Des jeunes se demandent parfois : à partir de quand fera-t-on l’amour ? Il y a une réponse longue, ci-dessous, et une très brève, que voici : à partir du moment où on est prêt à s’occuper à deux des enfants que l’on pourrait avoir. Car bien que ce soit occulté avec véhémence par les faiseurs d’opinon, faire l’amour est le moyen d’avoir des enfants, et ce n’est pas si rare, quels que soient les artifices utilisés pour l’éviter. Il y a en nous les sources de la vie ; il faut les respecter.

Quant à la réponse longue, au fond je vois difficilement comment le don total de soi dans l’amour physique peut être vrai lorsque le cœur et l’esprit ne se sont pas encore donnés totalement — comme cela se fait habituellement dans le serment du mariage, lorsque l’on dit : je te reçois et je me donne à toi. C’est l’argument classique de la morale de l’Église. Il est peu compris, mais révèle sa pertinence générale quand on prend la peine d’imaginer le don total de soi que l’on fait dans l’union physique. Cet aspect de don de soi, est plus évident pour une femme ; il réside dans la physiologie même. Par la façon dont elle imagine ou vit déjà l’union sexuelle, la femme se rend bien compte qu’elle y est donnée à l’homme. Pour un homme, le don de soi doit être cultivé plus consciemment, pour que l’action envers l’autre ne devienne pas possession de l’autre et mise à sa propre disposition. Car l’action de l’homme relève davantage de la conquête et, pour devenir amour véritable, elle doit être enrichie par un engagement de soi vécu consciemment. C’est sûrement la raison pour laquelle c’est presque toujours le garçon qui veut faire l’amour précocement.

{joomplu:90}Aux amoureux et aux fiancés je voudrais redire ceci : à première vue, l’amour physique se présente comme le plus grand amour, comme le sommet de l’amour. C’est très clair dans la tête des garçons, et parfois chez les filles. Ceux qui s’aiment penseront alors que pour aller loin dans l’amour il faut passer sans tarder par l’union sexuelle. Or l’amour privé de la dimension d’union physique n’est pas un amour limité, mutilé, un amour qui devrait attendre autre chose pour grandir encore. L’union physique est tout autant expression que réalisation de l’union. Fondamentalement, l’union ne se réalise pas par l’étreinte physique, mais l’étreinte exprime d’une façon originale l’union déjà réalisée avant elle entre deux êtres. Car l’union entre deux personnes humaines se réalise autrement que par le fait sexuel : par l’ouverture progressive à l’autre des couches de plus en plus profondes de notre être, en passant par toutes les dimensions de notre sensibilité, de notre affectivité, de notre volonté. Aimer c’est accepter de s’ouvrir à l’autre, progressivement. Cela prend beaucoup de temps. Il peut arriver que le passage rapide à l’amour physique prive de cette ouverture. Parfois aussi ceux qui s’aiment voudront recourir à l’union physique quand l’union du cœur est en panne , en des moments de désarroi où précisément ils refusent de s’ouvrir leur cœur, s’imaginant faussement qu’ils progressent dans l’amour par cette fuite en avant. Ce sont pourtant des moments où l’amour devra encore beaucoup être creusé, amélioré, avec la difficulté nouvelle qu’on ne sait plus très bien vers où le creuser. Mais aimer c’est s’ouvrir et se donner. Et s’ouvrir et se donner dans son âme et son cœur bien avant de s’ouvrir et se donner dans son corps.

Si nous regardons ce que produit le sacrement de mariage, nous pouvons le voir comme le moment où le mari reçoit son épouse de Dieu, et réciproquement. C’est un réel bonheur de pouvoir dire à Dieu : la femme que tu me donnes, j’ai voulu la recevoir de toi, je n’ai pas commencé à la prendre par moi-même... Le mari que tu me donnes, je le reçois de toi, je ne l’ai pas pris par moi-même.

Parfois, même si on trouve très motivants les arguments déployés ci-dessus, on s’est déjà donné physiquement l’un à l’autre. Il n’y a pas de regret à avoir, il faut chercher à aimer toujours mieux à partir de maintenant, quel que soit le passé. Et le demander à Dieu. Les indications sur la continence dans le chapitre sur la tendresse seront utiles.

Parfois aussi, certains pourraient chercher à ne pas s’unir avant le mariage en étant animés d’un certain mépris pour ceux qui n’y sont pas parvenus. Mais il faut mener sans orgueil l’effort pour vivre ainsi. Car aux yeux de Dieu l’orgueil est le péché le plus grave. Sa grâce ne viendra pas en aide à ceux qui s’efforce de suivre ses commandements en nourrissant le sentiment d’être supérieurs à tous les autres.

Enfin, cette attitude vis-à-vis de l’union physique gagne à être une attitude de retenue plus générale. Souvent les amoureux se demandent : jusqu’où pouvons-nous aller ? Mais la meilleure question serait plutôt : que voulons-nous, que cherchons-nous à vivre entre nous ?