homélie du 32e dimanche C

{joomplu:563} Aujourd’hui une minorité de gens croient qu’il y a une résurrection des morts. Il paraît que cela fait 10% de la population et seulement 13% de ceux qui se disent catholiques. Nous venons d’une époque, maintenant assez lointaine, où la considération de la vie éternelle guidait les décisions même des plus grands de ce monde. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. À l’époque de Jésus nous constatons que les avis sont partagés. Une partie des Juifs se placent dans la ligne de ce que nous avons entendu dans la lecture du livre des Martyrs d’Israël : ces 7 fils qui ne craignent pas de rester fidèles à leur foi au péril de leur vie, affirmant que se préparer à la résurrection était plus important que chercher à sauver sa vie maintenant. D’autre part il y a ces sadducéens, des Juifs qui nient qu’il y a une résurrection des morts. Pour eux, c’est un bonheur terrestre que Dieu donne, et puis c’est tout.

Jésus prend clairement parti contre eux, et affirme la résurrection. Dans les Béatitudes il encourage en parlant de notre récompense dans les cieux. Bientôt il rendra la résurrection possible, même pour les pécheurs qui se repentent de leur inconduite. Bientôt il donnera sa vie pour que tous ceux qui s’attachent à lui trouvent la vie éternelle. Et maintenant il explique que nous serons enfants de Dieu, enfants de la résurrection, et semblables aux anges.

Devenir semblables à des anges, n’est-ce pas une réduction de notre identité, nous qui sommes faits de chair et d’âme ? Car si notre corps nous fait parfois souffrir, s’il nous accapare parfois loin de Dieu, est-ce tellement souhaitable de ne plus en avoir comme c’est le cas pour les anges ? Devons-nous penser comme les anciens Grecs qui considéraient que le corps est un tombeau dans lequel l’âme est un jour tombée et duquel elle devra être libérée pour enfin s’épanouir et devenir elle-même ? Au contraire, dans le Credo nous disons : « je crois à la résurrection de la chair », et nous l’affirmons parce que les premiers chrétiens ont vu de leurs yeux et touché de leurs mains cette chair du Seigneur ressuscitée. Il y a un prototype, un exemple de l’homme ressuscité : c’est le Christ relevé d’entre les morts, lui qui a laissé son tombeau vide, lui qui a dit aux disciples : « touchez-moi, rendez-vous compte qu’un esprit n’a ni chair ni os, comme vous voyez que j’en ai » (Lc 24,39).

Au dernier jour, nous aurons donc bien un corps, un « corps spirituel » (1 Co 15,44), un « corps de gloire » (Ph 3,21), qui « ne peut plus mourir » (Lc 20,36). Cela nous donnera une certaine ressemblance avec les anges, bien que les anges n’ont pas de corps du tout. On ne prendra ni femme ni mari, car on ne peut plus mourir, dit Jésus. Qu’est-ce que cela veut dire ? Pour les époux il n’y aura plus de vie sexuelle comme sur la Terre, car il y aura une façon plus grande de se donner l’un à l’autre, une façon éternelle, sans limite : ce sera en accueillant ensemble le don incroyable que Dieu nous fera de lui-même, et en étant capables de répondre à ce don par un don en retour, un don de notre si petite personne devenue grande, divinisée. La composante égocentrique de la vie sexuelle devra mourir pour la vie éternelle, et si nous ne l’avons pas fait mourir sur la terre en vivant la chasteté comme l’Église nous le propose — chacun selon son état de vie, la chasteté des gens mariés n’étant pas la même que la chasteté des célibataires — nous aurons à le faire dans le purgatoire. Pour l’autre composante de la vie sexuelle, celle qui est faite de don de soi dans la pureté et l’amour, elle s’épanouira dans la vie des corps glorieux à la face de Dieu. Alors, « ne prendre ni femme ni mari », au lieu d’une expérience en retrait par rapport à la vie terrestre, ce sera une expérience plus grandiose et délicieuse. Rien de ce qui est grand dans nos vies ne nous sera enlevé, mais plutôt magnifié encore.

Pour finir, revenons à des considérations plus terre à terre. Vous avez perçu que la pensée de la résurrection nous conduit à traiter autrement notre corps dès cette vie. Ne regardons jamais notre corps comme ce que nous avons, mais bien ce que nous sommes. Ne regardons jamais le corps de l’autre comme un objet dont nous pouvons plus ou moins disposer avec sa permission. Chaque personne est sacrée dans son âme et dans son corps, appelée à partager la vie de Dieu avec nous. Et Paul Claudel, sur sa tombe, a fait écrire cette épitaphe : « ici reposent les restes et la semence de Paul Claudel ». Prenons-en de la graine !