homélie de l’Épiphanie 2025
Qu’ils sont beaux, ces mages, qu’ils sont libres, pour se mettre en route à l’instigation d’un phénomène astronomique avec l’intention de se prosterner devant le roi des Juifs qui vient de naître ! Ils ont pu laisser toutes leurs occupations pour ce petit roi, trouver leur joie à suivre son étoile, se faire mendiants d’informations au milieu de Jérusalem et enfin, sans égard pour leur situation sociale, se prosterner dans cette maison devant l’enfant. Qu’ils sont libres de tout ce qui embarrasse habituellement les hommes ! La joie de Dieu peut faire son chemin dans leurs cœurs.
Cela contraste énormément avec les piètres dispositions de cœur des habitants de Jérusalem et d’Hérode. Ils comprennent la merveilleuse nouvelle : il s’agit du Christ, le Messie attendu par les pauvres de cœur, le Berger de Dieu, mais à l’inverse de s’en réjouir ils sont « pris d’inquiétude ». La suite du récit dévoilera le dessein meurtrier d’Hérode. Ainsi, quand Dieu vient dans son monde, il rencontre d’emblée l’opposition la plus farouche. « Il est venu chez les siens, et les siens ne l’ont pas reçu », précise ailleurs saint Jean (Jn 1,11). Quand nous nous demandons, devant la dureté du monde, « que fait Dieu ? », une première réponse nous vient aujourd’hui : il est adoré de ceux qui sont assez libres pour l’accueillir, et persécuté par ceux qui veulent continuer leur vie comme ils l’entendent.
Quant à nous, comment connaître le bonheur des mages ? De tout notre cœur, cherchons à faire la volonté de Dieu en toute chose, ainsi notre cœur sera libre de ce qui nous retient en nous-mêmes et il pourra vibrer à l’amitié que le Fils de Dieu nous propose, lui qui s’est fait si fragile pour nous tendre la main et le cœur. Chercher à faire la volonté de Dieu dans nos vies, ce n’est pas l’application de contraintes extérieures, mais la voie de l’intimité qui nous donne la vie intérieure, tout en correspondant à ce que nous sommes vraiment. Car cette vie qui vient de Dieu s’écoule de son cœur à notre cœur lorsqu’ils battent autant que faire se peut à l’unisson. Que la liberté des mages et leur joie nous encourage !
Notez encore de quoi est faite la prière des mages aujourd’hui. Ils se prosternent devant l’enfant qui ne leur a rien dit, rien appris. Simplement, ils l’aiment, ils l’aiment parce qu’il est lui. C’est utile pour notre relation à Dieu. On n’aime pas Dieu pour son message seulement ; les saints n’ont pas aimé Dieu pour son message mais pour qui il était, pour les profondeurs de son être d’où coule la vie. Ce bébé, il n’a rien dit aux mages. Et d’autre part, si toi Seigneur tu nous as aimés, ce n’est pas que nous pouvions t’apprendre quelque chose, mais c’est pour nous, parce que c’est nous et que tu veux t’attacher à notre personne. Que l’Esprit Saint soit en nous l’Esprit d’adoration qui nous permet de vénérer d’un grand amour le Seigneur en nous attachant simplement à lui, de toutes nos forces, parce que c’est lui.
Je voudrais m’attarder encore sur la figure de Marie, car elle sera d’une grande aide pour nous dans la recherche de l’union d’amour à son fils. L’évangile nous dit que les mages, en entrant dans la maison, virent l’enfant avec Marie sa mère (Mt 2,11). Passé notre surprise de ne pas voir mentionné Joseph, nous comprenons le rôle qu’aura Marie dans le déballage au quotidien des cadeaux des mages, comment elle accompagnera jusqu’au bout le Dieu et le Roi qui ira affronter la mort. Il y a un parallèle fort avec la rencontre du vieillard Syméon au temple (Lc 2,34), où Syméon annonce à Marie seule combien Jésus sera signe de contradiction, et qu’un glaive transpercera son propre cœur. Marie, la toute intime du Christ son fils, nous aide à déployer la vie du Fils de Dieu dans nos événements quotidiens. D’où cette prière de saint Bernard : « Que par toi, Vierge bénie, nous ayons accès auprès du Fils, toi qui pour nous a trouvé la grâce, mère de la vie, mère du salut ! »