homélie du 21e dimanche C, 24 août 2025
Est-ce que je serai sauvé ? Est-ce que je verrai ma vie aboutir au bonheur annoncé par les Écritures ? Qui sera sauvé ? Cette question a taraudé les cœurs de milliards de croyants, quelle que soit leur religion. Puis elle est devenue chez nous secondaire. Au fur et à mesure que le pouvoir économique et scientifique multipliait la capacité de l’humanité à changer son sort sur la terre, le salut est devenu une question de bien-être et de prospérité. Au fil du XXe siècle, le ciel est comme tombé sur la terre : le salut c’était demain ou après-demain, et spécialement à l’heure de la retraite qui devait ouvrir une sorte de paradis terrestre. La mort était vue surtout comme un échec, et beaucoup moins comme un passage vers autre chose.
Mais puisqu’on meurt quand même, des réponses bon marché se sont répandues, du style « on ira tous au paradis » ; qu’importe la façon dont nous avons vécu, la miséricorde de Dieu passera un gros coup d’éponge. Beaucoup anesthésient leur inquiétude avec du divertissement. Tout cela n’est pas très sérieux lorsqu’on le confronte à l’Évangile. Comme un retour de manivelle, nous voyons maintenant fleurir des mouvements qui envoient en enfer tous ceux qui n’adhèrent pas à leur vision. Des religions prospèrent alors qu’elles présentent Dieu comme un juge menaçant et imprévisible. La question du salut se fait plus présente aujourd’hui qu’hier, sans doute en raison des limites du monde et de nos vies. Nous ne pouvons plus prétendre installer un bonheur stable pour ici. Alors il est temps de se demander : est-ce que je serai sauvé ? Et d’ouvrir l’Évangile.
Que dit le Seigneur ? Quand on lui demande « qui sera sauvé ? », il répond : « Efforcez-vous d’entrer par la porte étroite ! » Qu’est-ce que cela veut dire ? Nous le savons par ce que Jésus vient de dire de ceux qui n’y entrent pas : ceux qui se rassurent d’avoir connu de loin le Seigneur mais qui commentent l’injustice, c’est-à-dire ceux qui disent : « je suis croyant », mais qui ne changent pas de vie. S’efforcer d’entrer par la porte étroite, c’est refuser de se rassurer à bon compte et, au contraire, s’efforcer de pratiquer la justice, c’est-à-dire rendre à chacun ce qui lui est dû : rendre à Dieu l’hommage et l’amour qui lui reviennent ; donner à son conjoint, à ses enfants, à ses parents ce qu’ils attendent justement de nous ; travailler à notre niveau à ce que tous aient des conditions de vie et de travail dignes, notamment en examinant ce que nous choisissons d’acheter, dans quelles conditions cela est produit ; pratiquer la justice, c’est bien sûr rendre ce que nous avons pris et qui n’est pas à nous, mais aussi donner généreusement ce qui est à nous, sans dire : c’est à moi, j’en fais ce que je veux quels que soient les besoins des pauvres.
Voilà ce que c’est, s’efforcer de passer par la porte étroite, vivre selon la justice. Ce n’est pas compliqué, mais cela demande un changement de vie. Certains qui se disent chrétiens ne le font pas, tandis que d’autres qui ne connaissent pas le Christ accomplissent cette justice que leur conscience leur indique, même si cela doit leur coûter. On viendra de partout au festin du Royaume, dit Jésus, car partout des personnes écoutent l’appel intérieur, l’appel de la loi naturelle à marcher selon ce qui est juste, à se donner soi-même.
Cette attitude de pratiquer la justice, envers Dieu et envers le prochain, ouvre les portes du ciel, le bonheur éternel ; cela donne le salut. Il n’y a pas si longtemps, penser au ciel, à la vie éternelle, était vu comme une évasion loin des luttes sociales nécessaires. Il y a quelque chose de limité à penser ainsi, à réduire le salut à la justice sociale, mais il y a aussi quelque chose d’utile. Le salut, le bonheur éternel, ne se joue pas à part de la justice pour tous les peuples, les familles, les personnes. Le salut dépasse de loin cette justice, mais il repose dessus. Aujourd’hui encore nous devons nous méfier de ces deux égarements : penser se sauver indépendamment de la justice, en faisant de sa vie une île au milieu d’un monde perdu dont on se désintéresse… ou croire que le salut c’est la paix et la prospérité terrestre, en refusant de regarder vers le ciel, sinon pour chercher de l’aide pour conclure nos projets humains.
Devenons une Église qui aide les gens à regarder vers le ciel comme leur patrie, leur but, et en même temps les appelle à changer de vie afin que la paix et la justice se développent maintenant !