Je ressort cette homélie 2014 de la dédicace de Saint-Jean de Latran

La fête de la cathédrale du pape, saint Jean du Latran, nous donne l’occasion de réaliser à nouveau ce qu’est l’Église. Il y a quelques semaines je demandais à quelques jeunes de rhéto s’ils pensaient que Dieu aimait l’humanité. Assez unanimes ils m’ont répondu : non ! Alors là je me dis : l’Église a failli à sa mission si des jeunes qui ont grandi un petit peu à son contact se disent: Dieu n’aime vraisemblablement pas l’humanité. Car l’Église ce n’est pas une sorte de multinationale avec à sa tête le pape et les cardinaux comme conseil d’administration. L’Église est celle qui rend palpable l’amour de Dieu et son appel à ce que les hommes soient frères.

Tous nous avons besoin de nous sentir aimés, et aussi de recevoir des signes qui nous font espérer en un monde meilleur. C’est seulement ainsi que notre vie prend du sens. Et justement c’est la mission que le Christ a donné à son Église : donner accès à l’amour de Dieu, et former la famille où Dieu commence son Royaume de justice et de paix. L’image de l’eau qui coule du côté du temple dans le livres d’Ezéchiel (Ez 47) est un beau symbole de cette vie de Dieu qui jaillit de l’Église pour tous. C’est une eau qui assainit tout ce qu’elle touche, et qui est si féconde que les arbres qui la bordent portent du fruit chaque mois et leur feuillage guérit. Quel monde généreux que celui de la grâce de Dieu dans son Église !

Comment cette grâce de l’amour de Dieu nous atteint-elle par l’Église ? Il y a d’abord le don des Écritures, la Bible que l’on appelle Parole de Dieu. Comment savons-nous que Dieu nous parle à travers ce texte ? Pourquoi accordons-nous à ce texte plus d’importance qu’aux discours de Ciceron ou à l’Iliade et l’Odyssée d’Homère? C’est parce que l’Église nous l’offre à notre méditation, à notre prière, et que nous pouvons ainsi y trouver un guide.

La grâce de l’amour de Dieu nous parvient aussi quand l’Église nous offre les sacrements. Quand nous venons à l’eucharistie nous commençons à sentir que Dieu nous aime puisque son Fils unique dit : prenez, ceci est mon corps livré pour vous ! S’il se livre pour nous, c’est qu’il nous aime. Cela peut rester théorique, mais nous pouvons aussi ouvrir notre cœur à cette réalité et y répondre avec amour. Il en va de même pour tous les sacrements.

L’Église nous donne encore la vie de Dieu en étant un peuple qui se purifie, qui s’encourage à la conversion, à abandonner des attitudes d’indifférence pour accueillir plus fortement ce que Dieu donne et fait. Quand l’Église chante Dieu et le loue, je suis poussé à abandonner mon regard pessimiste sur le monde et à me demander : et si ce que Dieu avait fait était bon ? La foi de l’Église me fait déchirer les apparences pour retrouver l’amour divin qui m’a créé et qui fait tout exister. Quand l’Église étudie les dons de Dieu elle se met aussi à mieux les accueillir. C’est ce qu’on a vu au synode de Rome sur la famille : l’Église ne s’est pas d’abord demandé dans quelles conditions on pouvait lâcher du lest par rapport à la discipline actuelle, mais elle s’est mise à réfléchir sur ce qu’est réellement le mariage, afin de ne pas s’habituer à croire que le mariage chrétien est comme le mariage civil, afin de vraiment accueillir la nouveauté du Christ sur le mariage, un mariage à l’image de son amour toujours donné.

Quand l’Église fait des choses semblables, elle se laisse purifier par Jésus. Elle laisse le Seigneur chasser les marchands du temple, ces marchands qui s’installent en nous en disant : et si tu faisais un peu comme tout le monde? Et si parfois nous ne sommes pas d’accord avec tel ou tel point enseigné par les responsables de l’Église, il faut chercher pourquoi. Il ne faut pas se contenter de dire : l’Église doit changer ! Mais il faut chercher à comprendre ce qu’elle veut dire, pourquoi elle le dit, en quoi elle est fidèle à Jésus là-dedans, et en quoi elle doit devenir plus fidèle encore. C’est seulement ainsi que l’amour de Dieu pour l’humanité cessera d’être un machin théorique et deviendra un sujet de joie et d’espérance.