homélie du 1er dimanche de l’Avent, 1er décembre 2024
Redressez-vous et relevez la tête, car votre rédemption approche », dit Jésus après avoir évoqué le moment où ce monde et sa logique seront à bout de course. L’épuisement du monde ne nous mène pas nulle part, il conduit à quelque chose, et c’est quelque chose de grandiose : la venue du Fils de l’homme, depuis le monde divin jusqu’à nous, avec puissance et grande gloire. Impossible de savoir quand, impossible de savoir si notre monde est suffisamment au bout du rouleau ou pas, mais la fragilité du monde est pour nous signe d’espérance, tandis que pour ceux qui ont mis tous leurs espoirs dans cette vie-ci cette fragilité du monde leur donne des insomnies.
Le chrétien n’est pas du monde, même s’il est dans le monde. Au XXe siècle on a pu croire que le sort des chrétiens et celui du monde se confondaient, que l’on parviendrait à construire un monde juste et fraternel par notre engagement généreux. Le XXIe siècle est le moment où cette idéologie se casse la figure et où les paroles de Jésus redeviennent pertinentes pour beaucoup. Les chrétiens espèrent un autre monde que celui-ci, qui ne viendra pas par nous mais de Dieu. Leur action dans le monde n’est pas pour construire un monde juste par eux-mêmes, en se retroussant assez les manches, mais ils agissent pour soutenir l’espérance de tous ceux qui peinent et se découragent. C’est pourquoi l’opposition que l’on faisait jadis, à tort, entre ceux qui s’engagent et ceux qui prient, n’a pas de valeur. Celui qui s’engage pour ce qui tiendra vraiment, c’est celui qui prie aussi.
Entre-temps, les chrétiens se sentent toujours plus étrangers au monde où ils vivent. Ils commencent à bien comprendre les paroles de Jésus selon lesquelles ils sont dans le monde mais pas du monde. Je pense à ce jeune homme rencontré hier soir à l’église, qui me dit : qu’est-ce que Dieu peut faire pour des enfants dont les parents ne s’occupent pas parce qu’ils se droguent ? J’étais sans voix, je me disais : dans quel monde vis-tu, toi le jeune qui doit traverser cela ! Je pense à la femme enceinte qui cherche de l’aide et qui entend seulement : tu as droit à l’IVG ! Dans quel monde vis-tu, toi la maman qui n’est environnée que d’une culture de mort !
Au contraire, ce que nous venons de lire dans Isaïe c’est que nous sommes environnés d’une parole de bonheur prononcée par Dieu. Il est là, il ne nous laisse pas, et sa promesse avance. Cela ne paraît pas évident, quand le monde est si dur, mais chaque dimanche nous venons soutenir notre espérance auprès de Jésus qui donne sa vie pour nous. « Voici venir des jours », dit le prophète, « où j’accomplirai la parole de bonheur que je vous ai adressée ». Et tantôt nous dirons : « nous attendons ta venue dans la gloire ». Et aussi : « Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps : soutenus par ta miséricorde, nous serons libérés de tout péché, à l’abri de toute épreuve nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus-Christ, notre Sauveur. »
Il y a cette promesse, et nous nous encourageons à en vivre, et nous nous rappelons les uns aux autres que Dieu est déjà là, que nous ne sommes pas abandonnés. Oh comme ça serait beau que par notre façon de nous saluer tout à l’heure, de sourire ou de parler à quelqu’un que nous ne connaissons pas encore, nous lui faisions sentir : Dieu est déjà là, nous ne sommes pas abandonnés.
En veillant dans l’attente de la venue du Christ, mettons en pratique l’appel de Jésus à la joie d’une vie simplifiée, dépouillée, où l’amour est la première règle et le premier trésor. « Fais-moi connaître ta route », avons-nous dit dans le psaume. En ayant « un amour intense et débordant » pour tous, nos cœurs affermis par le Seigneur. Fuyons tout ce qui nous alourdit, car « heureux les pauvres de cœur, ceux qui ont faim et soif de la justice ! »