homélie du deuxième dimanche de carême 2012
{joomplu:161}L’histoire du sacrifice d’Isaac (Gn 22, 1-18) est quelque chose qui surprend beaucoup les hommes et les femmes modernes que nous sommes. Le fond de cette histoire est qu’Abraham continue de craindre Dieu tout au long de sa vie, même comblé de biens. Craindre Dieu ce n’est pas avoir peur de lui, craindre Dieu c’est le considérer comme ce qu’il est, c’est-à-dire Dieu, c’est-à-dire le centre de notre vie. Assez souvent nous faisons de bien d’autres choses le centre de notre vie. Je ne parle même pas des futilités, lorsque nous pensons à acheter un téléviseur super large, le dernier Iphone, etc., non, je parle même des choses légitimes dont nous serions tentés de faire le centre de notre vie : fonder une famille, avoir des enfants, avoir une maison, une bonne santé, etc. Naturellement nous aurons tendance à faire de ces choses très belles et très légitimes le centre de notre vie. L’histoire d’Abraham nous rappelle que le centre de la vie c’est Dieu. Cela nous surprend car Dieu est tellement impalpable. Mais nous avons ce témoignage à rendre — à nous-mêmes et au milieu de notre monde — que le centre de la vie c’est bien sûr en partie toutes les belles choses que j’ai énumérées mais plus fort encore, c’est celui qu’on ne voit pas, qui est l’auteur de tout, c’est Dieu. Et cela vaut la peine de s’attacher à lui. Avoir le cœur uni à Dieu, c’est plus important que tout, même qu’avoir des enfants. Voilà ce que l’histoire du père des croyants vient nous rappeler, et ainsi nous découvrons ce grand bonheur accessible vraiment à tous. Oui, le bonheur d’Abraham est pour tous.
L’histoire d’Isaac qui va être offert en sacrifice et porte lui-même le bois de l’holocauste va beaucoup impressionner les premiers chrétiens qui vont y voir une figure de Jésus, Jésus qui porte sa croix dans les rues de Jérusalem, Jésus qui est comme offert en sacrifice. Cette histoire ne nous introduit pas seulement au cœur du drame qui se joue dans le cœur d’Abraham, dont nous imaginons à quel point il devait être déchiré tout au long de ces jours-là. Cette histoire nous introduit à ce que vit le cœur de Dieu notre Père. Si le cœur d’Abraham a été déchiré, le cœur du Père l’a été aussi, de la même manière et plus fort encore puisque le Christ, lui, est mort sur la croix.
Quand Dieu décide d’envoyer son fils dans le monde, parce que comme dit saint Jean, « Dieu a tant aimé le monde qu’il lui a donné son Fils unique » (Jn 3,16), il sait qu’il prend des risques incalculables. Il voit bien le mal qui est dans le monde et il voit bien le péché qui mine le cœur de l’homme. Dieu sait qu’il prend des risques et au fur et à mesure que les choses avancent, il voit bien que les risques sont très réels. Finalement, Jésus lui-même va annoncer sa Passion. Et juste après avoir annoncé sa Passion, il y a cette expérience de la Transfiguration (Mc 9, 2-10) où le Père intervient. L’intervention du Père dans ce contexte est dramatique. Le Père n’est pas ici en train de faire une espèce de grand cinéma du genre : ‘Oui les choses vont mal se passer, mais voyez comme mon fils est grand et formidable…’ Ce n’est pas tout à fait cela qui se passe ! Le Père est au cœur du drame que vit son fils. Imaginez le cœur de Jésus le jour où il dit : ‘Vous savez, bientôt à Jérusalem je vais être livré, les gens feront de moi ce qu’ils veulent, je mourrai sur la croix’. Le Père vit cela avec son fils, et il voudrait qu’au moins les apôtres — et parmi les apôtres ceux qui ont reçu mission d’être la tête des apôtres, qui doivent être ceux qui tiennent bon — que ceux-là au moins ne se laissent pas emporter comme les autres par le doute, la peur, le découragement. Alors il y a la transfiguration de Jésus : Jésus qui apparaît un peu sans voile, comme ce qu’il est, le Fils de Dieu. Et il y a cette voix suppliante du Père : « Celui-ci est mon fils bien-aimé, écoutez-le ! » Un peu comme si le Père disait : ‘S’il vous plaît, vous ! ne faites pas comme les autres… S’il vous plaît, vous ! écoutez mon fils, tenez bon !’
Nous sommes là au cœur du drame de la passion. D’ailleurs, quand Élie apparaît avec Moïse pour parler avec Jésus, ce n’est pas pour parler de la belle vue que l’on a là sur cette haute montagne, ou du beau temps qu’il fait, c’est pour parler de son départ qu’il doit accomplir à Jérusalem (Lc 9,31), c’est pour parler de ce don total qu’il va faire pour être fidèle à Dieu et réconcilier les hommes. Au fond, dans ce qui se passe là, nous voyons la croix et nous voyons le poids du péché des hommes, le poids de notre péché. Dire non à Dieu, ou dire à Dieu ‘Oh, ce n’est pas si important, on peut voter que tu disparaisses de notre univers ce n’est pas grave’, c’est un tel drame pour l’humanité. Dire non à Dieu c’est une catastrophe cosmique, dire non à Dieu c’est à crucifier les hommes que cela conduit finalement, comme on le voit partout dans le monde.
— Seigneur Jésus, donne nous de t’accueillir comme tu es, de te faire une confiance inébranlable ! Toi tu es le Fils de Dieu, tu es notre sauveur. Donne-nous de t’ouvrir nos cœurs sans rien minimiser de nos éloignements, car c’est la confiance qui nous fera vivre de ta vie, dans la lumière, dans le bonheur de ton amour. Amen.