homélie du 3e dimanche C, 26 janvier 2025
Nous venons d’entendre les 4 premiers versets de l’Évangile selon saint luc, puis l’épisode où Jésus, de retour du baptême où l’Esprit s’est posé sur lui, puis de ce passage au désert où il fut assailli par la tentation, arrive en Galilée « dans la puissance de l’Esprit ». Jésus enseigne. Un jour il a l’occasion de faire la lecture. On ne lui donne pas la Bible, elle n’existe pas, elle n’existera qu’à partir de l’an 400. On lui donne un rouleau, celui du livre d’Isaïe. Il lit un passage tout à la fin du livre, qui annonce l’onction d’un mystérieux personnage qui, revêtu de l’Esprit, va apporter la Bonne Nouvelle de la part du Seigneur, libérer les captifs, et rendre la vue aux aveugles.
Il lit, et ensuite il affirme : « aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre ». Jésus est celui qui accomplit les Écritures, qui réalise les promesses de Dieu. Avec lui, le bonheur que Dieu avait promis à son peuple est là, à portée de cœur. Le bonheur de vivre dans l’intimité de Dieu et de collaborer à son Règne de justice et de paix peut devenir le nôtre.
Ce que Jésus a dit et fait nous est accessible par les « serviteurs de la Parole », dont saint Luc dit qu’il met par écrit le témoignage. Nous découvrons que le mot « Parole » ne correspond pas à celui des Écritures, et encore moins à celui de « Bible » qui n’existait pas encore.
C’est pourquoi l’Église catholique enseigne que la Parole de Dieu est ce que l’on transmet dans l’Église, comme cela se faisait chez les premiers chrétiens, au sujet de Jésus et de la manière de l’accueillir. Cette Parole se trouve à la fois dans les Écritures — celles que Jésus a lues et ensuite celles que des chrétiens ont écrites, et qu’on a ensuite rassemblé — et elle se trouve aussi dans le message que l’on se transmet entre chrétiens de génération en génération, que l’on appelle la Tradition.
Il y a beaucoup de choses dans cette Tradition, à commencer par le fait que c’est saint Luc qui a écrit cet évangile que nous venons d’entendre, que c’est Matthieu qui en a écrit un autre, qu’il y a quatre évangiles reconnus et pas un de plus, etc. On aurait tort d’opposer la Bible à la Tradition, puisque c’est la Tradition qui a fait qu’il y ait la Bible, qui n’existait pas comme telle avant l’an 400. Aucun des premiers chrétiens n’avait la Bible, mais ils avaient des livres qu’on avait accepté de lire dans la liturgie, spécialement la messe, encore qu’au début cela variait de région en région pour quelques livres périphériques : tel livre était reçu, tel autre pas.
Il y a d’autres choses qui nous sont parvenues de bouche de chrétien à oreille de chrétien sans être écrites dans des Écritures, dans ce qui deviendra la Bible. Par exemple la manière de prier, en disant « le Seigneur soit avec vous » ou « pour les siècles des siècles » ou « amen, alléluia, hosanna ». Par bonheur on voit que saint Paul parlait ainsi aux chrétiens à qui il écrit, ou les premiers évêques lorsqu’ils écrivaient des lettres dans lesquelles ils inséraient une prière, ou encore le livre de l’Apocalypse qui renferme beaucoup de prières. Mais ce n’est pas des écrits que les premiers chrétiens imitaient, c’était plutôt leur vie qu’ils transmettaient en priant ensemble, en vivant ensemble.
Ils se transmettaient également d’autres pratiques, comme saint Paul le suggère en félicitant un jour les Corinthiens de garder les traditions qu’il leur a transmises (1 Co 11,2 ; cf. 1 Th 4,1 et 2 Th 2,15). Nous avons ainsi hérité la pratique de prier pour les morts, dont on a ensuite retrouvé des traces archéologiques très anciennes (mausolée des Valerii, vers 180), ou la pratique de prier chaque jour le Notre Père (cf. saint Cyprien, IIIe siècle), etc.
Ce matin encore nous nous faisons héritiers de ce grand mouvement de la Tradition qui nous met en contact avec la vie qui anime le peuple de Dieu depuis le Christ, depuis le témoignage oral des « serviteurs de la Parole », depuis les premiers martyrs qui ont donné leur vie comme le Christ. Réjouissons-nous de cette puissance de l’Esprit qui coule là pour nous dans cette eucharistie et que nous n’avons qu’à recueillir par nos cœurs grands ouverts. Que Jésus nous libère de toutes nos chaînes intérieures, afin que, dans l’Esprit Saint, nous servions joyeusement nos frères.