Eh bien, pourquoi pas ? N’y a-t-il pas là une conviction fondamentale du christianisme : ce n’est pas par nos efforts que nous conquérons Dieu, que nous le méritons ? C’est lui qui produit en nous le vouloir et le faire (Ph 2,13). Bien sûr, nous ne trouverons la vie qu’en revenant au Seigneur. Mais nous ne pourrons pas le faire s’il ne vient pas à nos devants. Se convertir est une grâce à demander. En régime chrétien nous ne disons pas : Seigneur, attends que je change, et je viendrai à toi… mais : Seigneur, je viens à toi, et je te demande de me changer afin que je sois plus proche de toi, plus fidèle, plus intime, plus vivant.
Cette intimité avec Dieu, qu’il produit lui-même en nous — et c’est au prix de la vie de son Fils qu’il la produit en nous —, nous permet de comprendre le vrai sens de notre vie et de savoir comment traverser les épreuves présentes et à venir. Je vous parle d’épreuves, parce que les autres lectures nous parlent de la venue du jour du Seigneur, qui surviendra à l’improviste, et qui demande de notre part une ferme persévérance jusqu’à sa venue. Le jour du Seigneur est un jour merveilleux, car il établira pour toujours la justice et la vérité dans l’amour, pour tous. Mais ce sera également un jour terrible, car beaucoup de forces dans le monde s’opposent à cela. Les amis de la paix et de la vérité prennent souvent des coups. C’est ainsi depuis que le monde est monde, mais cela ne pourra qu’aller croissant au fur et à mesure que le jour du Seigneur approche. Il n’y a que les lâches et les indifférents qui sont tranquilles, sauf qu’ils se sentiront bien loin du projet du Seigneur quand ils le verront. Ainsi, quel que soit notre camp, la venue du Seigneur est un événement qui inspire la crainte. Et nous qui sommes ici, nous ne voulons pas assister à cette venue parmi les menteurs et les égoïstes. La venue du jour du Seigneur nous motive à orienter notre vie, tous nos choix dans la tendresse, la justice et la vérité. Mais c’est un combat, de plus en plus dur au milieu d’un monde désorienté.
Alors, où trouver la force de ce combat ? Saint Paul nous dit que c’est le Christ qui nous « fera tenir fermement jusqu’au bout » (1 Co 1,8), jusqu’à son jour. Et pour tenir, une seule recette : rester éveillés, pour ne pas être trouvés endormis (Mc 13,33). Comment rester éveillés ? S’agit-il de ne plus aller se coucher ? De tomber dans un activisme amer ? L’Écriture elle-même vient à notre secours : « je dors, mais mon cœur veille » en guettant la voix de mon bien-aimé, dit le Cantique des cantiques (Ct 5,2).
La force de tenir bon, nous la trouverons dans la vigilance de notre cœur, dans le soin que nous aurons de penser au Seigneur en l’aimant, de ruminer sa Parole au long de nos journées, de lui faire de nombreux clins d’œil, de cheminer avec Marie sa mère pour qu’elle nous garde unis à Lui, et tant d’autres moyens pour que notre cœur reste branché sur l’essentiel. Et rappelez-vous : demandons souvent au Seigneur de nous faire revenir à lui, demandons-le en vérité de tout notre cœur.