Avec homo sapiens sapiens nous pouvons véritablement parler de conscience de soi (quid de l’homme de Néandertal ?) Il y a des animaux savants, mais ils ne savent pas qu’ils savent. L’Homo sapiens sapiens, voilà notre véritable ancêtre : il sait, et il le sait. Voilà que, (pour la première fois ?) dans l’univers, un être vivant a CONSCIENCE d’être là, d’être quelqu’un, de pouvoir dialoguer,... Il ne se contente pas d’être, mais il se rend compte qu’il est et il se pose des questions. Si je veux faire un parallèle avec la Bible, c’est l’étape de l’évolution où Dieu peut dire : voilà l’être à mon image, selon ma ressemblance. Le scientifique met en évidence l’émergence de cette conscience ; le croyant pourra y voir l’image de Dieu. Il pourra discerner dans cet être vivant l’âme que Dieu lui donne et qui vivra pour l’éternité(clin d’oeil de Dieu).

Mais la superposition de ces espèces d’homo pose aussi beaucoup de questions quant à l’ « animation » divine. À partir de quand a-t-elle lieu ? L’homme de Néandertal avait-il une âme immortelle ? Fait-il partie des ancêtres visités par le Christ dans ce que le Credo mentionne en disant « il est descendu aux enfers » ?

Et comment concevoir le péché originel dans cette histoire ? Le récit de la Genèse montre l’homme créé sans cette brisure, sans ce refus d’harmonie avec Dieu. En créant l’homme à son image, capable de poser des actes libres, échappant au conditionnement de l’instinct, Dieu ne le crée pas pécheur. Comment s’insinue le refus du plan de Dieu, sur quoi se greffe-t-il dans le processus d’apparition de l’homme ? Depuis l’origine de la vie, la lutte pour la survie entre les individus a été le moteur de l’évolution, avec la disparition des plus faibles et la réussite des meilleurs, tout cela sans péché. Sur ce fond de violence, quand le péché est-il apparu ? En cas de pénurie, c’est l’animal le plus fort qui dérobe la nourriture, mais y a-t-il des animaux qui tuent leur semblable par haine ou convoitise ? Je me demande notamment : quelle est la part du développement de la conscience de soi sur le péché (par exemple comme cette conscience introduit dans le cœur de l’homme la peur de ne plus disposer des biens nécessaires à la vie, ou la capacité de se voir riche et puissant, ou la fascination qu’exerce la domination sur autrui, ou la capacité de se comparer aux autres, ou la mémoire des offenses passées nourrissant la haine...) J’ai l’impression que l’émergence de la conscience de soi est aussi celle d’une faiblesse constitutive qui est le terreau du péché : sans conscience de soi, il y a une innocence originelle (je ne parle pas ici de la conscience morale, de ce qui me dit au fond de moi : ceci est bien, ceci est mal).

pour la rédaction de ces pages je dois beaucoup à

  • Jacques Demaret et Dominique Lambert, Le principe anthropique — L’homme est-il le centre de l’Univers ?, Armand Colin, Paris, 1994
  • Roger Lewin, L’évolution humaine, Seuil, 1991 (traduction de Human Evolution, Blackwell Scientific Publications,1984-1989)
  • Stephen Jay Gould, La vie est belle, Seuil, 1991 (traduction de Wonderful Life, Norton & Company, 1989)