homélie du 5e dimanche B, 8 février 2015

Jésus proclame{joomplu:207} l’Évangile, qu’on traduit souvent par « Bonne Nouvelle », mais qu’est-ce que c’est au juste la Bonne Nouvelle ? On pourrait penser que c’est ce que vivent les habitants de Capharnaüm, où Jésus guérit les malades et chasse les démons. Pour nous, la Bonne Nouvelle ce serait une vie prospère, sans maladie grave, sans menace inquiétante ; vivre au moins jusque 95 ans en pleine forme, pouvoir réaliser ses projets, etc.

Mais si c’est cela la Bonne Nouvelle, alors beaucoup de gens de Capharnaüm sont passés à côté, car Jésus les a quitté avant d’avoir fini son travail (Mc 1,37). Bien sûr, c’était pour une bonne cause, c’était pour proclamer aussi l’Évangile dans les villages voisins. Mais en laissant tant de déçus derrière lui…

Cet événement nous pousse à accepter que les guérisons et autres satisfactions venant de Dieu ne résument pas la Bonne Nouvelle. Obtenir une réussite ou une protection de Dieu n’est qu’un signe, un signe facultatif d’une nouvelle encore meilleure et plus certaine. Une sorte de clin d’œil (ou de clin Dieu) d’un amour qui voit plus loin. Saint Paul se décarcasse pour annoncer l’Évangile et nous voyons à son comportement que cet Évangile en vaut vraiment la peine. Il a accepté de tout perdre pour lui, parce qu’un grand amour l’a saisi, comme il dira ailleurs : « je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ma vie aujourd’hui dans la condition humaine, je la vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré pour moi » (Ga 2,20).

Nous qui avons une vie difficile sur la terre, nous qui nous demandons comme Job pourquoi la souffrance nous accable et accable ceux que nous aimons, pourquoi certaines situations ont l’air sans issue, nous relevons la tête et nous voyons le Christ qui nous tend son cœur : nous ne sommes pas perdus mais nous sommes aimés de Dieu, de Dieu qui n’a pas hésité à nous donner son Fils, et nous sommes aimés de ce Fils qui n’a pas hésité à donner sa vie pour nous.

Voilà l’Évangile, qui atteint tous les hommes et non pas seulement quelques privilégiés de Capharnaüm : Dieu s’est approché de l’homme, il n’est pas resté assis sur le rebord du monde. Et même la mort qui semble boucher l’horizon de chacun, cette mort a été vaincue. Nous allons contempler le corps du Christ qui s’est livré pour nous par amour, mais ce n’est pas le corps d’un mort : c’est le corps d’un vivant, et d’un vivant qui nous ouvre la vie sans limite. L’Évangile donne un relief extraordinaire à notre vie, il fait venir dès maintenant une joie qui est celle du monde nouveau, une présence qui est celle d’un amour vraiment donné. Et si nous y acquiesçons cela n’ira qu’en augmentant jusqu’au moment de franchir la mort et d’entrer dans la vie éternelle.

Cet Évangile change nos rapports mutuels, car le cœur touché par l’amour de Dieu ne peut plus se retenir, il veut saisir tous ses frères dans cet amour, il veut partager les soucis de l’autre afin de partager aussi la vie divine avec lui. La Bonne Nouvelle n’est pas celle d’un amour privé entre Dieu est moi mais d’un amour qui saisit toute l’humanité et auquel chacun doit participer : « celui qui n’aime pas son frère, qu’il voit, ne saurait aimer le Dieu qu’il ne voit pas » (1Jn 4,20).