homélie du 12e dimanche B, 23 juin 2024
Voilà que Jésus a passé une journée bien fatigante à enseigner. Le soir venu, il invite ses apôtres et quelques autres à « passer sur l’autre rive » (Mc 4,35), c’est-à-dire hors du monde juif, vers le monde païen de ceux qui ne connaissent pas Dieu et dont on se demande comment ils nous accueilleront. Cette barque des apôtres, nous pouvons y voir une préfiguration de l’Église, envoyée au long de chaque époque vers ceux qui ne connaissent pas encore le Christ et l’espérance qu’il nous donne, et même vers ceux qui le combattent.
Et voilà que lors du trajet sur la mer de Galilée, la tempête se lève. Oh, des tempêtes, ceux qui parmi les apôtres étaient pêcheurs professionnels ont dû en voir quelques-unes ! Et puisque le Seigneur dormait, sans doute épuisé par sa longue prédication, ils ont essayé d’affronter cette tempête avec les moyens ordinaires d’un marin-pêcheur. Mais, las, cela ne servit à rien. Alors les apôtres réveillent Jésus aux cris de « Maître, nous sommes perdus ; cela ne te fait rien ? » Et Jésus manifeste sa puissance réellement divine, une puissance qui rappelle la réponse de Dieu à Job lorsqu’il lui fait remarquer : « qui donc a retenu la mer avec des portes et lui a dit : “tu n’iras pas plus loin ?” » D’une parole, Jésus fait se taire le vent et la mer, les éléments qui submergeaient la barque et les apôtres.
Aujourd’hui aussi l’Église est dans une tempête, et on se demande quel sera son avenir. Ils ne sont pas rares, ceux qui prédisent son naufrage, ou qui réfléchissent comme si elle avait déjà coulé. À l’image des marins qui tentent de surmonter l’adversité, certains proposent des solutions dont nous sommes humainement capables. Il faut ordonner prêtre des hommes mariés, disent les uns. Ordonner des femmes, ajoutent les autres. Changer la doctrine, répondent d’autres. Et si cela tombait vraiment trop court pour traverser la tempête que nous connaissons ? Et si la solution tenait une nouvelle fois dans l’initiative de réveiller Jésus et d’attendre de lui l’avenir que nous ne trouvons pas ?
Entendons-nous bien, je ne dis pas que le Seigneur dort, mais que nous agissons comme s’il dormait et que c’était nous qui étions chargés de faire vivre l’Église. Celui qui se met à compter sur Dieu commence à voir que le Christ ne dort pas. À la paroisse nous avons eu la joie de toucher plus clairement l’action de Dieu, lors du « Dimanche en paroisse » que nous avons vécu il y a 3 semaines. Lors de ce temps de prière partagé entre paroissiens habitués et habitants beaucoup moins familiers, nous avons vu sur les visages avec quelle force le Seigneur pouvait toucher les cœurs et y déposer sa vie. C’était lui, en direct, qui agissait en de nombreuses personnes. Nous avions bien sûr préparé longuement, mais surtout : beaucoup avaient porté l’événement dans la prière, dans l’offrande d’eux-mêmes, et la grâce avait agi. Oui, dans la tempête que vit l’Église, il faut que les chrétiens réapprennent à crier vers le Seigneur « nous sommes perdus ». Lorsque nous réapprendrons à dépendre vraiment de lui, nous verrons sa gloire, nous verrons sa présence et son action. Ce n’est pas n’importe quel inspiré qui a fondé l’Église, mais le Fils de Dieu. Nous prenons très peu la mesure de cela dans nos projets. Je suis heureux que nous apprenions petit à petit à donner les clés au Christ en lui disant : vas-y, c’est toi qui peut agir, nous nous sommes avancé jusqu’à te laisser le champ d’action.
Les apôtres dans la barque ont passé un mauvais quart d’heure, mais ensuite ils ont été émerveillés. Jésus a constaté leur manque de foi, mais sans leur faire de reproche. Adoptons un mode de vie où nous comptons vraiment sur le Christ pour être heureux ! Osons être fidèles, généreux, doucement entêtés pour faire la volonté de Dieu, et notre cœur débordera de sa vie. Rappelons-nous cette constatation de saint Paul : « le Christ est mort pour tous, afin que les vivants n’aient plus leur vie centrée sur eux-mêmes, mais sur lui, qui est mort et ressuscité pour eux. » Une vie centrée sur le Christ, voilà la source de la lumière, pour nous et pour beaucoup autour de nous !