homélie du 2e dimanche de Pâques, 16 avril 2023
{joomplu:565} Nous sommes frappés de la vitalité de la première communauté chrétienne : « chaque jour, le Seigneur leur adjoignait ceux qui allaient être sauvés », nous dit le texte des Actes des apôtres. Il était encore très frais dans la mémoire, l’événement par lequel Dieu avait vaincu la mort par la fidélité de son Fils bien-aimé jusqu’à la croix. Le mot « être sauvé » avait un contenu très concret : obtenir le pardon de ses péchés, recevoir le don de l’Esprit Saint, participer à la vie qui s’était révélée dans le Seigneur Jésus. Ils étaient du côté du Vivant, plus rien ne menacerait désormais leur existence, la vie éternelle leur était ouverte. Les biens matériels devenaient si relatifs devant cette grande vie qui s’ouvrait que c’était naturel de tout mettre en commun. La promesse de vie que Dieu avait réalisée balayait toutes les inquiétudes.
Une trentaine d’années plus tard, saint Pierre encouragera la foi des destinataires de sa lettre : votre foi est plus précieuse que l’or ; elle vous donne une vivante espérance, un héritage resplendissant dans les cieux, et vous exultez déjà d’une joie inexprimable : « vous allez obtenir le salut des âmes qui est l’aboutissement de votre foi » (1 P 1,9). Le contexte dans lequel il leur dit cela est loin d’être confortable : vous êtes affligés par toutes sortes d’épreuves, dit-il. Plus loin il dira : résistez avec foi à votre adversaire le diable, qui essaie de vous effrayer, « car vous savez que tous vos frères de par le monde sont en butte aux mêmes souffrances » (1 P 5,9).
La foi permet donc de vivre anticipativement des merveilles de la vie éternelle. Parfois, notre vie aujourd’hui nous satisfait, parce que nous nous contentons de très peu ou parce que nous arrivons à nous distraire suffisamment. Mais tôt ou tard l’étroitesse de la vie sur terre nous apparaît, et ses limites, et aussi les blessures dont nous avons hérité et celles que nous avons infligées. Nous pouvons choisir de fermer les yeux sur tout cela, nous distraire encore, ou nous pouvons choisir le salut. C’est ce que nous propose la foi. Et de ce que nous avons découvert aujourd’hui, nous comprenons que la foi est bien plus que la croyance qu’il y a bien une aide à recevoir d’en haut. La foi ne nous aide pas à réussir ce que nous nous fixons, grâce à un coup de pouce du ciel, mais elle change toutes nos priorités, elle effectue une révolution dans notre vie, elle demande à Dieu : montre-moi ce qui est important dans la vie !
D’où vient cette foi si précieuse et révolutionnaire ? Dans les rencontres de Jésus ressuscité avec ses apôtres, nous assistons à la naissance de la foi. « Parce que tu m’as vu, tu crois. Heureux ceux qui croient sans avoir vu ! », dit Jésus ressuscité à Thomas qui voulait voir la marque des clous et mettre la main dans le côté de Jésus. Le Seigneur inaugure le régime de la foi, mais toute la scène qui se passe avec saint Thomas nous montre qu’il ne peut pas y avoir la foi sans un événement tangible, sans une preuve initiale de la validité des promesses de Dieu. Heureuse Église dont la foi repose sur ce que les apôtres ont vu, constaté, touché ! Il ne faut pas opposer la foi aux preuves, car la foi ce n’est pas la crédulité. La foi cherche des preuves, mais pas n’importe comment. Ce qui est le contraire de la foi c’est l’inconstance, la mémoire courte, le repli sur soi, le cynisme, etc. Cela conduit au doute et l’entretient. Alors, la foi se vide et meurt. Mais la rencontre de Jésus avec les apôtres nous montre comment naît la foi et comment l’entretenir.
La foi s’allume soit en voyant l’œuvre de Dieu, soit en rencontrant un témoin digne de foi, ou par un mélange de ces deux causes. C’était ainsi du temps des apôtres, et cela continue aujourd’hui. C’est comme cela qu’est née la foi dans le cœur des néophytes baptisées lors de la Nuit pascale. C’est ainsi que la foi naît de la lecture de saint Augustin, de la participation à une veillée de prière, d’un miracle vécu… L’écho que cet événement ou cette rencontre aura en nous sera déterminant pour la suite : avons-nous ressenti une illumination intérieure, une joie qui vient d’au-delà de nous, un amour qui nous saisissait ? Alors c’est l’Esprit Saint qui nous parlait et venait poser son sceau sur notre cœur. Comme cela s’est passé pour les apôtres : « la paix soit avec vous… recevez l’Esprit Saint… » Le croyant qui a reçu cette marque intérieure de l’Esprit doit alors se mettre au travail pour faire souvent mémoire de cela, régler sa vie sur cette manifestation de Dieu, revenir aux fondements autant de fois qu’il le faudra. Si nous faisons ce travail de mémoire, de célébration de Dieu, alors notre foi grandira, elle deviendra le pivot de notre vie, l’axe autour duquel tout peut s’articuler et trouver sa place. Nous serons vraiment libres ; plus rien ne nous fera peur. Seigneur, donne-nous la foi !