homélie du Jeudi saint 2024

Qu’est-ce que ce geste du Christ, perdu dans l’immense souffrance de l’humanité ? Il donne sa vie, mais ce n’est qu’une vie, une vie perdue au milieu de tant d’autres, comme au Congo, à Gaza, en Haïti ou en Ukraine. Qu’est-ce que ce geste du Christ ? Nous sommes ici parce que ce geste a changé le cours de l’histoire, pour toujours. Et ceci parce que d’une part la vie du Christ était une vie spéciale, et que d’autre part il nous permet de lui unir tout ce que nous-mêmes vivons. Détaillons cela.

La vie du Christ est une vie spéciale, car il est le fils de Dieu, celui qui est venu de Dieu et qui connaît vraiment le Père, celui par qui tout a été fait, celui qui est la lumière du monde. Personne ne peut réellement imaginer combien le Seigneur est grand. Mais ensuite, quand nous pensons à sa puissance, quand nous voyons les miracles éclatants qu’il a faits ponctuellement, nous nous mettons à rêver qu’il sauve le monde d’une manière tonitruante. Il aurait pu user de force, contraindre toute forme de mal à abdiquer, à s’effacer, à disparaître. Là, nous aurions vu que le monde était sauvé ! Nous ne devrions plus affronter les doutes en nous et autour de nous qui susurrent : où est-il ce salut, devant ces guerres, ces abus, ces injustices, ces mensonges qui détruisent les gens ?

Mais ce n’est pas par force et contrainte que Dieu a décidé de sauver le monde. Sans doute car cela ne convient pas à l’amour de s’imposer par force et contrainte. Alors le Père et le Fils choisissent de sauver le monde par le Christ donnant sa vie. Au cœur de l’angoisse de cette dernière nuit, dans les profondeurs de son âme, Jésus désamorce le pouvoir du mal. Le don de sa vie renverse le mal car il est le seul qui ne devait jamais mourir, il est le seul qui fait vraiment de sa mort un don d’amour puissant.

Sachant cela, revenons à notre question : quelle est la solution aux problèmes du monde ? Nous attendons un nouveau sauveur, un personnage charismatique qui sortirait de je ne sais quelles urnes ou coup d’éclat. Ou nous n’attendons plus rien et nous nous résignons dans une petite vie centrée sur ce que nous avons réussi à acquérir. Mais la solution est de donner notre vie à notre tour. « C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous », vient de nous dire le Seigneur Jésus. Comment donner notre vie ? C’est assez simple.

Nous donnons notre vie humblement, dans le service quotidien, de sa famille, d’un vieux parent, d’un voisin dans le besoin. Dans une association comme la Conférence Saint-Vincent de Paul ou les Visiteurs de malade. Nous donnons aussi notre vie humblement, dans le combat contre la tentation, qui parfois nous serre si fort, dans le combat pour la miséricorde, pour la pureté, pour la justice, qui est parfois si lourd, car l’adversaire aime nous tenir dans ses filets et rage quand nous lui échappons.

Nous accomplissons à notre petite échelle un service de la lumière, et cela semble une goutte d’eau dans la misère du monde, mais le Christ nous donne d’unir ce service au sien. Notre combat change la vie de notre entourage, il fait reculer la souffrance, il nous rend meilleurs. Et je veux redire, pour le voir souvent, combien l’amour généreux fait reculer la souffrance ! Mais le Fils de Dieu donne à notre combat quotidien un retentissement encore bien plus large. Il faut le dire : notre geste sauve le monde.

Et quand il manque ? C’est le monde entier qui va moins bien. C’est pourquoi nous allons nous confesser : notre péché n’est pas qu’une affaire privée entre Dieu et nous, mais il concerne tout le témoignage de l’Église et ce grand mouvement que le Seigneur souhaite vers le salut. C’est cet élan que nous voulons restaurer après l’avoir brisé par notre égoïsme. Encore une fois, en comptant sur la force incroyable que le Christ a déployée en donnant sa vie dans cette dernière Cène et sur la croix.

Béni sois-tu, Seigneur, de nous entraîner à un avenir radieux parce que tu es là et que nous pouvons donner notre vie à ta suite !