homélie de la veillée de Noël, 24 décembre 2022
{joomplu:525} Est-ce qu’il y a un Dieu, et est-ce qu’on peut compter sur lui ? C’est une question que beaucoup de gens se sont un jour posée, et à laquelle ils ont souvent répondu « non ». Et s’ils en sont arrivés là, c’est principalement à cause des épreuves de la vie, de l’irruption de la souffrance dans la vie des hommes — et spécialement celle des innocents. Où est Dieu ? Est-ce même respectueux pour ceux qui souffrent de penser qu’il existe ? Nous pouvons réfléchir à cela en essayant d’imaginer la situation du peuple de Dieu dont nous a parlé Isaïe. Jérusalem méritait le nom de « Délaissée » et de « Désolation », nous dit le prophète. Parfois, nous pensons que nos vies aussi pourraient bien s’appeler « désolation » ou « abandon ». Nous nous sentons seuls avec nos problèmes, et il n’y a rien de pire que de se sentir abandonné devant quelque chose d’apparence insurmontable.
Alors, qu’est-ce que le prophète a encore à dire ? Il dit qu’il ne sera tranquille que quand la justice brillera aux yeux de tous. La justice, dans la Bible, ce n’est pas seulement la réparation d’une injustice subie, mais c’est le bonheur de se sentir ajusté, reconnu à sa juste valeur. Et quelle est cette juste valeur : c’est qu’au lieu d’être délaissé, je suis choisi ; c’est qu’au lieu d’être oublié, je suis préféré. Bref, j’ai du prix pour mon Dieu ! Le prophète ne sera content que quand Jérusalem aura compris qu’elle a du prix pour Dieu, à l’image d’une fiancée pour son fiancé.
À celui qui se sent seul et abandonné, Dieu vient dire : mon cœur cherche ton cœur. Mais aussitôt on pourra se dire : comment puis-je savoir que ce n’est pas seulement une histoire de mots, un conte, un beau roman ? C’est là qu’il est temps de se rappeler la suite des lectures et d’avoir un peu de mémoire. C’est comme ça que vit un chrétien : il se souvient de ce que Dieu a fait et il change sa vie en fonction de cela. Au lieu de vivre dans l’inquiétude et la peur de manquer, il s’appuie sur la fidélité de Dieu pour avancer. Alors, avec saint Paul, il se rappelle comment Dieu a fait sortir son peuple de la servitude en Égypte, et comment il a donné un roi puissant qui a été comme un abri pour son peuple : David, le petit berger. Et que bien plus tard est venu un sauveur, selon la promesse de Dieu.
Le chrétien se souvient de tout cela, et alors il commence à se dire : je ne suis pas seul, je ne suis pas abandonné : le sauveur est venu, il est là. Il me reste une chose à faire : l’accueillir. Voilà, c’est cela : accueillir le sauveur qui s’approche de ma vie et veut me faire comprendre à quel point il m’aime. Aujourd’hui nous avons un modèle pour la façon d’accueillir le sauveur : c’est saint Joseph, qui doit tout d’un coup faire de la place dans sa vie à un petit bébé qui ne vient même pas de lui, mais de l’Esprit Saint. S’il l’accueille, il passera sa vie avec l’Emmanuel, celui dont le nom veut dire « Dieu avec nous ». Il passera sa vie avec un enfant qu’il nommera « Jésus », c’est-à-dire « le Seigneur sauve ». Ah oui, quel bonheur de partager sa vie avec celui qui porte avec lui cette certitude : Dieu sauve ! Je ne suis plus abandonné… Ma vie ne se perdra jamais.
Il y a un Dieu, qui ne nous laisse pas seuls, qui veut nous faire comprendre à quel point il nous aime. Chouette ! Mais pour l’accueillir, quel déménagement ! Quelle perte de nos repères ! Quel saut dans la confiance ! Je vous souhaite de pouvoir le faire. Je vous souhaite de faire une confiance énorme au Seigneur, en misant sur la prière, sur les sacrements, sur la générosité avec tous ceux qui sont dans le besoin. Que notre vie à chacune, à chacun, quitte tout ce qui est superficiel, exagérément distrayant, pour plonger dans ce qui est profond et qui rassasie vraiment notre âme, le plus profond de nous. Revenons à Jésus, dans la messe, dans une prière prolongée et dans le partage. Nous ne mériterons plus jamais d’être appelé « délaissé », mais bien plutôt « choisi », « préféré », « sauvé ».