous tromper. Amen. »