homélie du 6e dimanche C, 16 février 2025
Je me demande si les petits oiseaux, les chats, les crocodiles ou les tortues, voire les moustiques ou les guêpes cherchent à être heureux. Nous voyons qu’ils cherchent à vivre, à se nourrir, à se défendre, mais cherchent-ils le bonheur ? Par contre, nous ne voyons pas d’être humain qui se contente simplement de vivre, sans espoir de bonheur. Ou si cela arrive, nous dirons que cette personne souffre d’une grave dépression, et de fait elle se dit elle-même que ce n’est pas une vie que de vivre ainsi.
Pourquoi l’être humain est, parmi les êtres vivants, celui qui ne peut pas se contenter de vivre, mais cherche le bonheur ? N’est-ce pas la marque de Dieu en nous ? Quelque chose comme son appel déposé discrètement au plus profond de nos cœurs, et qui nous fait désirer le paradis, la vie éternelle qu’il veut nous donner ? Ce paradis, nous le décrivons comme un lieu de bonheur, bien que nous ne sachions pas son contenu. Mais les plus spirituels des chrétiens le décrivent comme une communion d’amour avec Dieu, qui nous comblera car nous sommes faits pour aimer et être aimés.
Le désir de bonheur qui est dans l’homme est un don de Dieu, un partage de sa vie, un élargissement considérable de la perspective basique de survivre de manière animale. Vient ensuite la question : comment réalisons-nous ce désir de bonheur ? C’est ici que l’Écriture nous est d’un grand secours. Nous découvrons deux voies, décrites par Jérémie et dégagées par Jésus. Il y a le chemin qui consiste à faire confiance à des moyens humains, à conquérir son bonheur selon ses propres vues, sans se rendre compte qu’elles sont grevées d’égoïsme et de toutes sortes d’étroitesses. Assez rapidement, ce genre de bonheur est acquis au détriment d’autres, au terme d’une compétition dont le premier terme est d’habiter un pays riche. Prendre un tel chemin conduit souvent à laisser son cœur se détourner du Seigneur, c’est-à-dire au moins ignorer la voix de la conscience qui nous dit que notre conception du bonheur est insoutenable pour les autres… Cela ne peut que conduire à la catastrophe. D’une part parce que les ressources d’un tel bonheur sont limitées. Mais aussi, plus profondément, parce qu’on met ainsi son bonheur dans ce qui ne peut que passer et décevoir, dans ce qui est trop étroit pour le vaste cœur que Dieu nous a donné. Et même, faire d’une autre personne la source ultime de notre bonheur, bien que cela paraisse plus digne de l’être humain, c’est encore faire d’un mortel notre Dieu.
À l’opposé, il y a le chemin qui consiste à mettre sa foi dans le Seigneur, à compter sur lui, à l’écouter, à choisir ses chemins, à unir notre volonté à la sienne. Cela peut sembler moins exaltant, mais c’est l’option qui a du souffle et qui nous remplira de vie et de lumière. Celui qui fait de Dieu et de ses commandements le centre de sa vie, celui-là ne sera jamais seul, il est « comme un arbre planté près d’un ruisseau », dont les racines ne seront jamais à sec. Et il pourra en rendre beaucoup heureux avec lui, en famille, en communauté, et même à l’échelle de sa ville ou de son pays.
Prendre ce chemin de la fidélité à Dieu peut à première vue paraître désavantageux. Celui qui le prend aura une vie beaucoup plus sobre, il aura même parfois l’impression de manquer de l’essentiel (il aura faim, dit Jésus), et de ne pas être préservé de l’épreuve (il pleurera). Pire encore : alors qu’il sera plus juste et plus vertueux que beaucoup d’autres, il sera moqué, regardé de haut, méprisé, comme l’ont été les prophètes qui vivaient dans la justice. Quelle perspective, me direz-vous ! Mais Dieu est là, il s’occupera de nous. Nous ne devons pas craindre, ou plutôt nous ne devons craindre qu’une chose : être pris de la tentation de ne plus jouer le jeu de la foi, de reprendre nos billes, de nous remettre à vivre à notre mesure. Seigneur, fais-nous persévérer sur le chemin du bonheur vaste et profond, le chemin qui comble le cœur au fur et à mesure qu’il se dépouille pour toi. Montre-nous ce que tu as préparé pour notre vie ! Prends en charge notre désir de bonheur, pour le réaliser encore bien mieux que nous-mêmes ! Tu nous aimes tant.