Je vais vous expliquer, mais faisons une escale au XII°s auprès de saint Bernard ; vous entendrez que je n’invente rien :
O toi, qui que tu sois, qui dans cette marée du monde, te sens emporté à la dérive parmi orages et tempêtes, plutôt que sur la terre ferme, ne quitte pas les feux de cet astre, si tu ne veux pas sombrer dans la bourrasque.
Quand se déchaînent les rafales des tentations, quand tu vas droit sur les récifs de l'adversité, regarde l'étoile, appelle Marie !
Si l'orgueil, l'ambition, la jalousie te roulent dans leurs vagues,
regarde l'étoile, crie vers Marie !
Si la colère ou l'avarice, si les sortilèges de la chair secouent la barque de ton âme, regarde vers Marie !
Quand, tourmenté par l'énormité de tes fautes, honteux des souillures de ta conscience, terrorisé par la menace du jugement, tu te laisses happer par le gouffre de la tristesse, par l'abîme du désespoir, pense à Marie.
Dans les dangers, dans les angoisses, dans les situations critiques, pense à Marie, crie vers Marie !
Que son nom ne quitte pas tes lèvres,
qu'il ne quitte pas ton cœur,
et pour obtenir la faveur de ses prières, ne cesse d'imiter sa vie.
En suivant Marie, on ne dévie pas,
en la priant on ne désespère pas,
en pensant à elle, on ne se trompe pas
Si elle te protège, tu ne craindras pas;
Si elle te guide, tu ne connaîtras pas la fatigue;
Si elle est avec toi, tu es sûr d'arriver au but,
et ainsi tu comprendras, par ta propre expérience,
combien cette parole est juste :
“Le nom de la Vierge était Marie”.
(saint Bernard, 2ème sermon Super missus est, §17)
Les chrétiens sont des gens bizarres. Ils mettent des réalités qu’on ne voit pas à l’avant plan des choses qui déterminent leurs choix. Ils essaient de régler leur conduite sur un évangile qui a été prêché depuis 2000 ans au nom de Jésus que les apôtres disent ressuscité. Ils pardonnent parce qu’ils savent que Dieu leur pardonne et parce qu’ils pensent à la vie éternelle. Ils endurent des difficultés par fidélité au Christ qui a promis de les rendre heureux. Vraiment tout cela est bien étrange pour nos contemporains, de plus en plus étrange.
Et cela devient parfois étrange ou insensé à nos propres yeux également. Au milieu du monde, nous sommes plus souvent ébranlés que confortés dans notre foi. Le fait d’être moins nombreux, de souffrir des péchés de l’Église, d’être plongé dans un monde de consommation et hyper-érotisé, d’avoir des choix parfois vertigineux à faire — comme de laisser vivre un enfant ou non, tout cela nous fatigue, nous esquinte. Nous vivons dans une époque passionnante mais spécialement difficile, où se conduire selon l’évangile est un défi de chaque heure.
En un mot : Prier Marie rend Dieu présent et intéressant. Prier Marie c’est se disposer au combat, le vrai, le combat spirituel, ce combat que l’on livre en soi-même contre le découragement intérieur, contre le scepticisme intime, contre la colère, contre le refus de Dieu que distillent en nous les contrariétés et les souffrances.
Prier Marie c’est accepter d’être un enfant, de redevenir comme des enfants qui ont Dieu pour seule force. Il suffit d’essayer, on pas avec une prière machinale mais par les mystères du chapelet contempler avec Marie tous les hauts faits de Dieu, de l’annonciation jusqu’à la Pentecôte. S'imprégner avec elle de la grâce, de cet engagement de Dieu en faveur de l’humanité. Marie apporte avec elle une conviction : Dieu est là et il agit. Nous avons souvent les yeux fixés sur nos difficultés, nos épreuves. Il nous faut vivre dans un paysage plus large. Notre biotope, c’est l’œuvre de salut de Dieu, c’est l’annonciation, la naissance du Christ, la prédication de l’évangile, la Transfiguration, l’agonie à Gethsémani, la Résurrection. Pour tenir, c’est cet air là que nous avons besoin de respirer avec Marie.
Note: on peut trouver sur le site rosairebiblique.org une liste des mystères du rosaire. Souvent, à moins de réciter le rosaire en entier chaque jours, on prie les mystèrs joyeux le lundi et le samedi, les mystères lumineux le jeudi, les mystères douloureux le mardi et le vendredi, les mystères glorieux le mercredi et le dimanche.