homélie de la Toussaint 2024
Dieu a créé toutes sortes d’êtres, pour leur faire partager son bonheur, pour qu’ils soient heureux. Il a créé les anges, qui vivent hors du temps et de la matière, qui sont d’une puissance inégalée, mais qui sont tout entiers ramassés au présent et n’ont pas la joie de vivre dans un corps. Ils ne connaissent pas le goût du vin ni les couchers de soleil. Dieu a aussi créé les êtres humains, qui ont ceci de particulier de vivre dans l’espace et le temps, ce qui est à la fois une peine à cause des limites et de la diffusion des imperfections, mais une chance grâce à tous les déploiements de la beauté et à la possibilité de se raviser, de se convertir, de choisir la lumière même si on a eu un moment du goût pour les ténèbres.
Dieu a créé tous ces êtres pour leur faire partager son bonheur, mais au fond : qu’est-ce que le bonheur ? Si on veut le comprendre par son contraire, on peut remarquer à quel point le manque nous empêche d’être heureux. Le bonheur serait en quelque sorte le contraire du manque, c’est-à-dire que le bonheur consiste à être comblé. D’ailleurs, si une personne vient nous dire : je suis comblée, nous penserons qu’elle a tout ce qu’il faut pour être heureuse et qu’elle l’est.
Le bonheur consiste-t-il à être comblé de biens passagers, comme la richesse, la beauté, le succès ? Beaucoup sont tentés de croire cela, parce qu’ils ne se rendent pas bien compte à quel point quelque chose de passager et de limité ne peut pas combler un être avec des désirs infinis comme nous le sommes.
Le bonheur, d’après les grands spirituels et le témoignage des Écritures elles-mêmes, consiste à aimer et être aimé. Et plus particulièrement, aimer et être aimé de l’être le plus grand, le plus parfait, le plus rayonnant qui soit : Dieu. Au fond de nous a été déposé par notre Créateur ce désir insatiable d’aimer et d’être aimé. « Le plus grand bonheur en ce monde, disait le curé d’Ars, c’est d’aimer le Seigneur et de savoir qu’il nous aime ».
Pourtant, ce désir rencontre beaucoup d’obstacles tout au long de notre vie. Trop souvent, nous ne sommes pas aimés comme nous le méritons, et à notre tour nous aimons trop peu. Quant à aimer Dieu et accueillir son amour, cela semble à beaucoup de monde une démarche fort abstraite. Notre désir d’aimer et d’être aimé est blessé, parfois malade, et il doit être guéri pour nous conduire au bonheur. Comment guérir ? Il me semble que les Béatitudes proclamées par Jésus sont une bonne thérapie.
Le Seigneur déclare heureux les pauvres de cœur. Comment être heureux tant qu’on laisse les aiguillons de l’orgueil nous percer le cœur ? Comment être heureux quand notre cœur est accaparé par les richesses, nos mains crispées sur les promesses d’un bonheur matériel ? Seigneur, donne-nous un cœur désencombré de nous-mêmes, un cœur simplifié, capable de vibrer à ta présence !
« Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés », dit le Christ. Il nous faut donc demander le don de pleurer. Pleurer la peine de ceux qui nous entourent, pleurer la misère à laquelle nous assistons, pleurer aussi notre propre misère, nos étroitesses, notre égoïsme. En pleurant nous attendrissons notre cœur et nous le préparons à toutes les conversions nécessaires à l’amour.
Demandons aussi la grâce d’être doux, la grâce d’un cœur pur, la grâce d’être miséricordieux, la grâce de répandre la paix. Oh comme ce sont de beaux objectifs à viser, et de belles choses à attendre de Dieu !
Et enfin, nous serons heureux lorsque nous aimerons la vérité et le Seigneur au point où nous serons prêts à endurer les oppositions, les moqueries, les rejets à cause de cet amour. Seigneur, fais-nous la grâce, à ce moment-là, de regarder vers ta croix, de ressentir avec quel amour tu nous as aimés pour vivre ta Passion pour nous ! Fais-nous la grâce de te rendre amour pour amour. Que les saints connus et inconnus nous accompagnent sur ce chemin !