Une réflexion impromptue

La fin de l’année liturgique nous offre des lectures passionnantes, où il est question de grande détresse, d’étoiles qui tombent du ciel et de bouleversements inouïs (Mc 13,24 et //). C’est une belle occasion de méditer sur l’avenir de l’Église. Bien sûr, certains parieront que quand les choses vont mal beaucoup se réfugient dans les églises. Mais à écouter le prophète Daniel, autre chose nous attend :

Dn 12 6 « Jusques à quand, le temps des choses inouïes ? » […] « toutes ces choses s’achèveront quand sera achevé l’écrasement de la force du Peuple saint. »

Devant l’effondrement des chiffres de pratique chrétienne en Occident, ceux qui regardent l’Église comme une pierre dans leur jardin se réjouissent de la voir bientôt disparaître complètement du paysage et ne demeurer que comme un vestige du passé. Pendant ce temps, à l’intérieur, nous tentons de ne pas nous décourager en faisant des statistiques sur le nombre de gens que nous parvenons encore à mobiliser ou d’autres choses du genre. D’autres encore proposent des solutions d’avenir à la sauce « modernisation », sans se rendre compte qu’elles ont déjà été expérimentées depuis des décennies par d’autres communautés chrétiennes qui ont maintenant régressé encore bien plus terriblement que l’Église catholique.

Et si la vision juste était celle de Daniel, ou celle du livre de l’Apocalypse ? Les évangiles aussi nous apprennent que le Royaume de Dieu ne viendra pas comme le résultat d’un développement progressif de la justice et de la foi sur la Terre, mais comme un bouleversement qui inaugure le temps du jugement, de la justice restaurée, de la miséricorde triomphante. Il me revient souvent ce passage du Catéchisme de l’Église catholique, dont on dit qu’il a été inséré par l’alors Cardinal Ratzinger lui-même :

CEC 675 — Avant l’avènement du Christ, l’Église doit passer par une épreuve finale qui ébranlera la foi de nombreux croyants (cf. Lc 18,8 ; Mt 24,12), […] sous la forme d’une imposture religieuse apportant aux hommes une solution apparente à leurs problèmes au prix de l’apostasie de la vérité. […] CEC 677 — L’Église n’entrera dans la gloire du Royaume qu’à travers cette ultime Pâque où elle suivra son Seigneur dans sa mort et sa Résurrection (cf. Ap 19,1-9). Le Royaume ne s’accomplira donc pas par un triomphe historique de l’Église (cf. Ap 13,8) selon un progrès ascendant mais par une victoire de Dieu sur le déchaînement ultime du mal (cf. Ap 20,7-10) qui fera descendre du Ciel son Épouse (cf. Ap 21,2-4).

Dès lors, il y a deux causes pour lesquelles l’Église pourrait aller très mal. La première qui est de toujours, vient de notre infidélité. Si le péché gangrène l’Église, si les contre-témoignages s’accumulent, comment peut-elle prospérer ? Ou si nous abandonnons le témoignage d’une foi à rebours de l’esprit du monde et cherchons à survivre par toutes sortes d’accommodements avec la mentalité contemporaine… Alors, sûrement, nous périrons, car nous n’aurons plus d’utilité que pour nous-mêmes, pour notre petite survie minable.

Mais il y a une autre cause, implacable et lumineuse à la fois : ce déclin fait partie du déploiement de l’action de Dieu et prépare son triomphe. Comme les adversaires du Christ croyaient le réduire au silence et se faisaient complètement doubler par la main du Père, ceux qui combattent l’Église mettront un jour leur main sur leur bouche.

Is 52 15 Devant le serviteur souffrant, les rois resteront bouche bée, car ils verront ce que, jamais, on ne leur avait dit, ils découvriront ce dont ils n’avaient jamais entendu parler.

En attendant, que devons-nous faire ? À la paroisse, nous pensons sans cesse « évangélisation ». Serait-ce pour renverser la tendance de l’effondrement ? Serait-ce pour enfin faire du chiffre ? Oh, quelle vanité ! Alors pourquoi évangélisons-nous ? Pour que ceux qui cherchent la lumière puissent la trouver, tandis que beaucoup s’en désintéresseront et n’auront comme bagage que toutes les détresses que la vie loin de Dieu leur aura fait subir et qui leur fera peut-être dire en paraissant devant le Seigneur, pour leur salut : combien j’ai souffert loin de toi !

Nous évangélisons de toutes nos forces parce que nous voulons que ceux qui cherchent autre chose que les satisfactions éphémères de ce monde puissent trouver la vraie lumière, celle du Créateur qui a tout fait pour nous, plutôt que de vaines lucioles décevantes. Nous évangélisons parce que nous sommes conscients d’avoir reçu une grande joie en découvrant l’amour de Dieu, et nous ne pouvons pas garder ce trésor pour nous. C’est pour cela que nous voulons être de plus en plus une communauté joyeuse qui attire au Christ, qui met les gens en contact avec le Christ.

Je vous laisse avec deux citations du Seigneur qui éclairent ce temps que nous vivons et ses défis :

Lc 12 32 « Sois sans crainte, petit troupeau : votre Père a trouvé bon de vous donner le Royaume. » Lc 18 8 « le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il la foi sur la terre ? »